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3,97

sur 173 notes
Si Anthony Marra était un artiste du vivant il serait un transformiste bluffant. Il a beau être un auteur américain installé sur les collines californiennes, dans Une constellation de phénomènes vivants, il se fait conteur slavo-oriental déroulant avec une formidable assurance un récit tout ensemble poétique et réaliste, sarcastique et tragique, mélancolique et profond en racontant des vies brisées par deux guerres successives en Tchétchénie.
On peut même dire que Marra s'intéresse peut-être au pire de la guerre : le chaos qui lui succède et la vulnérabilité des populations civiles soumises à la délation, les arrestations sommaires, la torture, les mines antipersonnel, la contrebande quand ce n'est pas l'exode ou le trafic d'êtres humains…autant de paramètres qui bouleversent les gestes du quotidien, broient les alliances claniques traditionnelles telles que les Teïps et ce qui reste d'humanité chez les rescapés. La guerre moderne détruit tout, le visible comme l'invisible. Ou presque.
Car malgré la désolation infinie, le roman fourmille de personnages improbables, presque farfelus à l'image d'Akhmed, médecin plus doué pour le dessin que pour soigner les habitants de son village Eldár qu'il a fui en compagnie de la petite Havaa, fillette de huit ans qui rêve de devenir "anémoniste de mer". Il y a également Sonja, chirurgienne russe qui les recueille dans ce qui reste de l'hôpital de Volchansk. Sans cesse importunée par des mouches elle guette la moindre information sur sa soeur disparue. Et enfin Khassan l'ancien instituteur qui a ramené au village ses parents morts en camp de déportation dans une valise marron.


Loin d'enfermer le récit dans une atmosphère ténébreuse et glaçante d'effroi, Anthony Marra utilise les codes littéraires de cette contrée aux lignes géographiques éclatées. de la même manière que la Tchétchénie mêle les alphabets arabe, cyrillique et latin, l'auteur entrelace humour noir et grâce bouleversante, amour transcendant et cruauté, sens de l'honneur et le pire de la nature humaine avec une plume remarquable. le contraste est saisissant, parfois déstabilisant mais en tout cas séduisant car il donne à lire un roman puissant sur l'endurance et la résilience humaines en temps de guerre.
Un premier roman passionnant qui par sa construction refusant la linéarité invite à une lecture lente, ce sont des vies martyrisées qu'Anthony Marra tente patiemment de reconstituer.
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Dans ses luttes récentes contre la Russie, une partie des Tchétchènes a opposé une résistance farouche à ses envahisseurs alors que les liens ancestraux (les clans) étaient anéantis et les familles décimées.

Havaa, une villageoise de huit ans, voit son père emmené par les soldats russes en pleine nuit. Il est accusé, après une dénonciation perpétrée par un de ses amis, d'aider les rebelles. Mais une délation, dans un pays détruit qui manque de tout et surtout de l'essentiel, ne signifie pas grand-chose.

Car les délateurs, les salauds de ce monde privé de repères, peuvent être aussi des héros qui agissent pour sauver leurs proches ou pour survivre. Et la jalousie, la solitude, la non communication et les paroles impossibles à dire n'interdisent pas le sentiment de culpabilité et l'amour.

Une constellation de phénomènes vitaux, un conte historique, un roman documenté bien qu'un peu obscur tant les chemins qu'il empreinte sont nombreux.
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Vie: une constellation de phénomènes vitaux - organisation, irritabilité, mouvement, croissance, reproduction, adaptation.

En 2000, la dernière guerre de Tchétchénie a écrasé le pays sous la botte russe mais la fin des hostilités a offert une paix illusoire et dangereuse, sous armée d'occupation.
Le quotidien de la population reste une lutte sans fin contre les exactions des militaires russes et des rebelles indépendantistes, une quête journalière pour s'alimenter, se chauffer, se soigner, sauver sa peau en évitant les mines, les enlèvements, les délations et le mauvais sort.

Les destins croisés de la petite Havaa, qui a vu son père arrêté sous ses yeux, de son gentil voisin Akhmed, improbable médecin de village connu pour son incompétence et de Sonja, la chirurgienne russe, dernière soignante d'un hôpital à l'agonie, font la force de ce roman attachant, au plus près des individus.

Par des chapitres entrecroisés des deux guerres et de l'instabilité de la courte indépendance, le contrechamp visuel offre un pays en ruines, en couleur sépia, décimé par la guerre, où chacun s'arrange à sa manière des événements, en opportuniste ou en les subissant. L'écriture de Anthony Marra est visuelle, sensuelle, pétille parfois d'un humour salvateur, entre ironie et poésie, ménage ses effets en étant capable de lâcher des petites bombes meurtrières en petites phrases lapidaires.

