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Critique de Nastasia-B


Chez Marivaux, le démarrage d'une pièce est souvent sensationnel, mais, eu égard à l'époque, de peur d'être trop innovant, trop dérangeant, trop décapant comme il ne manquerait pas de l'être, l'auteur tempère le premier élan pour accoucher d'une fin qui satisfasse aux convenances de son temps et de son milieu.

Les lecteurs ou spectateurs anachroniques que nous sommes peuvent peut-être le déplorer aujourd'hui mais dans son temps comme maintenant, c'est avec délice que l'on voit poindre en ses pièces les brillants de cette impertinence muselée, les bonheurs de ce qui n'a pu être écrit mais qui a été pensé si fort qu'il transperce le papier.

Les Acteurs de Bonne Foi ne déroge pas à la règle. La première moitié de cette pièce en un acte est savoureuse à souhait, absolument tordante par moments, puis vient l'attiédissement réglementaire pour retomber peu ou prou sur les pattes de la morale et des convenances du XVIIIème siècle.

Pas aussi fanfaronnant qu'un Voltaire ou qu'un Beaumarchais, moins accro à la fulgurance d'une répartie qu'à la finesse générale de la formule, il m'évoque plus le talent et la retenue d'un Laclos ou d'un Stendhal appliqué au canevas de la comédie.

Ici, il est encore question de théâtre dans le théâtre, le genre de mise en abîme dont il est l'un des maîtres et dont, évidemment, le niveau ultime est le nôtre, c'est-à-dire le théâtre de nos propres vies dans lequel le miroir du théâtre doit nous faire nous reconnaître.

La première pièce dans la pièce à laquelle nous assistons est celle conçue pour faire plaisir à Madame Amelin. Elle est commanditée par son neveu Éraste. Merlin, le valet d'Éraste, est désigné grand enchanteur : auteur, acteur, metteur en scène de l'impromptu qui doit mettre aux prises Lisette, sa propre fiancée, et un autre couple de promis, les valets campagnards que sont Colette et Blaise.

Dans la comédie, il est question d'inconstance et que Colette fasse les yeux doux à Merlin. Vous imaginez sans peine l'emberlificotage qui va se produire entre la comédie et le réel, Blaise étant convaincu que Colette veut réellement le tromper et Lisette non moins persuadée que Merlin a une double vue.

Ce passage est jubilatoire à mes yeux, et assurément le très digne devancier d'une mécanique comique comme celle qui est à l'oeuvre dans le Dîner de Cons de Francis Veber. Je vous laisse jouir du crêpage de chignon qui va s'ensuivre et vous signale simplement que devant les complications des répétitions, la représentation risque fort d'être annulée, si bien que Madame Amelin risque alors d'en être pour ses frais de la comédie qu'elle aime tant. Va-t-elle se satisfaire de cela ? Ne pourrait-elle pas commanditer une autre sorte de théâtre avec d'autres sortes de gens ?

CHHUUUTTT ! n'en disons pas plus car d'aucuns pourraient se méfier s'ils se savaient observés. Il me reste à vous dire que, de bonne foi, j'aime ces acteurs, mais quel genre de public suis-je pour émettre des avis à la cantonade ? Assurément bien peu de chose et le meilleur avis que l'on vous donnera de cette pièce sera toujours le vôtre, alors que le rideau s'ouvre…
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