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EAN : 9782262021047
384 pages
Perrin (06/11/2003)
4.06/5   31 notes
Résumé :

Elles balaient, font la cuisine, montent les seaux de charbon, vident les cuvettes et frottent l'argenterie, du matin jusqu'au soir. Elles n'ont point de vie à elles. Car ce sont les bonnes. Mais d'elles, on exige plus encore que l'accomplissement des tâches ménagères. Il faut qu'elles soient le dévouement incarné. Car elles sont les servantes. Et si ce livre s'emploie, en détaillant leurs conditions de travail et d'exis... >Voir plus
Que lire après La place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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La servante parfaite est jeune mais pas sotte, jolie mais pas trop, propre mais pas coquette. Elle travaille sagement dans sa cuisine de l'aube à la tombée du jour, ne se plaint jamais, ne fainéante jamais. Elle est toute dévouée à ses maîtres et maîtresses, n'a ni amants, ni enfant qui pourraient la distraire de son devoir. Elle sait sacrifier ses biens et ses désirs à ses supérieurs sociaux et tire fierté et contentement de son désintéressement. Elle est modeste, soigneuse, prude, pieuse, patriote, économe… Question : cette servante parfaite, cette Bécassine idéale, existe-t-elle ou a-t-elle jamais existé ? Entre autres nombreuses questions, l'ouvrage « La place des bonnes » de Anne Martin-Fugier répond à celle-ci et sa réponse est « Fichtre non ! » L'harmonie parfaite entre maîtres et domestiques, l'âge d'or des gens de la maison ? Foutaises que tout cela, fantasmes nés de l'imaginaire des bourgeois du début du siècle, trop heureux de justifier à leurs propres yeux la vie souvent misérable de leurs serviteurs.

Mais alors qui est-elle cette petite bonne, cette ombre à la fois omniprésente et invisible qui s'active au sein de chaque foyer un tant soit peu aisé de la Belle-Epoque ? Quelle genre d'existence mène-t-elle ? Comment travaille-t-elle, pense-t-elle, se distrait-elle, rêve-t-elle ? A travers une analyse détaillée et subtile de la condition des domestiques féminines au début du XXe siècle, Anne Martin-Fugier fait revivre pour nous tout un monde fantomatique de cuisinières, femmes de chambre, filles à tout faire, nourrices… Fort bien construit, très complet et agréablement écrit, son essai se lit avec autant d'intérêt que d'aisance. J'avoue avoir particulièrement apprécié les nombreux exemples romanesques qui parsèment l'ouvrage, rappelant l'importance culturelle du personnage de la bonne et la façon dont la littérature a largement contribué à façonner son image – que celle-ci soit idyllique ou dramatique.

A souligner que « le place des bonnes » reste socialement très pertinent, même dans notre lumineuse société du XXIe siècle où la mère de famille multifonctionnelle a remplacé la domestique dévouée et pas forcément pour son plus grand bénéfice. Car comme le dit la chanson : « Rien n'est plus beau que les mains d'une femme dans la farine ! » Merci, Nougaro, si, si, j'insiste, merci…
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Voici un essai passionnant sur la condition des bonnes dans le Paris de la Belle Époque.
L'auteur évoque tour à tour des exemples tirés de la vie réelle et d'autres des nombreuses domestiques présentes dans la littérature française (Pot-Bouille, Journal d'une femme de chambre, etc).

L'ouvrage traite des bureaux de placement, des conditions de vie et de travail de ces femmes souvent jeunes et issues de leur province campagnarde. On y apprend la hiérarchie qui existe entre les divers corps de domesticité, entre la souillon, la cuisinière, la femme de chambre, etc.

Il explique aussi l'imaginaire même de la bonne véhiculée dans la société bourgeoise, avec tous les préjugés négatifs qui peuvent s'y rattacher: fainéantise, malhonnêteté, luxure. Elles sont en effet souvent réputées posséder une activité sexuelle exacerbée, donc à surveiller. Dans certaines familles, la domestique, qui vit à l'époque sous le toit des maîtres, sert d'exutoire sexuelle au patron, voire à ses fils.