Un très beau roman, dans un contexte géo politique original pour mettre en scène une fiction dramatique, aux personnages bruts et denses, hommes et femmes ordinaires pétris d'humanité. C'est l'occasion de découvrir la Tchétchénie entre modernité et moyen-âge, ses traditions, son fondement religieux musulman, son sentiment nationaliste féroce et belliqueux, ancré dans la rancune atavique envers le grand frère voisin, et le tourbillon politique d'épuration ethnique subi par cette région au 20ème siècle.

Coup de coeur! Coup de coeur!
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Un roman émouvant sur des existences dévastées par la guerre, sur le misères du peuple tchétchène.

Une petite fille qui survit, Haava n'avait que son père qui continuait de lui montrer de nouveaux mots en « ismes » et de lui parler d'avenir, son père, dont on avait coupé les 10 doigts… Jusqu'au jour où elle est recueillie par un voisin lorsque son père est amené à la « Décharge » et leur maison incendiée.

Le voisin, c'est un médecin un peu raté, plus doué comme portraitiste que pour la médecine. Il amènera Haava à l'hôpital d'une ville proche où en échange de la protection de la petite, il travaillera pour la chirurgienne épuisée qui est la seule à réaliser chaque jour les amputations de membres déchiquetés par les mines antipersonnelles.

Une autre famille du village, c'est un père, historien, qui écrit l'histoire des Tchétchènes, des milliers de pages qu'il doit réécrire à chaque changement de gouvernement. C'est un homme seul, surtout qu'il ne parle plus à son fils unique depuis que ce dernier sert d'informateur aux tortionnaires russes.

Une histoire qui n'est pas très réjouissante, car il s'agit des horreurs de la guerre, une guerre sans pitié où on peut bombarder l'aile d'un hôpital en représailles pour avoir soigné des rebelles.

Un livre qui ouvre sur coin du monde qu'on connait peu, un petit bout de ce qui est aujourd'hui un territoire russe, mais aussi un roman de héros qui gardent leur humanité dans un contexte inhumain…
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Nous sommes en 2004 en Tchétchénie. C'est la désolation, il ne reste rien après la guerre contre les Russes qui contrôlent tout et font appel à la délation des habitants.
Pendant la nuit des soldats viennent incendier la maison de Dokka et l'emmènent. Sa petite fille s'est cachée et le voisin, Akhmed, la recueille.
Celui-ci l'emmène à l'hôpital distant de onze kilomètres et la confie à Sonja, la chirurgienne qui garde l'hôpital en activité, si on peut dire. Akhmed a une vague formation de médecin et va venir l'aider mais il retourne chaque jour auprès de sa femme malade.
La désolation et l'histoire pénible des Tchétchènes nous est racontée par l'intermédiaire de Khassan qui a écrit ses mémoires.
L'auteur nous décrit très bien l'ambiance et les personnages et c'est ainsi que j'ai appris qu'il avait travaillé dans régions de l'est de l'Europe tout en étant Américain.
Je regrette les détours que prend l'auteur, un peu comme dans les nouvelles où on doit quitter ce qu'on lit pour passer à autre chose. Lui, il y revient mais j'ai ressenti un sentiment d'abandon du fil de l'histoire à chaque fois.
J'ai apprécié la ligne du temps en début de chaque chapitre qui se résume aux années 1996 ou 2004.
C'est un livre qui ouvre l'esprit à la réalité bien dure de certains de nos égaux.
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Une constellation de phénomènes vitaux, quel beau titre, n'est-ce-pas ? Quel magnifique livre, bouleversant aussi, un livre qui vous prend aux tripes, qui vous humidifie les yeux, sans oublier cette perpétuelle goûte au nez, c'est que, cette lecture vous fait réaliser bien des choses. Cette stupidité crasse paradigme de la société, de cette haine intestine de l'autre, de ses différences culturelles, physiques, de l'obscurantisme à l'origine de toutes ces guerres, pour mieux diriger, imposer, gouverner. Sonja,Akhmed et Havaa sont des êtres aux antipodes de ces preceptes, des personnages qui vous redonnent espoir en l'humanité, à la vie, mais qu'ils sont beaux, magnifiques. Akhmed, ce médecin raté prenant d'énormes risques afin de protéger Havaa, Sonja qui, à défaut d'avoir sauvé sa soeur, se perd corps et âme afin de sauver tous ses hommes, femmes, victimes de l'imbécilité et Hava, cette petite qui du haut de ses 8 ans, en a trop vu, déjà trop lucide, trop mature, quel poids sur ses frêles épaules, l'espoir réincarné... Combien faudra-t-il encore de guerres pour que les Hommes vivent en harmonie ? Merci à tous ces Akhmed, Sonja et Havaa, ces étoiles de la constellation des phénomènes vitaux, la plus belle...
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Vie: une constellation de phénomènes vitaux - organisation, irritabilité, mouvement, croissance, reproduction, adaptation.

