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Micky Sébastian (Autre) Lizzie (Autre)
EAN : 978B0933MYF18
Lizzie (06/05/2021)
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3.85/5   97 notes
Résumé :
L'histoire du plus célèbre des parfums.

Hiver 1919-1920. Après la perte brutale et tragique du grand amour de sa vie, Gabrielle Chanel, appelée Coco, traverse une terrible crise existentielle. Ni son entourage ni son travail ne réussissent à la sortir d’une tristesse profonde. Jusqu’au jour où elle se rappelle leur dernier projet commun : créer sa propre eau de toilette.

Bien que Coco ne connaisse rien au métier des grands parfumeurs, e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Ce parfum dont une goutte vous habille

La vie de Gabrielle Chanel est un grand roman dont Michelle Marly a choisi de nous livrer l'un des épisodes les plus forts, celui qui a conduit à la création du mythique N°5. Une réussite née d'un drame intime.

On imagine la frustration de l'historienne qui découvre que les informations sur la naissance du mythique Chanel N°5 ne sont que parcellaires, que peu de documents sont encore disponibles et que même la chronologie n'est pas établie. Sans doute a-t-on voulu garder le secret sur l'origine et l'élaboration de l'un des plus grands parfums au monde.
Mais on imagine tout autant la romancière construisant, à partir de ce travail de recherche qui restera pour toujours inabouti, un récit où le drame côtoie le sublime, ou la chance vient se mêler au hasard des rencontres, où la volonté farouche d'une femme qui se donnera corps et âme à sa passion finira par l'emporter. C'est la voie qu'a choisi avec bonheur Michelle Marly, pseudonyme derrière lequel se cacherait une éditrice allemande.
Nous sommes au sortir de la Première Guerre mondiale. Après avoir été modiste et ouvert plusieurs boutiques de chapeaux, Gabrielle vient de s'installer rue Cambon, qui est resté l'adresse du siège de la maison de haute couture. La fille de marchands ambulants, dont la mère est décédée très jeune et que son père a placé dans l'orphelinat d'Aubazine en Corrèze, est fermement décidée à réussir. Encouragée par son nouvel amant, Boy Capel, elle fait des projets d'expansion. Mais le 22 décembre 1919, un accident de la route entraîne le décès du bel anglais.
La perte de Boy va plonger Coco dans une profonde dépression. Sa vie n'a alors plus de goût ni de saveur. Elle va finir par suivre son amie Misia, l'ensorceleuse qui lui répète sans cesse qu'il «faut maintenir l'élan, sinon la vie n'a plus de sens». Sur la riviera, elle croise l'aristocratie russe en exil, va de dîner en soirée au casino. C'est là qu'elle fait la rencontre du grand-duc Dimitri Pavlovitch, qui va devenir son nouvel amant. Ce dernier, à qui elle a fait part de son projet de lancer un parfum, lui présente alors Ernest Beaux qui est en charge des parfums de la cour impériale de Russie. Après la Révolution de 1917, les exilés créent La Société française des parfums Rallet dont Ernest est le directeur technique. Avec Gabrielle Chanel, il va pouvoir suivre une voie nouvelle, oublier les parfums floraux qui avaient jusque-là la faveur de la clientèle pour tenter des assemblages plus complexes, rehaussés par les aldéhydes. Parmi les compositions qu'il développe se trouve les numéros 1 à 5. C'est ce dernier qu'elle va choisir, même si les composants sont hors de prix. «Laissons-lui le numéro qu'il porte et ce numéro 5 lui portera bonheur » prophétise alors Mlle Chanel qui entend réserver ce parfum à ses clientes les plus fidèles. Pour elles, elle choisit aussi de casser les codes, en dessinant un flacon aux formes simples et épurées, loin des créations sophistiquées de l'époque. Là encore, la rupture sera payante. Car bientôt, on va s'arracher ce jus incomparable et bien vite, il va falloir penser à une production industrielle. le N°5 va alors devenir le parfum le plus vendu au monde. Mais ce n'est pas le propos de ce récit qui suit bien davantage une femme exceptionnelle avec ses fêlures et ses drames intimes, ses intuitions et ses relations. N'oublions pas que la France découvrait alors Pablo Picasso, Serge Diaghilev, Igor Stravinsky ou encore Georges Auric. Des artistes que Coco va côtoyer et soutenir et qui vont l'inspirer, donnant au roman encore davantage de densité. Une belle réussite au moment où commence l'année durant laquelle on fête les 100 ans du N°5!


