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Jean-Michel Déprats (Traducteur)
EAN : 9782070746453
184 pages
Gallimard (21/06/1996)
3.95/5   19 notes
Résumé :
En dramatisant le règne convulsif d'Edouard de Carnarvon, roi d'Angleterre de 1307 à 1327, Marlowe suit assez fidèlement les chroniques d'Holinshed (publiées en 1577). Edouard II est le souverain du chaos.
Son règne est celui du désordre, de l'excès, de la prodigalité. Il élève des "culs-terreux " aux plus hautes dignités, place un homme dans son lit, bafoue, bouleverse et transgresse toutes les hiérarchies " naturelles " sur lesquelles se fonde son pouvoir, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai traîné les pieds jusqu'à présent, et surtout ces derniers jours, pour lire Edouard II. Parce que je savais bien qu'il allait me falloir réfléchir plus que de coutume, et certainement aussi aller à la pêche aux infos. Or ; lire Edouard II avec une sinusite, puis se documenter, activer ses neurones (qui préfèrent boire des jus de fruits exotiques, manger des pâtisseries et faire la sieste en temps normal) et enfin écrire cette critique, ça me paraissait... du genre difficile.


Faut ce qu'y faut, allons-y. Sachez d'emblée que ce qui m'a frappée dans Edouard II dès le tout début de la pièce, c'est qu'elle démarre sur les chapeaux de roue. Ce qui m'a posé certains problèmes de compréhension à propos de l'enchaînement des événements, et à propos de la pièce dans son entier. le fait est que, sans connaître l'histoire d'Angleterre, pas mal de choses restent confuses.


Le véritable Edouard II a régné vingt ans - ce qu'on ne devinerait jamais en lisant Marlowe, qui donne l'impression que tout se déroule en quelques mois à peine, et encore -, de la mort de son père Edouard Ier en 1307, jusqu'à sa propre mort en 1327. Son père lui avait laissé en héritage un conflit qui s'enlisait grandement en Écosse, contre le fameux roi Robert Bruce, une situation tendue avec la France, plus ou moins adoucie par le mariage entre notre Edouard et Isabelle de France, fille de Philippe le Bel et soeur de Charles IV, roi de France (ceci finira en guerre... de Cent ans), plus de grosses dettes. Autrement dit, c'était déjà pas super bien parti pour lui, mais il semblerait qu'en plus, si l'on s'en tient aux sources et aux études historiques, il ait été une roi réputé faible, sans que les historiens d'aujourd'hui aient tranché pour un roi qui se désintéressait de ses fonctions ou un roi incompétent. Ce qui ne donne pas une très bonne image de lui, mais on verra que Marlowe a quelque peu inversé la tendance.


En sus de tous ces problèmes, il a été en butte durant tout son règne à ce qu'on appelle l'opposition baronniale : des comtes et des barons (parmi lesquels un certain Lancaster, très puissant) mais aussi un Warwick, un Pembroke, et j'en passe), ne supportant pas le favori d'Edouard II, Pierce Gaveston, qu'ils jugeaient de basse extraction ; ils étaient outrés par l'arrogance dont il faisait preuve à leur encontre, eux qui étaient si bien nés. Ils l'ont donc assassiné (c'est pas du divulgâchage, le titre entier et très long de la tragédie de Marlowe fait mention de la mort de Gaveston), puis ont continué à harceler le roi pour lui faire signer des ordonnances qui restreignaient son pouvoir, puis s'en sont pris à son favori suivant, Spencer... Bref, ça a donné ce que ça devait donner : une guerre civile. C'était pas la première, et ça n'allait pas être la dernière ! le roi a été fait prisonnier par l'opposition baronniale, jeté en prison, contraint d'abdiquer en faveur de son fils, et très probablement assassiné en 1327 - un roi emprisonné, c'est toujours un peu gênant. La reine Isabelle, avec son amant Mortimer (de l'opposition baronniale) et l'aide du Hainaut avait mis très largement la main au complot, pris le pouvoir avec Mortimer, qui a lui-même mal fini (ça aussi, c'est dans le titre), puisqu'exécuté, en vertu de quatorze chefs d'accusation, dont le meurtre d'Edouard II. Ça, c'est en gros l'histoire du règne d'Edouard II, même si je suis passée sur la guerre avec l'Écosse, les taxes prélevées pour l'effort de guerre, les épisodes de famine, et ce genre de choses. J'en suis restée à ce qui nous intéresse le plus pour la pièce, et, si la chronologie est un peu bouleversée ici ou là chez Marlowe, en gros, le contexte est le même, et c'est bien utile de le connaître, c'est même nécessaire. J'ajouterai juste que l'on n'a jamais su si Edouard II et Gaveston avait des relations homosexuelles, étaient juste de proches amis, ou des frères adoptifs sous pacte (les hypothèses sont multiples), et que l'homosexualité, si elle était condamnée par l'Église, n'avait pas forcément non plus pour conséquence un rejet et du dégoût de la part de la société. En revanche, il est connu que Gaveston avait été investi de grands pouvoirs par Edouard II, et on a beaucoup dit qu'il y avait deux rois - un en portant le titre, et l'autre qui se chargeait des réelles fonctions royales.