Au milieu de ma lecture, je pensais mettre une critique négative sur ce bouquin ... Je n'avançais pas dans ma lecture, je me traînais ... Ce qui pour moi d'habitude est plutôt mauvais signe. Je me suis accrochée et me suis raisonnée en me disant que ce livre était différent, que c'était autre chose ...

Et oui, il est différent ...
D'abord il parle de la Tchétchénie, d'après l'effondrement de l'URSS et des guerres qui l'ont transformée à jamais. Sujet assez peu abordé et que le quatrième de couverture laisse assez peu présager.

Qui connait la Tchétchénie, son histoire, sa situation ??! En général, On sait juste que c'est ds le coin là-bas à l'Est, que c'est pauvre, froid, dangereux, violent, corrompu et que cela ne doit pas être simple tous les jours d'y habiter. Après lecture, je confirme . Nous sommes loin du Club Med et du pays des Bisounours !

Qui connaît les Tchétchènes ? Les vrais, ceux qui sont restés, ceux qui ont réussi à partir, ceux qui sont rentrés ...?

Ce roman est donc l'histoire de cette période d'après la chute de l'URSS. le présent se situe en 2004, lors de la deuxième guerre entre les Russes et les rebelles Tchètchènes.
On y croise le destin de plusieurs personnes. Dokka et sa fille Haava, Sonja et sa soeur Natasha, Kassan et son fils, Akhmed et Ula ... Ce ne sont évidemment pas destins heureux mais ce sont des destins qui s'entrecroisent ... J'ai beaucoup aimé cet aspect. J'ai eu un peu de mal à m'attacher à certains mais j'ai souffert avec tous.

Il y est question de violence, de pauvreté, d'amour, de trahison, de traîtrise, de lâcheté, de courage, de survie, de respect, ... Oui, oui de tout ça !

Alors oui ce livre est dur, difficile. Comme la vie là-bas, ...

Oui ce livre est lent, mais c'est sa construction, remplie de "flash-back" qui nous incite finalement à prendre notre temps (merci à la ligne du temps au début de chaque chapitre, pour nous situer) ... A nous poser pour suivre ces phénomènes vitaux.

Mais ce livre c'est aussi une note d'espoir (même si nous sommes évidemment trèèèèès loin du happy end pour certains !). J'ai particulièrement aimé ces petites "touches d'avenir" des personnages. L'auteur nous livre de temps en temps ce que tel ou tel personnages sera dans quelques années.

Alors au final, j'ai aimé ce livre ... Prenez le temps de le lire, de découvrir tous ces personnages et surtout leurs histoires. C'est une très belle fenêtre sur une période et un partie du monde que nous connaissons finalement très peu.

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L'amour est-il plus fort que la guerre ? A cette question universelle, mille fois traitée, Anthony Marra répond par un roman bouleversant qui met en scène des personnages inoubliables.
L'histoire court sur une dizaine d'années, le temps de deux guerres en Tchétchénie, avec un certain nombre de digressions sur le passé et l'héritage de l'URSS pour tenter de mieux appréhender l'absurdité d'un système qui "détruit l'identité des hommes et des peuples". Rassurez-vous, ce n'est pas un cours d'histoire, mais il s'agit d'éléments importants pour comprendre l'état d'esprit d'un peuple miné par les invasions, l'asservissement et la violence d'un état totalitaire. Pour simplifier son propos, l'auteur se concentre sur cinq jours, à l'hiver 2004, cinq longues journées qui vont transformer à jamais les destins de ses personnages.

