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Je remercie Babelio et les éditions La Baconniere pour ce livre on ne peut plus actuel. Je suis médecin traitant, et en contact avec des personnes usagères de drogues dans ma pratique quotidienne, et c'est pourquoi j'attendais beaucoup de ce livre. Je n'ai pas été déçue. On commence la lecture par une partie historique, éthique et législative autour de la drogue, ou plutôt des drogues. « L'usage des plaisirs est pris en charge par une double problématique, éthique et médicale. Médicalement, comment prendre du plaisir sans se rendre malade ? Ethiquement, comment prendre du plaisir en gardant le contrôle de soi-même ? le point commun de ces deux questions est de mettre en évidence que le plaisir n'est pas que la résolution d'une tension, auquel cas il ne serait qu'un soulagement et donc un point d'arrêt facile à déterminer. le plaisir est aussi une énergie, il est cette dynamique propre qui porte à la démesure, à l'excès, à l'oubli de soi et au mépris des limites. » « D'autre part, on pourra toujours remarquer que la législation des drogues est hypocrite, en favorisant des produits de consommation historique, comme l'alcool et le tabac, dont la dangerosité sanitaire et sociale est incomparablement plus élevée que celle de certaines drogues illicites. » « De même, et de manière plus large encore, elles peuvent aussi être l'occasion de nous demander pourquoi n'accepterions-nous pas « la chimie pour nous stimuler, ou nous divertir », alors même que « nous acceptons d'utiliser la chirurgie pour nous embellir » (Pharo, 2017). » « Selon Rush, la personne qui devient dépendante d'un produit perd sa faculté de jugement et son libre arbitre. Il faut donc le contraindre à revenir sur le droit chemin, par la force si nécessaire. » Les témoignages sont pleins de vérités et de courage. « La drogue, j'aurais voulu ne jamais la connaître. C'est pas une vie, mais en même temps elle m'a aidée à survivre. À choisir, j'aurais préféré être dépendante du chocolat ! » « La drogue ? Je ne souhaite ça à personne. J'ai commencé pour oublier mes soucis, mais finalement c'est encore pire qu'avant. Je ne trouve pas de solution, je tourne en rond. » Les pages où ils sont développés sont vides d'images, permettant de se concentrer sur les textes. Et à l'inverse les pages imagées contiennent des mots détachés, poétiques, importants mais discrets car les images parlent d'elles même et rendent les mots presque superfétatoires. Au travers des seize témoignages donnés ici au fil des pages, on découvre autant de témoignages que de personnalités et d'histoires personnelles forts différentes. On a l'habitude, et je parle ici en tant que citoyen lambda, de considérer les consommateurs de drogues, ou « drogués » comme un seul groupe. Et c'est là qu'on fait une énorme erreur. Il ne faut pas oublier que chacun d'eux est avant tout un être humain à part entière. En tant que médecin traitant, je suis en charge de plusieurs patients sous méthadone. Ils ont autant besoin de leur médicament / drogue (car la méthadone est aussi une drogue) que d'écoute, idéalement bienveillante. « ...les personnes qui sont dépendantes de produits psychotropes légaux, tels que l'alcool ou le tabagisme, ne s'associent pas au public que l'on nomme « toxicomane ». Leur dépendance est peut-être moins visible, voire moins dérangeante, mais les conséquences n'en sont pas moins délétères pour la santé. » « De plus en plus de pays dépénalisent l'usage des stupéfiants, offrent des moyens sécurisés de consommation, remettent la santé et les droits de l'individu au centre des politiques. » « Ainsi, un schéma commence à émerger : nous faisons systématiquement des différences entre les substances d'après qui les utilise, comment elles sont administrées, et à quelles fins, et ceci indépendamment du fait que les principes actifs des substances sont quasi identiques. » Ce que je trouve très bien et très important, c'est le fait d'insister sur l'importance de la coopération entre les usagers et les politiques pour tenter de minimiser les problèmes et surtout les conséquences de la consommation massive de drogues. « Nous sommes conscients que le chemin va être encore long et difficile mais intégrer les usagers dans le processus de réflexion est une évidence. le fait que les professionnels de la santé prennent en compte nos revendications ainsi que notre expertise ne peuvent qu'améliorer la situation. » dixit Mr Boris Jeanmaire, vice-président d'une association d'usagers. La grosse difficulté fut l'installation du Quai 9 à Genève... D'abord le choix de la localisation, assez proche des consommateurs pour être justifiée, mais pas trop à l'écart pour éviter de mettre en danger autant les usagers que les travailleurs. Puis l'acceptation politique, qui aura pris plus de dix ans. Et enfin l'accord des citoyens voisins du local, commerçants et particuliers... mais on y arrive finalement, en décembre 2001, Quai 9 est ouvert. « Seringues, déprédations, vols : les plaintes s'accumulent au fil des mois et la presse à sensation en fait ses choux gras. Les commerçants du voisinage immédiat sont en première ligne et réclament des mesures de sécurité. Christophe Mani rappelle à tout va que l'espace d'accueil n'a pas amené la toxicomanie dans le quartier, où elle était déjà. Mais le message peine parfois à passer. » « Les chiffres sont impressionnants : au-delà d'une diminution générale, aucune nouvelle infection n'a été enregistrée parmi les personnes usagères de drogues depuis 2003 ! » dixit une étude publiée en 2004 Je crois que ce que j'ai le moins aimé dans cette lecture c'est le format du livre. Il est trop large pour être facile à transporter et à lire. Ainsi, j'ai eu quelques difficultés pour lire les essais vu la longueur des lignes. Mais dans un livre plus petit, on aurait perdu beaucoup du côté des images... donc ne changez rien. + Lire la suite |