Par conséquent, je n'aurai pas besoin de mentionner à nouveau tout ceci pour résumer la pièce, sauf quand un parti-pris de Marlowe vient s'insérer dans le contexte historique. Tout débute avec le retour de Gaveston, favori d'Edouard II et exilé sous le règne d'Edouard Ier. le roi voue une passion immense à Gaveston et il semble bien que la première décision qu'il prenne en tant que roi, c'est de lever l'exil de Gaveston. Ce qui n'est pas forcément habile politiquement parlant, ni franchement prioritaire, et pas non plus très discret. Mais après tout, le roi fait bien revenir son favori s'il le souhaite... Oui mais non. Lever de boucliers des barons à l'annonce du retour de Gaveston, alors qu'Edouard ne lui a même pas octroyé la moindre charge, ni le moindre sou, ni même le moindre titre. D'où vient cette opposition farouche à ce qui paraît après tout le bon droit du roi qui vient de monter sur le trône ? Au fait, on est bien en 1307, et historiquement Edouard a 23 ans ; par la suite, il nous sera difficile de nous repérer dans la chronologie. Oui, donc, pourquoi venir agacer le roi en groupe dès le tout début de son règne ? C'est bien la question qui m'a taraudée. le fait est que les barons ont Gaveston en détestation à cause de sa "basse extraction" ; et de le traiter pendant toute la pièce de gueux, de manant, etc., etc. Mais ça ressemble à de l'obsession. Et ça ressemble aussi beaucoup au comportement d'une meute de prédateurs, qui fondent sur un roi qu'ils sentent ou qu'ils savent faibles, eux qui sont terriblement avides de pouvoir et extrêmement pressés d'exercer du chantage sur Edouard : c'est soit Gaveston, soit la guerre civile - un leitmotiv des barons, qu'ils déclineront à l'envi. Donc réaction d'Edouard : hop, Gaveston est nommé Grand Chambellan, et hop, l'évêque à l'origine de l'exil de Gaveston est jeté en prison. Et toc.


Forcément les barons sont encore plus énervés, et on va aller de confrontation en confrontation, de menaces en menaces, Edouard pliant régulièrement sous la pression de ses ennemis, pour ensuite s'opposer à eux, puis plier à nouveau, puis s'opposer de nouveau à eux, et ainsi de suite. Quant à Gaveston, ils passera son temps à rire ostensiblement au nez desdits barons, ce qui n'arrange pas vraiment les choses. Les barons assassinant finalement par traîtrise Gaveston (eux qui se targuent de représenter des valeurs toutes aristocratiques), ils franchissent un pas de plus en demandant illico la tête d'un autre proche de d'Edouard, Spencer - une fois Gaveston mort, le leitmotiv du favori à dégager, ils sont carrément incapables de s'en passer. D'où conflit, forcément. C'est-à-dire guerre civile, parce qu'il faut bien que le roi réagisse un chouïa. Guerre civile que les barons vont venir reprocher à Edouard... Marlowe, certes, montre un roi faible, faible dans sa chair (Gaveston profitant de plus de l'amour d'Edouard, il l'avoue au public dès le début), comme dans son incapacité à assumer les fonctions royales - toujours, toujours, il est prompt à parler de ses sentiments, et jamais il ne parle de gouverner ; quand il faut tout de même s'occuper des affaires d'État, comme le conflit écossais qui s'achèvera en désastre, ou encore les tensions avec la France, il délègue d'autres personnes pour s'en charger - avec la France aussi, les conséquences seront désastreuses. Il prend des décisions sur le coup de la colère, il peut se montrer tyrannique, il n'assume pas sa charge royale, mais Marlowe, cependant, en fait une victime avant tout. Sa femme Isabelle, qui passe plusieurs actes à proclamer son amour pour lui alors qu'il la rejette avec dégoût, est elle d'une grande ambivalence, notamment dans ses relations avec l'un des barons, Mortimer, dont on ne sait trop s'il est son amant ou pas pendant longtemps, mais à qui elle tient sans cesse un langage très très très courtois.