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Ah Coco Chanel, les années 20, les mondanités, le luxe, l'Amour...

Je ne connaissais rien de Coco Chanel, si ce n'est son nom emblématique et c'est donc curieuse et ravie que je suis partie à sa rencontre !

Michelle Marly nous offre ici le portrait d'une femme indépendante, forte et fragile à la fois, ambitieuse et travailleuse, qui n'avait pas froid aux yeux et le cran d'obtenir ce qu'elle souhaitait. Une femme placide et exubérante. Une femme qui souffrait en silence et qui a oeuvré toute sa vie à se défaire de ses origines modestes, se créant des légendes, mêlant tant et si bien le vrai de l'imaginé, qu'il est difficile, tant pour ses amis que pour les historiens, de s'y retrouver. Elle se confiait peu, observait beaucoup, et a su briller par ses propres moyens.

Dans ce Paris des années 20, elle parvient, tant bien que mal, à se faire sa place, à s'entourer des bonnes personnes, à se hisser en haut de l'échelle. Mais il faudra encore du chemin pour qu'elle soit réellement (re)connue de tous.

Ce roman s'ouvre sur sa plus douloureuse perte, celle de son grand amour, Arthur Capel alias Boy. Coco, alors dévastée, se raccroche à ce qu'elle peut et c'est sa meilleure amie, Misia Sert, qui lui soufflera l'idée. Boy et Coco avait évoqué la création d'un parfum, il faut lui donner vie, en hommage, en mémoire de celui qu'elle a tant aimé, qu'elle aimera toujours. Un parfum unique, qui représente la femme actuelle, la femme à l'image de Coco, l'icônique Chanel n°5.

Dans cette biographie romancée certes, mais pour laquelle l'autrice s'est largement documentée, rassemblant les pièces émiettées d'un puzzle complexe, on suit Mademoiselle Coco Chanel de 1920 à 1922. Une courte période donc, et pourtant si riche. Une période charnière, où elle doit se (re)construire, faire son deuil, avancer sans cet amant qui était devenu son double, s'émanciper, encore et toujours.

Je me suis passionnée pour ce récit et je suis ravie d'en avoir appris davantage sur cette “grande” créatrice au charme épuré.

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Alors que Noël 1919 approche, Gabrielle Chanel ne s'attend pas à vivre un drame. Son amant, Arthur Capel qu'elle surnomme Boy décède lors d'un accident de voiture sur une petite route du sud de la France près de Saint-Raphaël. le monde de celle que tout le monde appelle Coco s'effondre, la plongeant dans une tristesse immense. Après un gros passage à vide elle décide de se reprendre en main, fréquentant un nouvel amant pour penser à autre chose, mais n'a qu'une idée en tête : réaliser le projet commun qu'elle avait avec l'amour de sa vie avant l'accident. En effet ils avaient en tête de créer une eau de parfum que Gabrielle offrirait à Noël aux meilleures clientes de sa boutique au succès grandissant dont les ateliers étaient installés Rue Cambon à Paris. Malheureusement Gabrielle n'y connait rien en parfumerie et sans le soutien de Boy est persuadée de ne pas y arriver, mais alors qu'elle se rend en voyage à Venise elle va faire la rencontre d'un certain Dimitri Pavlovitch Romanov qui va devenir son amant et lui présenter un parfumeur travaillant à la cour impériale de Russie. En découvrant un parfum inspiré de Catherine de Médicis et dont la formule a disparu, Gabrielle a un coup de coeur immédiat et va tout faire pour tenter de reproduire un parfum similaire pour sa marque. Une aventure hors du commun pour une femme née orpheline qui est devenue au fil des ans et de son travail acharné l'une des plus grandes femmes d'affaires de son époque 😃



Si les business women vous inspirent ne cherchez pas plus loin ce roman est fait pour vous ! Bien que certains aspects aient été tout droit sortis de l'imagination de Michelle Marny la quasi totalité de ce qui est raconté est vrai. On suit Gabrielle, une femme battante qui va lancer LE produit le plus emblématique de sa marque suite au décès de l'amour de sa vie. Quand l'amour devient tristesse puis que cette tristesse devient création ... D'un point de vue historique le roman est incroyable. le Paris de la Belle Epoque est parfaitement décrit, on a l'impression d'y être et de côtoyer nous aussi les grands de cette époque à savoir Picasso ou Jean Cocteau !



