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Critique de andman


Bienvenue à Canudos !
Perché sur la crête d'un cactus difforme, un urubu noir scrute les pèlerins qui cheminent péniblement vers l'entrée de cette localité perdue du Nordeste brésilien, agglomération devenue en quelques mois au centre des préoccupations des plus hautes autorités du pays.

Sitôt quittés “Les chemins de la faim” du regretté Jorge Amado, me voici revenu dans le sertão bahianais avec cette fois un guide péruvien, Mario Vargas Llosa, et son roman “La guerre de la fin du monde” publié en 1981. Cette oeuvre imposante par son format retrace dans le détail une page mémorable de l'histoire brésilienne.

Dans ce 19e siècle finissant, le Brésil a connu coup sur coup l'abolition de l'esclavage en 1888 et l'année suivante le remplacement de l'Empire par l'avènement de la République.
Les premiers pas incertains de cette jeune nation et les tergiversations politiques ont incontestablement favorisé l'expansion dramatique des événements de Canudos quelques années plus tard.

Un personnage mystique et charismatique est au centre de toutes les attentions : ses disciples l'appellent le Conseiller. Il s'est installé avec ses fidèles à Canudos au mépris du droit de propriété d'un notable de la région.
Des paysans misérables en recherche d'espérance, des bandits de grands chemins en quête de rédemption, d'anciens esclaves des fazendas affluent à Canudos. Cette multitude hétéroclite écoute avec ferveur cet évangéliste, aux yeux étincelants et à la chevelure nazaréenne, propager de l'aube au coucher un message d'amour et de paix.
Mais la parole de l'oracle n'est pas seulement de fraternité universelle, toute aussi prégnante est sa vision d'une fin du monde imminente. Il assimile la République naissante à l'Antéchrist et refuse le mariage civil, le système métrique décimal, le recensement, le paiement de l'impôt…

Dans la première partie du livre, alors que les événements s'accélèrent, l'auteur introduit de temps à autre un personnage-clé et évoque dans le détail son parcours de vie. Ainsi les nouveaux protagonistes incorporent-ils naturellement le roman comme les différents instruments de musique rejoignent le tempo de la symphonie.

Les rebelles avec femmes et enfants sont estimés à trente mille en novembre 1896 et leur nombre croissant met en danger la République. La guerre est déclarée à ces illuminés et leur anéantissement est décidé en haut lieu.
Trois interventions armées se succèdent en seulement quelques mois et se soldent par autant de fiascos pour les militaires. Invisibles dans l'austère caatinga qui entoure leur bastion, les révoltés sont passés maître dans l'art de la guérilla et crient victoire.
Combien de temps encore Canudos, avec ses jusqu'au-boutistes et son temple aux fenêtres orientées en direction de l'amour, résistera-t-elle aux forces armées brésiliennes ?

Mario Vargas Llosa se garde bien de prendre partie pour un camp ou pour un autre et le lecteur s'identifie tour à tour aux idéalistes de Canudos et aux militaires chargés de faire respecter la loi républicaine. Les manoeuvres politiques liées à ces évènements sanglants sont par ailleurs dépeintes avec mesure et sans parti pris.

C'est avec bonheur que je découvre au fil des mois l'oeuvre éclectique du Nobel péruvien, cependant « La guerre de la fin du monde » se démarque des lectures précédentes par une intensité dramatique omniprésente.
Des événements historiques pour le moins insolites, de multiples personnages aux antipodes les uns des autres, ce roman met en exergue les particularités d'un pays au carrefour des cultures les plus diverses.
Oeuvre où se mêlent passion et violence avec des touches d'humanité et de sensualité parfois, « La guerre de la fin du monde » devrait enthousiasmer celles et ceux attirés par l'immensité mystérieuse du Brésil !
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