Edouard, lui, est-il si ambivalent que ça ? Malgré ses changements d'humeur, malgré sa volonté fluctuante, il semble que non. Contrairement au Richard II de Shakespeare, il n'a pas de crime sur la conscience (un évêque envoyé en prison, on va dire que ça ne compte pas plus que ça), et il n'a pas son double en face de lui, comme Richard a Bolingbroke. Il n'est au final que faible et assailli par une horde avide de démontrer et d'accroître sa puissance, horde qui se fiche complètement du bon gouvernement de l'Angleterre - sans quoi les barons éviteraient une guerre civile au lieu d'y précipiter le roi plutôt deux fois qu'une. Mais il est aussi un personnage qui démontre bien la théorie des deux corps du roi (largement étudiée par Ernst Kantorowicz) : le corps physique du roi est le réceptacle d'un corps politique, il représente le royaume et toute atteinte à son corps terrestre met en péril le corps souverain, donc le royaume. Or Edouard ne se comportant jamais, ou presque, en roi, son corps physique étant tout attaché à Gaveston, le corps politique se désagrège. La théorie des deux corps du roi est lié, rappelons-le, à la vision analogique du monde qui était encore en vigueur en 1592, quand Marlowe a écrit la pièce, et qui suppose que tout microcosme renvoie à un macrocosme, et inversement. le royaume est donc mis à mal par une sorte de faute originelle de la part d'Edouard - qui n'a rien à voir avec son homosexualité, mais bien avec sa passion qu'il fait passer avant ses fonctions de roi.


Edouard n'en est pas moins une figure de martyre, qui meurt de façon... bon, dégueulasse et horrible. Marlowe a repris la légende selon laquelle on aurait enfoncé une broche chauffée à rouge dans le rectum d'Edouard pour le tuer (c'est historiquement peu probable), bien que ce ne soit guère que suggéré sur scène. Une figure de martyre dont on retrouve l'écho dans la tragédie Richard II de Shakespeare, probablement composée après celle de Marlowe. Lire les deux pièces et les confronter s'avère d'ailleurs très intéressant. Mais c'est aussi que l'époque voit alors surgir beaucoup de pièces s'inspirant de l'histoire de l'Angleterrre, sans doute en partie parce que le spectre de la guerre civile est dans toutes les têtes, mais aussi parce que l'histoire d'Angleterre, et l'histoire tout court, devient le terreau de toute une réflexion sur le pouvoir et la gouvernance. Edouard II en est un très bon exemple, la double tétralogie de Shakespeare en est le plus célèbre, mais d'autres auteurs et pièces peuvent révéler d'autres approches. À qui le tour, alors ?