J'ai malgré tout eu du mal au début du roman car je n'accrochais pas avec la personnalité de Gabrielle que je trouvais très instable psychologiquement et surtout très dépendante des hommes et de ses fréquentations en général pour créer. J'avais l'impression qu'elle ne se sociabilisait que pour obtenir des choses en échange et qu'elle s'inspirait un peu beaucoup de ce que faisait les autres. C'est au moment où elle emmène Dimitri Romanov en voyage sur les traces de son enfance et qu'elle va lui raconter qui est vraiment Gabrielle et comment elle est devenue Coco que j'ai compris et que je l'ai vue autrement. C'est une femme intelligente qui n'avait aucunement l'intention de copier contrairement à ce que je pensais. A partir de ce moment-là j'ai vu tout le roman différemment et je me suis régalée jusqu'à la fin ! Ce n'est pas un coup de coeur mais une excellente lecture tout de même, ne serait-ce que pour notre culture et les excellentes tactiques commerciales et marketing appliquées à l'époque dont on aurait à apprendre.
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Voici un service de presse accordé par le site Netgalley et les Éditions Fleuve pour cette biographie de la créatrice de mode Coco Chanel. Même romancée, elle est riche d'enseignements sur la période 1919 à 1921. Son titre ne trompe pas sur le contenu du roman. Sans suivre de trame chronologique, celui-ci se distingue d'une biographie classique d'autant plus que l'auteur s'est permis d'y ajouter des touches personnelles mais tout à fait crédibles.

Il traite surtout d'une période cruciale pour Coco Chanel, c'est-à-dire relative à la création de son parfum emblématique : le numéro 5 de Chanel. Il apporte un regard neuf sur LE classique des parfumeries avec sa naissance, fruit de rencontres fortuites. Et en plus d'un éclairage sur cette femme de caractère, le roman nous gratifie aussi d'un enseignement à propos des protagonistes de la bohème dans le milieu culturel parisien des années folles.

Le roman se lit facilement et s'affranchit d'un grand nombre de noms pour ne pas noyer le lecteur dans un méli-mélo de personnalités fréquentées par Coco. L'auteure n'en mentionne que les principales fines fleurs pour garder la substance essentielle et éviter d'entêter comme un quelconque sent-bon.

Quand l'effluve devient parfum

Boy Capel
Le roman débute avec la mort tragique de « Boy » l'amant de Gabrielle Chasnel qui parvient très difficilement à surmonter le choc.

L'auteure (Allemande) a reconstitué sa vie d'avant 1919. de la petite fille orpheline à sa rencontre avec Balsan puis sa relation avec Boy, un homme mariée à une autre. Ses amours, ses amants, ses amitiés.


Coco et Dimitri Pavlovitch
Par touche, l'auteure explique l'ascension de Chanel et ses amours, ses amants… notamment avec le perturbé I. Stravinski. Elle instille surtout la naissance d'un parfum à partir de la rencontre avec le grand-duc Dimitri Pavlovitch l'héritier des Romanov. Sa romance avec l'héritier de la couronne est russe digne d'intérêt. Elle montre l'influence créatrice sur la maison Chanel de la noblesse russe immigrée en France (pour le parfum, le mannequinat).

Sans vouloir divulgâcher le récit, voici quelques énigmes en rapport avec la vie de Coco à éclaircir en lisant le livre : François Coty, « le bouquet de Catherine », Grasse, Ernest Beaux, bouquet de Napoléon, Bourgeois, Lalique.

Les années folles
Dans la période évoquée dans le roman, il se dégage une certaine insouciance dans ses relations sociales. Les soirées et les rencontres de la « jet set » de l'époque dans le milieu artistique imposent un rythme intensif de mondanités plus ou moins conventionnelles. Un exemple typique de la « bohème » au sens donné par le dictionnaire : Ensemble des personnes, artistes, des intellectuels qui mènent une vie sans règles, hors des cadres sociaux.