Un ouvrage très instructif sur un monde méconnu par une historienne spécialiste de l'Histoire sociale de cette époque. Son essai est très bien documenté, éclairant, d'une lecture agréable et faisant la part belle à l'aspect littéraire de ses sources.
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Historienne spécialiste de la vie socio-culturelle au XIXe siècle, Anne Martin-Fugier s'attache, dans un de ses premiers livres, à cette figure si souvent évoquée et pourtant si méconnue qu'est la servante.
Sont étudiées ses conditions concrètes de vie, bien proches de ce qu'on appelle aujourd'hui esclavage, et très longtemps ignorées par les progrès du droit du travail - car remettre en question l'absolue disponibilité du domestique, corvéable à merci, était remettre en question tout un mode de vie bourgeois trop bien ancré dans les moeurs.
Mais loin de s'arrêter à la simple dimension matérielle de son sujet, l'auteur en explore aussi la dimension symbolique, imaginée : la servante vue par les maîtres, à travers un large corpus littéraire allant des romans de l'époque à des ouvrages non fictifs, manuels de "savoir servir" ou discours théoriques sur le sujet. Servante idéale, dévouée corps et âme à ses maîtres jusqu'au sacrifice, ou créature menaçante, voleuse, perfide, souvent putain : entre deux extrêmes, l'image de la bonne balance. Car toujours, de par sa fonction même, elle reste l'étranger dans la famille : si on la rêve alliée, son intégration ne peut passer que par le don de soi, et celles qui refusent le sacrifice restent un danger potentiel, plus ou moins grand selon les cas. Un danger étranger dont on ne sait se passer.
Difficile de faire la part de la réalité et du fantasme, là-dedans, même si les archives judiciaires donnent quelque idée des délits réellement commis pas les domestiques. Pas tant que cela, même si les frontières avec la prostitution, parfois, sont assez floues, et qu' en matière criminelle, l'apanage des bonnes reste l'infanticide. Car la bonne n'a ni le temps, ni les moyens, ni souvent le droit d'être mère...

Face à une situation humainement consternante, face aussi à une croissante pénurie de bonnes à tout faire - ces employées uniques de la petite et moyenne bourgeoisie -, le discours évolue dans les premières décennies du XXe siècle, basé sur le modèle américain. Autrefois, la bonne était une question de standing, certains étaient prêts à se priver de beaucoup pour être servis. Désormais, mesdames, tirez plutôt fierté de savoir mettre la main à la pâte, de tout faire par vous-mêmes !
Et ainsi naquit, sur la dépouille de la bonne démodée mais toujours modèle, la parfaite ménagère. Tout aussi corvéable, mais heureuse de l'être puisque l'étant pour les siens.