Le premier jour est celui de l'arrestation de Dokka, le père d'Havaa, une fillette de huit ans qui y assiste, impuissante, cachée dans la forêt. Prise en charge par Ahmed, un voisin et ami, elle est conduite auprès de Sonja, l'un des rares médecins encore présent à l'hôpital d'Elvar où ne subsistent que deux services, la traumatologie et la maternité. Sonja est une femme forte, minée par la disparition de sa soeur Natasha quelques mois auparavant, cette soeur pour laquelle elle avait choisi de quitter Londres où elle faisait ses études et de revenir en Tchétchénie lorsque la première guerre a éclaté. Havaa est une petite fille courageuse et déjà bien éprouvée. Sa mère est morte en couches peu de temps auparavant et son père est revenu d'une première arrestation avec tous les doigts des deux mains coupés. Elle sait qu'il n'est jamais de bon augure d'être conduit à "la décharge" par les russes, et que son père risque de ne jamais revenir de ce second voyage. Ahmed est un homme bon, plein de remords et de regrets, un ami qui se sent redevable envers Dokka et sa famille au point de sacrifier sa propre vie.

Ces trois-là n'ont pas choisi d'être ensemble et pourtant, les éléments qui les relient sont bien plus nombreux qu'ils ne le pensent. Au contact de Sonja, Ahmed retrouve de la fierté et puise la confiance qui lui permettra d'aller au bout de ce qu'il considère comme sa mission. Tandis que Havaa et Sonja apprennent à se connaître et à s'apprivoiser, elles ignorent encore ce qui les rapproche et les rendra plus soudées que si elles avaient fait partie d'une même famille.

La construction de ce roman est remarquable. Grâce à des flash-back bien menés, l'auteur éclaire le passé des différents protagonistes, tente d'expliquer leurs comportements et d'éclairer les origines de leurs failles. Comment devient-on un mouchard ? Pourquoi est-il plus facile de soigner les corps plutôt que les âmes ? Qu'est ce qui fait que l'esprit résiste ou renonce ? Ce qu'il raconte brillamment dans ce livre, c'est simplement l'histoire de la vie, aidé en cela par des figures magnifiques comme celle de Khassan, l'historien témoin de l'absurdité du système ou d'Ahmed, plus artiste que médecin, auteur de 41 portraits des habitants de son village tués par les russes, affichés dans les rues. "Tout le monde ici est artiste" dit Sonja. "Si les Tchétchènes passaient plus de temps à se battre et moins à dessiner, ils pourraient gagner une guerre de temps en temps".
Je ne peux qu'encourager tous ceux qui prendront connaissance de cette chronique à lire ce livre dont la qualité a été une belle découverte et m'a valu un bien joli moment d'émotion.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Le titre de ce roman est une définition(que je trouve poétique) de la vie.J'ai choisi ce livre en regardant sa couverture mystérieuse,qui reflète bien le texte.
Dans un petit village de Tchétchénie en guerre,des destins s'entrecroisent,des gens s'aiment,se déchirent se combattent.Il m'a été parfois un peu difficile de démêler cet écheveau,car l'auteur joue avec le temps,le fait avancer ou reculer pour mieux raconter l'histoire de ces gens qui n'ont qu'un but,survivre et protéger ceux qu'ils aiment.
Paru en 2013 ce roman américain a été récompensé par le prix du premier roman du National Book Critics Circle.
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Une constellation de phénomènes vitaux est un roman intéressant, sur le conflit en Tchétchénie.
Nous sommes en 2004, l'histoire se passe principalement dans un village en Tchétchénie, mais aussi dans un hôpital proche.
Il y a des allers retours entre 2004 et par exemple 1996. Grâce à une échelle avec les années en début de chapitre, nous savons quelle année nous sommes.
Il est important de lire au calme car il y a pas mal de personnages, mais aussi différents lieux, différentes situations..
Parfois je me suis demandé où allait l'auteur mais finalement, tout se débloque à la fin.
Il y a quelques passages un peu rébarbatifs avec des dates, des informations un peu techniques sur le conflit en Tchétchénie ce qui fait que parfois j'ai un peu décroché.
Mais dans l'ensemble j'ai bien aimé ce roman, surtout que j'ai appris pas mal de choses car je ne connais rien sur ce conflit.
Les personnages m'ont bien plu même si au début j'ai eu un peu de mal à apprécier Sonjia, la médecin, que j'ai trouvé assez froide voir agaçante par moment. Et puis à un moment je me suis rendue compte que je l'aimais bien et que je m'étais attaché à elle, comme à Achmed ou Havaa, le petite filles qu'ils protègent.
j'avoue avoir été triste de les quitter, car les derniers chapitres sont plus rythmés et m'ont beaucoup plu.
Je mets quatre étoiles à ce roman :)
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