Stravinski
Dans l'ouvrage, le succès des people cités est un long cheminement pour se réaliser grâce aux soutiens amicaux et financiers des uns et des autres. Beaucoup d'entre eux bénéficieront de la générosité de Coco. Intéressant de constater les revers de fortune : la petite orpheline un peu honteuse de ses origines devenue une femme d'affaires hors pair côtoie des aristocrates eux aussi exilés de leurs terres.


Misia dans atelier de Lautrec
Et, malgré son indépendance, son talent et son sens des affaires, elle ne sera pas digne de mariage avec les hommes qu'elle a aimés.

Ainsi évoluent autour de Coco beaucoup de personnages de notre histoire culturelle : J. Sert, Misia Sert, Stravinski, J. Cocteau, Picasso, Murphy, Stravinski. Paul Poiret, S. Bernhardt avec des photos recueillies sur Internet (source Wikipédia et Modehot.com).
Lien : https://lesparolesenvolent.c..
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L'histoire se passe après la première guerre mondiale. Gabrielle Chanel vient de perdre le grand amour de sa vie et elle ne sait pas si elle va y survivre. Misia, sa grande amie, va l'aider à sortir de sa torpeur en lui demandant de concrétiser le projet qu'ils avaient en commun, la création d'un grand parfum.
Là, commence l'histoire de Chanel n°5. C'est une grande découverte pour moi. J'ai vraiment adoré le récit de toutes les étapes de la naissance de ce parfum. Entre le le lyrisme et la réalité, tout m'a enchanté.
J'ai aimé la ténacité de cette femme qui n'abandonne jamais et qui vise l'excellence, j'ai aimé découvrir ses rencontres riches et variées, j'ai aimé la fragilité et la force de son caractère, j'ai aimé ses mondanités et sa générosité, ...
Coco Chanel a su s'élever dans la société : alors qu'elle n'était qu'une orpheline pauvre, elle a su gravir les échelons, devenir une millionnaire et habiller les plus grands de son époque.
L'auteure, même si l'ouvrage n'est pas une biographie, a su me toucher dans la description de son personnage toujours en attente d'une reconnaissance, ne se sentant pas légitime dans le monde de l'aristocratie. Gabrielle Chanel m'a touchée aussi car elle a fini sa vie seule, n'ayant pas à réussi à remplacer le grand amour de sa vie.
Michelle Marly est une auteure à suivre.