Solidement documenté, relevé d'une analyse très pertinente des faits, agréablement vivant, passionnant de bout en bout, La Place des bonnes est, sous son titre un peu austère, ce que la littérature historique devrait être bien plus souvent. Un livre que je conseillerais très vivement à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la vie quotidienne, comme à ceux que concernent les questions sociales ou/et féministes.
Il va de soi que j'ajoute sans tarder les autres études de l'auteur à mon pense-bête !
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Sujet peu traité et pourtant passionnant. Les bonnes ont laissé peu de traces, leur existence valait si peu, leur vie sacrifiée de quasi esclave intéresse moins que celle des aristocrates, grands bourgeois, artistes.
L'auteur prend appui dans la littérature : Zola, Les Goncourt, Maupassant, Flaubert donnent une idée de la place des domestiques dans la société. Elle étudie aussi des manuels de savoir vivre bourgeois. Que de mépris social totalement assumé par la société de la Belle Epoque !
Jusqu'en 1914, avoir sa bonne vous place dans la société, c'est pourquoi, tout petit bourgeois consent à des sacrifices financiers pour la "posséder".
Les bonnes, écrasées par le travail triment de 5 ou 6 h du matin à 22 h, sans repos (la loi de 1906 sur le repos dominical ne les concerne pas), sont mal nourries, vivent dans les fameuses mansardes sordides du 6eme étage aujourd'hui rachetées une fortune, des locaux sans aération, glacés ou fours en été, nids à tuberculose.
Les domestiques des grandes maisons sont toutefois un peu mieux lotis.
Pour autant malgré des conditions de travail très dures sans aucune protection face à la maladie, la grossesse (fréquente car les cas de séduction de la bonne par les maîtres ou autres domestiques sont légion), l'accident ou la vieillesse, les domestiques sont réactionnaires et adoptent l'ordre bourgeois. Isolés, ils sont très peu syndiqués.
La bonnes bien souvent méprisées, perçues comme bestiales, personnalités débridées des menaces de la famille bourgeoise sont parfois à l'inverse représentées comme idéal d'oblation, sacrifice, dévouement (image qui rappelle celle de la femme en général).
Etude des cas de grossesse, infanticide, prostitution.

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Cet essai sur la domesticité féminine autour de 1900 est une étude sociologique détaillée où abondent à la fois :
- tous les aspects pratiques de ce statut : les tâches, le salaire, le logement, la vie privée, avec statistiques à l'appui (un peu trop de chiffes mais seulement dans la première partie).
- la place éminente des bonnes dans la littérature. Là, l'auteure nous donne envie de reprendre tous nos grands classiques. Elle excelle à nous rappeler combien leur présence est primordiale dans la société de l'époque et également chez les écrivains qui l'ont dépeinte avec talent.
Comme le fait remarquer Anne dans sa critique, nous avons presque tous dans notre histoire familiale un rapport à la servante : une parente domestique ou maîtresse et souvent les deux, dans cet ordre, à quelques générations d'intervalle.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Nous sommes toutes hantées de multiples fantômes. Parmi ceux-ci, le plus prégnant est celui de la dévouée servante (les hommes, pour leur part, ont peut-être les leurs, mais c'est leur affaire, et il est peu probable qu'ils soient hantés par le fantôme d'un valet de chambre). Faire le portrait des bonnes de "nos" grands-mères - si nos grands-mères avaient des bonnes - ce n'est pas tracer l'arbre généalogique des femmes de ménage actuelle, ce n'est pas évoquer avec nostalgie les familles bourgeoises du siècle dernier, mais c'est rendre visible la bonne qui vit en chacune de nous, restituer ses traits au fantôme pour le regarder en face et commencer à la congédier.
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D'autre part, les maîtres ont à confirmer leur identité, ils ont à prouver qu'ils appartiennent à le classe de ceux qui ordonnent et non qui obéissent. La bonne va leur servir à la fois de terrain d'expérience et de repoussoir. Plus leur autorité est de fraîche date, plus ils cherchent à l'établir en accablant d'ordres la domestique. Plus ils sont près de l'origine populaire, plus ils veulent se démarquer des prolétaires en écrasant celle qu'ils emploient. La bonne, c'est l'ennemie de classe, se personne est un rappel permanent, pour ces maîtres-là, de leurs origines. Humilier la bonne est une forme de légitimation du pouvoir petit-bourgeois.
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Video de Anne Martin-Fugier (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Martin-Fugier
Anne Martin-Fugier - Les couleurs et la mitraille .Anne Martin-Fugier vous présente son ouvrage "Les couleurs et la mitraille". Parution le 10 mars 2016 aux éditions le Passage. Retrouvez le livre :http://www.mollat.com/livres/martin-fugier-anne-les-couleurs-mitraille-9782847423280.html Notes de Musique : Chopin: Polonaise-Fantasy in A-flat Major, Op. 61 by Jonathan Biss. Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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