Elle me fixe. Son expression me reste indéchiffrable. Si j'y prenais garde, je lirais un mélange de peur et de détermination, de soumission et d'insolence. Des sentiments contradictoires ,que je renonce à démêler par paresse.
le silence dure .Ses yeux sont si noirs qu'ils reflètent l'extérieur. Dans ces miroirs j'apparais furtivement, visage nonchalant, puis tronc, puis silhouette qui s'éloigne, perd sa consistance, se délite et meurt.
Au regard de la société, il commet une faute moins grande à trancher la peau d'un tueur que celle d'un honnête homme. Évidemment, il a dû s'interroger sur leurs différences : les organes de l'assassin sont-ils semblables à ceux du moine, à ceux de la vierge ? Ou peut-être savait-il déjà qu'ils se ressemblent comme des frères. Que seule l'enveloppe diffère : les rides, le froncement des sourcils, les cheveux roux, blonds ou blancs. La constitution physique crée des distinctions entre les êtres, l'âge va jusqu'à nous rendre différents de nous-mêmes mais, si noires qu'aient été nos actions, celles-ci ne s'inscrivent pas dans le secret des chairs. Elles passent, superficielles et insignifiantes, s'effacent sans laisser aucune trace.
Les fréquentations sont provisoires, personne ne se risque à une dépense superflue de sentiments. On économise les élans du cœur. On prise l'inconstance des attachements. On forme des alliances réversibles. Si l'ennui engendre une malveillance de circonstance, la chaleur vient rapidement à bout des volontés. Elle fait régner en maîtres l'indécision et la frivolité.
Moi, je descends tout un fleuve quand les autres, les gens sincères, commencent à peine à tremper leurs pieds dans l'eau. Je bois aux fontaines qui coulent dans ma tête, j'offre des festins imaginaires. Les oiseaux de paradis me tressent des nuages de plumes oranges et bleues. Je déverse des pluies d'or sur les mers desséchées. Les vents jouent des mélodies secrètes pour ceux que j'aime.
Je parcours un continent quand ils traversent une départementale consultable sur les plans cadastraux. Je suis riche de scènes interdites, de territoires inconnus, j'ai des des fortunes qui ne valent rien, je suis pauvre comme un roi. Avec toute leur vérité, ils vivent dans un monde étroit comme un enclos à poules.
Mais toi, tu n'es pas comme eux. Je l'ai vu tout de suite. Pas comme ton mari et ses amis, plongés dans la fosse à réel. La réalité est souvent une charretière, tu ne trouves pas ?
Toi, tu connais des mondes où ils n'iront jamais. Des lieux dont ils n'osent pas rêver.
Je mens pour mentir. Parce qu'il y a un moment où mentir est une politesse.
Je mens parce que tout le monde ment. Regarde Cendrars. Il a fait un poème de milliers de vers sur le Transsibérien. Et il n'a jamais pris le Transsibérien !
Les méchants sont méchants tout le temps et que deux et deux font quatre.
Je mens pour mentir. Parce qu'il y a un moment où mentir est une politesse.
La réalité est souvent une charretière...
Ce n'est pas la peine de mort qui dissuade les criminels d'agir, c'est la taille de Singapour. Quand on commet une faute ici, il y a toujours quelqu'un qui vous a vu. Qui vous connaît, ou qui connaît un de vos proches. Toujours quelqu'un qui vous dénonce…
Les vraies expats, ce sont elles. Leurs maris sont banquiers, dirigeants chez Total ou à la BNP. Elles organisent des ventes privées. Elles vivent dans des maisons. Des black and white, ces habitations noir et blanc typiques du style colonial.