Je recommande vivement cette lecture. Merci Netgalley et les éditions Fleuves.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
— Je ne dis pas qu’une Eau de Chanel ne serait pas une bonne idée. D’ailleurs, la proposition venait de lui – comment pourrais-je douter de son excellence ?... Mais ce n’est pas dans mes cordes, Misia. Je sais dessiner des chapeaux, tailler des robes, mais je ne connais rien au travail d’un parfumeur. C’est un métier. Je n’y arriverai jamais toute seule. Et je ne connais personne qui puisse m’épauler dans ce domaine. Il faudrait que ce soit quelqu’un à qui je puisse faire confiance. Boy m’aurait soutenue. Mais Boy n’est plus là pour me guider, pour chercher, tâtonner et découvrir avec moi ce que doit être mon parfum.
Misia n’était pas persuadée que l’amateur d’art et de littérature qu’avait été Arthur Capel aurait été le mieux placé pour aider Coco à se mouvoir dans l’univers complexe d’un laboratoire de chimie. Mais elle garda ses réflexions pour elle et décida de prendre les choses en main.
— Yvonne Coty est une bonne amie à moi. Tu la connais aussi, n’est-ce pas ? Elle t’achète des robes, si je ne me trompe ? Bref, je pourrais lui demander de parler à son mari. François Coty sera sûrement d’accord pour t’aider. Il ne refuse jamais rien à une femme, et personne ne saurait mieux t’initier aux secrets des parfums que le plus grand fabricant de cosmétiques au monde.
— Quand nous avons parlé de créer une Eau de Chanel, Boy a pensé lui aussi à François Coty, murmura Coco.
— Eh bien, tu vois. Il avait raison.
Coco posa sur Misia ses grands yeux insondables.
— Pourquoi un homme aussi occupé que M. Coty trouverait-il du temps à me consacrer ? Et puis on dit que c’est un tyran.
— Un tyran plutôt charmant ! (Misia sourit.) Même un François Coty a ses faiblesses, sais-tu ? Yvonne m’a raconté qu’il adorait se faire mousser. On croirait le grand-duc dans La Chartreuse de Parme. Plus la personne en face de lui est célèbre, plus il est content de montrer ce qu’il sait faire. Et non seulement tu es une femme célèbre, mais tu t’apprêtes à réaliser les dernières volontés de ton amant.
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INCIPIT
Un, deux, trois, quatre, cinq… Un, deux, trois, quatre, cinq…
Ses lèvres bougeaient, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Elle comptait en silence les petites pierres du pavement. Un sol inégal et usé, piétiné depuis près de mille ans. Des cailloux de rivière y dessinaient des motifs géométriques ou des symboles religieux.
Cinq étoiles ici, cinq fleurs là-bas, un peu plus loin un pentagone. Partout ce chiffre cinq, et ce n’était pas le fruit du hasard. Elle avait appris que pour les religieux de l’ordre cistercien, le cinq avait une valeur symbolique : il représentait l’incarnation parfaite. Le nombre de pétales d’une rose est souvent un multiple de cinq, la pomme et la poire sont structurées selon cinq axes de symétrie. L’homme possède cinq sens et les prières évoquent les cinq plaies du Christ. Les religieuses ne lui avaient pas enseigné que le cinq était aussi le chiffre de l’amour et de Vénus, la somme indivisible du chiffre masculin trois et du chiffre féminin deux. Cette information, du plus haut intérêt pour une fille de quatorze ans, elle l’avait trouvée dans un livre qu’elle lisait en cachette au grenier.
La bibliothèque du monastère recelait des trésors très surprenants, souvent scandaleux, et pas destinés à tomber sous les yeux d’une gamine, comme les sermons rédigés au Moyen Âge par Bernard de Clairvaux. Il y rappelait à ses moines le rôle des substances aromatiques dans la prière et les ablutions rituelles. Le fondateur de l’ordre cistercien conseillait même à ses coreligionnaires en quête de plus de spiritualité et d’intériorité de s’imaginer les seins odorants de la Vierge Marie qu’ils célébraient dans leurs cantiques. La présence d’encens et de jasmin, de lavande et de roses sur l’autel était censée intensifier la contemplation par le biais de l’odorat.
