Croire aux fauves

Quelle déception ! Une émission entendue sur France Culture m'avait donné l'envie de lire Croire aux fauves que j'avais perçu comme un petit traité de réconciliation avec la nature. Sans doute était-ce naïveté de ma part ?
Nastassja Martin, anthropologue, travaille sur les cultures animistes des populations arctiques. Lors d'un séjour chez les Évènes, elle croise la route d'un ours au retour d'une excursion sur un volcan du Kamtchatka. Ayant laissé en arrière ses compagnons qui l'insupportaient, elle doit affronter seule l'énorme bête qui se jette sur elle et la mord au visage. Elle survit à l'assaut et doit vivre avec la trace de cette « rencontre » dans sa chair.
L'anthropologue est tout sauf patiente, conciliante, docile, voire sympathique. C'est une femme qui aime le risque, le dépassement de soi et le récit de son excursion le montre : marche ou crève. Sa connaissance de la haute montagne ne va pas de pair avec une certaine humilité. La reconstruction va donc se révéler chaotique. Elle déteste l'hôpital russe, l'hôpital de la Salpêtrière, l'hôpital de Grenoble, les médecins, les chirurgiens, les infirmières, les psychologues, les internes… seule sa thérapeute est tolérée bien qu'à côté de la plaque, selon elle. Rebelle, elle l'a toujours été, mais là son mal-être déborde, une souffrance que l'on devine ancienne, et le traumatisme de sa rencontre avec l'ours l'amène à chercher une réponse du côté de l'animisme. La confrontation de deux « autres », l'humain et l'animal, sont-ils conciliables dans un espace qui efface les limites entre les mythes et la réalité, entre le rêve et la conscience, entre l'homme et la bête totem, puisque selon ses hôtes, elle est devenue moitié ourse ?
Le mot « déchirure » me vient spontanément en pensant à Nastassja Martin, femme déchirée de l'intérieur, hésitant entre deux mondes, deux cultures et ne trouvant pas sa juste place.