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Edward II, roi d'Angleterre au XIVe siècle, s'est entiché d'un "mignon" , le Français Piers (Pierre) de Gaveston et, à la mort de son père qui l'avait exilé, le rappelle auprès de lui.
Il lui donne toute une série de titres et lui passe toutes ses fantaisies, notamment de faire emprisonner l'évêque qui l'a fait exiler. Les barons et nobles, dont Mortimer le Jeune, s'opposent au roi contre Gaveston. Il le force à le renvoyer en exil sous peine de destitution. le roi, effondré, se refuse à la reine Isabelle tant que Gaveston reste en exil. Mais les barons, sous l'impulsion de Mortimer le Jeune, rappellent Gaveston pour le tuer. le bonheur du roi et de son amant est de courte durée.
La reine Isabelle, qui s'est rapprochée de Mortimer le Jeune, part chercher de l'aide en France avec son fils, le futur Edward III, pour finir le règne d'Edward II. le futur jeune roi fait promettre à sa mère de ne pas tuer son père mais une lettre en latin mal ponctuée, ruse de Mortimer, sème la confusion sur l'homme des basses oeuvres, Matrevis qui finalement décide tout seul de son interprétation funeste. le roi est enfermé à Killingworth et subit les pires traitements.
La lettre tombant entre les mains du jeune Edward III fournit à celui-ci les preuves et les instigateurs du meurtre de son père. Il se venge sans tarder.
Ecrite un an avant, on ne peut que remarquer tous les points communs de cette pièce avec le Richard II de Shakespeare.
D'abord cette obsession du titre de "roi de droit divin", le roi étant déposé, tous ses droits sont bafoués. Comme Bolingbroke (le futur Henry IV), Gaveston est exilé en Irlande, même si la pièce finit mieux pour Bolingbroke.
Le dénouement est peut-être amené avec moins de subtilité et de mesure que chez Shakespeare. Une fois le complot découvert, tout s'enchaîne alors que la pièce possède des longueurs, des langueurs, des atermoiements. L'avènement d'Edward III est synonyme d'action rapide. Peut-être était-ce une volonté de l'auteur d'en faire sentir la différence.
La fin d'Edward II est sordide et le film de Derek Jarman (1991) possède en ce sens une ambiance étrange, presque minimaliste dans le décor.
Comme Richard II encore, Edward II est l'histoire d'un homme dépouillé de son pouvoir, de ses besoins vitaux, de sa vie.
Cette pièce de Marlowe -qui, on le rappelle, en a écrit peu, étant donné sa mort prématurée, assassiné d'un coup de poignard à l'oeil dans une taverne- est très sombre, proche de la tragédie grecque et presque prémonitoire de la fin de son auteur qui était, lui aussi attiré par les hommes.
Ce ne fut pas facile à lire, surtout en version originale.
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Ce livre figure parmi la liste des chefs d'oeuvre de Charles Dantzig : je ne le connaissais absolument pas et il est rentré directement dans le sac à emmener sur une île déserte
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
WARWICK.
C'est vrai, l'évêque est à la Tour,
Abandonné corps et biens à Gaveston.
LANCASTER.
Quoi ! Ainsi ils tyrannisent l'Église ?
Ah ! roi dégénéré, maudit Gaveston !
Ce sol souillé de leurs pas
Sera leur sépulcre éternel ou le mien.

Acte I, scène II
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EDOUARD. Je vois que tous conspirent à me contrarier,
Mais si je vis, je piétinerai leurs têtes
Qui aspirent à me piétiner de leurs regards hautains.
Viens, Edmond, partons et levons une armée,
Seule la guerre rabaissera l'orgueil de ces barons.

Acte II, scène II
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Acte III, scène 3

Lancastre : Le pire, c'est la mort, et plutôt mourir pour la vie éternelle
Que de vivre dans l'infamie sous un tel roi
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KING EDWARD
By heaven and all the moving orbs thereof,
By his right hand, and by my father's sword,
And all the honours' longing to my crown,
I will have heads and lives for him as many
As I have manors, castles, towns and towers.

Par le Ciel et toutes les planètes autour
Par sa main droite et par l'épée de mon père
Et tous les honneurs attachés à ma couronne,
Je prendrai pour lui des têtes et des vies autant
Que j'ai de manoirs, de châteaux, de villes et de tours.
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BALDOCK

Réduisons toutes nos leçons à celle-ci :
Doux Spencer, nous vivons tous pour mourir.
Spencer, tous vivent pour mourir, et s'élèvent pour choir.
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Video de Christopher Marlowe (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christopher Marlowe
Walter a recueilli chez lui son ami Christopher Marlowe, laissé pour mort après une rixe. Dans le manoir au bord de la falaise, le poète en sursis rencontre Jane, l?épouse de son hôte. Entre ces deux insoumis naît une passion rare. Les corps et les esprits s?unissent dans un élan charnel et artistique, un amour hanté par la création et l?urgence du temps qui reste.
'D?innombrables soleils' est à la fois une plongée dans l?intimité de deux amants, l?évocation d?un des poètes les plus fascinants de l?Angleterre élisabéthaine, et un vibrant hommage à la littérature. Porté par une écriture incandescente, le quatrième roman d?Emmanuelle Pirotte fait la preuve de son talent inclassable, se jouant de toute frontière littéraire.
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