Pour les enfants orphelins, telle la petite fille solitaire qu’elle était, les arômes extraits des plantes poussant dans le jardin du monastère demeuraient un rêve lointain, comme de se blottir contre les seins généreux d’une mère aimante. Les pensionnaires étaient régulièrement récurés au savon de Marseille dans un grand baquet d’eau afin d’être débarrassés de la saleté des travaux des champs ou de la cuisine. Il fallait juste que l’odeur de propre remplace celle de la sueur, de la peur et de la fatigue ; il n’était pas question de sentir bon. Les draps blancs et rêches qu’elle devait laver, repriser si nécessaire, plier et ranger en piles bien régulières dans la lingerie étaient traités avec plus de délicatesse que la peau des orphelins.
Un, deux, trois, quatre, cinq…
Compter l’aidait à passer le temps tandis qu’avec les autres filles alignées sur un rang elle attendait que le prêtre l’entende en confession.
Après avoir patienté interminablement comme des soldats au garde-à-vous dans la cour d’une caserne, elles entraient tour à tour dans le confessionnal. Elle supposait que si les religieuses exigeaient cette posture raide et ce silence qu’aucun enfant ne pouvait supporter très longtemps, c’était pour que les petites finissent par trouver quelque chose à avouer. Aucune d’elles n’avait généralement commis de péché depuis la confession précédente, le dimanche d’avant. Sur ce rocher venteux où l’abbaye d’Aubazine avait été édifiée au XIIe siècle, les occasions de pécher étaient rares.
Elle vivait depuis deux ans dans ce monastère isolé de Corrèze, assez loin de la route de Paris pour que les enfants n’aient pas l’idée de s’enfuir. Plus de sept cents jours s’étaient écoulés depuis que sa mère était morte et que son père l’avait fait asseoir dans une voiture à cheval pour la déposer chez les religieuses cisterciennes. Sans façon. Comme un vulgaire paquet. Après ça, il avait disparu à jamais, et pour l’âme fragile de la petite, ce fut le début de l’horreur. Dès cet instant, elle n’avait plus eu qu’un seul désir : être assez grande pour avoir le droit de quitter le monastère et mener une vie indépendante. Peut-être l’aiguille serait-elle la clé de la liberté. Une fille opiniâtre et qui savait coudre pouvait espérer aller à Paris et entrer dans une grande maison de couture. Elle l’avait entendu dire, mais au fond elle ne savait pas ce que ça signifiait vraiment.
Pourtant, ça la faisait rêver. Maison de couture : ces trois mots faisaient résonner un souvenir en elle. De belles étoffes, le froufrou de la soie peut-être, des volants parfumés, de la fine dentelle. Non pas que sa mère ait été une dame : elle était blanchisseuse et son père marchand ambulant. Il n’avait jamais vendu d’articles aussi raffinés, mais chaque fois qu’elle pensait à de belles choses, elle les associait toujours à maman. Comme elle lui manquait ! La tête lui tournait parfois, tant elle aurait aimé retrouver ce sentiment de sécurité qu’elle avait toujours ressenti auprès de sa mère.
Mais à présent, elle était livrée à elle-même, exposée à une vie rude, à une discipline de fer, aux châtiments, avec de temps en temps l’absolution divine. Tout ce qu’elle désirait, c’était un peu d’affection. Était-ce un péché qu’elle aurait dû confesser ? Ce secret pèserait-il trop lourd sur sa conscience pour que son âme trouve un jour la paix? Peut-être, se disait-elle, méditant en silence. Ou peut-être pas. Non, elle n’avouerait pas à son confesseur que l’amour était son seul but dans la vie. Pas aujourd’hui, en tout cas. Et la prochaine fois non plus, sans doute.
Elle comptait en silence les petits cailloux du pavement tandis qu’elle marchait vers l’abbatiale d’Aubazine :
Un, deux, trois, quatre, cinq…

Les phares jaunes perçaient le brouillard qui montait de la Seine et enveloppait comme une fine toile de lin blanc les frênes, les aulnes et les hêtres de la rive qui bordaient la route. On croirait un suaire, songea tout à coup Étienne Balsan.
Une image s’imposa à son esprit : celle d’un mort exposé, les membres brisés, la peau brûlée, recouvert d’un linge. Aux pieds du défunt une branche de buis, sur sa poitrine un crucifix. À côté de sa tête, une coupelle d’eau bénite pour faire oublier l’odeur de la mort. La lueur des bougies projetait des ombres fantomatiques sur le cadavre apprêté par les religieuses de façon qu’il ne choque pas trop la vue.
Étienne essaya malgré lui d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler le beau visage défiguré de son ami. Il le connaissait presque aussi bien que le sien.
Il ne doit pas rester grand-chose des traits réguliers, des lèvres finement ourlées, ni du nez droit, se dit-il en réponse à sa propre question. Quand une automobile dévale un talus sans freiner, heurte une paroi rocheuse et prend feu, il n’y a presque rien à récupérer. Il aurait certainement fallu le talent d’un habile technicien pour restituer sa beauté au malheureux défunt.
Il sentit un filet d’eau sur sa joue. Pleuvait-il à l’intérieur de la voiture ? Il voulut actionner les essuie-glaces, mais son geste fut si fébrile que la voiture fit un écart. Il freina trop fort, de la boue gicla contre la vitre latérale. Le caoutchouc des essuie-glaces grinçait sur le pare-brise. Il ne pleuvait pas. C’étaient ses larmes. Une vague de lassitude et de chagrin s’abattit sur lui, menaçant de le submerger. S’il ne voulait pas finir comme son ami, il avait intérêt à se concentrer sur sa conduite.
La voiture s’était mise en travers de la chaussée. Étienne s’obligea à respirer calmement, arrêta les essuie-glaces, se cramponna des deux mains au volant. Le moteur hurla quand il appuya sur l’accélérateur, les roues tournèrent dans le vide. Après quelques à-coups, la voiture se remit en piste. Son cœur retrouva son rythme normal. Après minuit, il ne venait heureusement aucun véhicule en sens inverse.
Il se força à garder les yeux braqués sur la route. Pourvu qu’aucun animal sauvage ne traverse. Il n’avait pas envie d’écraser un renard, la chasse à courre correspondait davantage à ses goûts. Son ami était pareil, l’amour des chevaux les unissait. Arthur Capel, l’éternel adolescent qui n’avait jamais pu se débarrasser de son surnom d’enfant, « Boy », était – ou plutôt avait été – un fantastique joueur de polo. Boy était un bon vivant, à la fois intellectuel et charmeur, gentleman jusqu’au bout des ongles, un diplomate britannique promu au rang de capitaine pendant la guerre, un type que chacun se plaisait à appeler son camarade. Étienne pouvait s’estimer heureux d’être l’un de ses plus anciens et de ses meilleurs amis. Enfin, d’avoir été…
Une larme roula de nouveau sur sa joue tannée par le soleil, mais Étienne ne lâcha pas le volant pour l’essuyer. S’il voulait arriver entier à Saint-Cucufa, il ne devait plus se laisser distraire par ses pensées. Ce voyage était le dernier service qu’il pouvait rendre à son ami disparu. Il devait apporter la terrible nouvelle à Coco avant qu’elle ne l’apprenne le lendemain par les journaux ou par le coup de téléphone de quelque commère. Ce n’était vraiment pas une mission plaisante, mais il l’accomplirait avec tout son cœur.
Coco était – avait été – le grand amour de Boy. Cela ne faisait aucun doute. Pour personne, et surtout pas pour Étienne. C’est lui qui les avait présentés, un été, dans sa propriété. Boy était venu à Royallieu à cause des chevaux, et il était reparti avec Coco. Pourtant, elle était l’amie d’Étienne. Enfin, pas à proprement parler son amie, à l’époque. C’était une fille qui chantait des chansons équivoques sur la scène d’un beuglant de Moulins, une ville de garnison, et qui passait ses journées à repriser les pantalons des officiers avec lesquels elle batifolait la nuit. Douce, un peu garçonne, ravissante, heureuse de vivre, vulnérable et en même temps incroyablement vaillante et énergique. Le contraire exact de la grande dame* à qui tant de jeunes femmes de la Belle Époque rêvaient de ressembler.
Étienne s’était amusé avec elle et l’avait accueillie quand il l’avait trouvée à l’improviste devant sa porte, mais il n’avait rien changé à ses habitudes. Au début, il ne voulait même pas l’avoir à ses côtés, mais elle, têtue, était restée
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Cinq étoiles ici, cinq fleurs là-bas, un peu plus loin un Pentagone. Partout ce chiffre cinq, et ce n’était pas le fruit du hasard. Elle avait appris pour les religieux de l’ordre cistercien, le 5 avait une valeur symbolique : il représentait l’incarnation parfaite. Le nombre de pétales d’une rose est souvent un multiple de cinq, la pomme et la poire sont structurés selon cinq axes de symétrie. L’homme possède cinq sens et les prières évoquent les cinq plaies du Christ. Les religieuses elle ne lui avait pas enseigné que le cinq était aussi le chiffre de l’amour et de Vénus, la somme indivisible du chiffre masculin trois et du chiffre féminin deux.
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— Je suis désolé de te déranger en pleine nuit, commença-t-il.
Il s’éclaircit la voix et poursuivit d’un ton mal assuré.
— J’ai pensé que je devais à Boy de t’informer… Lord Rosslyn a téléphoné de Cannes…
Il reprit son souffle. Comment lui dire ? C’était tellement difficile.
— Boy a eu un terrible accident. Sa voiture a quitté la route. C’était lui qui conduisait, son chauffeur était sur le siège passager. Mansfield a été grièvement blessé… Pour Boy les secours sont arrivés trop tard.
C’était dit. Mais elle ne réagissait pas.
Étienne comprit avec un peu de retard que le domestique devait déjà avoir informé Coco de la mauvaise nouvelle. Évidemment. Joseph avait bien été obligé d’expliquer pourquoi il avait laissé entrer un ami en pleine nuit et tiré Mademoiselle de son lit. Mais pourquoi se taisait-elle ainsi ?
Pour rompre le silence, Étienne reprit :
— La police enquête… Pour l’instant, on ignore ce qui s’est passé exactement. En tout cas, personne encore n’est au courant à Paris. Tout ce qu’on sait, c’est que l’accident s’est produit quelque part sur la Côte d’Azur. Les freins de la voiture ont lâché, semble-t-il…
— Mademoiselle a compris, monsieur, l’interrompit Joseph.
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— Il y avait un article dans le journal sur ce meurtrier qu’on a réussi à arrêter parce qu’un témoin, une femme, l’avait reconnu à son parfum. L’homme utilisait Mouchoir de Monsieur de Jacques Guerlain, et Boy et moi avons parlé du caractère unique de ce parfum-là. Nous nous sommes demandé si je ne devrais pas proposer à mes clientes une Eau de Chanel. Pas en boutique, mais comme cadeau de Noël. Une édition limitée, une centaine de flacons…
Sa voix se brisa.
Misia comprit qu’il n’y aurait plus jamais pour Coco de fêtes ni de Noël qui ne lui rappellent aussitôt la mort de Boy. Craignant que son amie ne sombre à nouveau dans son chagrin, elle s’empressa de rompre le silence.
— Mais oui, dit-elle avec un enthousiasme un peu forcé, un parfum est un cadeau apprécié en toute occasion. C’est une idée magnifique. Regarde François Coty : il a gagné une fortune grâce à Chypre parce que les soldats américains en envoyaient des milliers de flacons chez eux. Ils en ont même emporté dans leurs bagages en rentrant au pays, comme souvenir de la France. Une Eau de Chanel, tes clientes vont adorer…
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Nouvel horaire pour l'émission "Le coup de coeur des libraires" sur les Ondes de Sud Radio. Valérie Expert et Gérard Collard vous donne rendez-vous chaque dimanche à 13h30 pour vous faire découvrir leurs passions du moment ! • Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici ! • • L'âne Trotro - Coffret de 6 histoires Trotro rigolotes : Mini-Bibliothèque Trotro de Bénédicte guettier aux éditions Giboulées https://www.lagriffenoire.com/mini-bibliotheque-trotro-coffret-de-6-histoires-trotro-rigolotes.html • Graine d'empereur de Paolo Proietti aux éditions Circonflexe https://www.lagriffenoire.com/graine-d-empereur.html • Un incroyable Noël ! de Roald Dahl , Quentin Blake aux éditions Gallimard Jeunesse https://www.lagriffenoire.com/un-incroyable-noel.html • le Cadeau des affreux de Meritxell Marti, Xavier Salomo aux éditions Seuil Jeunesse https://www.lagriffenoire.com/le-cadeau-des-affreux.html • Coeur de pierre : Livre CD de Agnès Desarthe et Marc Boutavant aux éditions Gallimard Jeunesse https://www.lagriffenoire.com/coeur-de-pierre-livre-cd.html • L'histoire du suppositoire qui voulait échapper à sa destinée de Alex Vizorek, Caroline Allan aux éditions Michel Lafon https://www.lagriffenoire.com/l-histoire-du-suppositoire-qui-voulait-echapper-a-sa-destinee.html • le Magicien de Colm Tóibín aux éditions Grasset https://www.lagriffenoire.com/le-magicien-2.html • de nulle part de Claire Favan de Claire Favan aux éditions HarperCollins Noir https://www.lagriffenoire.com/de-nulle-part.html • Sans un bruit de Paul Cleave et Fabrice Pointeau aux éditions Sonatine https://www.lagriffenoire.com/sans-un-bruit.html • Un employé modèle de Paul Cleave, François Bergeron aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/un-employe-modele.html • Ne fais confiance à personne de Paul Cleave aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/ne-fais-confiance-a-personne.html • Paris se lève de Armand Delpierre aux éditions Plon https://www.lagriffenoire.com/paris-se-leve.html • Il ne faut pas mettre les enfants au congélateur: Petit manuel de cuisine pour les ogres de Michaël Escoffier et France Cormier aux éditions Chenelière https://www.lagriffenoire.com/il-ne-faut-pas-mettre-les-enfants-au-congelateur-petit-man.html • Mon guide Bistronomik par Joey Starr & friends de JoeyStarr aux éditions Télémaque https://www.lagriffenoire.com/mon-guide-bistronomik-par
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Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
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Victoria Ocampo

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