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sur 3132 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Esclarmonde, comme toute jeune fille de l'époque (XIIe siècle), doit accepter le mariage arrangé voulu par son père. le jour de ses épousailles, elle fait fi de toutes les convenances et refuse que Lothaire de Montfaucon, connu pour déflorer les jeunes pucelles, contre leur gré, dans les buissons, devienne son seigneur et maître. Bravant tous les interdits, faisant comme l'avait fait avant elle sainte Agnès, elle se tranche une oreille et demande à son père de construire une chapelle en l'honneur de cette dernière et de l'emmurer à côté, comme cela se faisait à l'époque. Fou furieux par l'affront que vient de lui imposer cette fille qu'il adore pourtant, il ne refuse pas et fait en sorte que la volonté d'Esclarmonde soit appliquée. Au bout de quelques temps, un miracle se produit : elle donne naissance à un fils, Elzéar (signifiant « secours de Dieu »), qui porte les stigmates du christ puisqu'il a les mains percées. Une sainte est née !

L'écriture de Carole Martinez est vraiment agréable. Saupoudrée de poésie, elle met en avant quelques us et coutumes de la période médiévale sans pour autant trop en faire. de ce fait, le livre est vraiment pour tout public, que l'on s'intéresse au moyen âge ou pas. Tout est axé sur le ressenti de cette femme hors du commun, sur la psychologie, et la prouesse consiste justement à rendre ce roman haletant. On a envie de savoir ce qu'il va se passer, on souffre avec cette femme, on adhère à ses paroles, d'autant plus qu'il s'agit de la narratrice.

Ce livre dormait depuis deux ans sur mes étagères et en toute honnêteté, je ne regrette qu'une chose : ne pas l'avoir lu avant. C'est une petite perle et toute la publicité que l'on a faite autour (raison pour laquelle je ne l'avais pas encore ouvert, me méfiant toujours) est bien méritée. Je vais à présent lire son autre livre, le coeur cousu, qui prend aussi la poussière dans ma bibliothèque. Je suis pratiquement certaine de ne pas être déçue et je suis ravie d'avoir pu découvrir une romancière dont l'envergure poétique n'a d'égal que sa simplicité.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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Quel destin ! Dès les premières lignes, la plume inspirée de Carole Martinez nous emporte très loin, au coeur de ce conte mystique.

J'ai vécu au plus près d'Esclarmonde, éprouvé sa réclusion, ses voyages, ses extases, ses errances et son formidable amour de mère. J'ai adoré cette histoire fabuleuse, entre grâce et barbarie intimement mêlées.

Un livre accompli et très esthétique, qui se dévore malheureusement beaucoup trop vite !


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Au domaine des Murmures, les arbres bruissent encore du destin tragique d'une recluse du XIIe siècle : la très jeune Esclarmonde qui préféra être emmurée vivante pour vouer sa vie à Dieu, plutôt que d'épouser un homme qui la rebutait.

Plus qu'un roman, du domaine des Murmures est un conte d'une rare intensité. Il suffit d'une légère distorsion de la réalité pour que l'histoire devienne légende, et Carole Martinez excelle dans ce registre. le cadre naturel et historique est bien réel : il s'agit de la vallée de la Loue (dans le Doubs), lors de la troisième croisade menée notamment par l'empereur germanique Frédéric 1er dit Barberousse. Amey de Montfaucon, Berthe et Amaury de Joux... ont réellement existé. En revanche, le château de Hautepierre et ses habitants sont issus de l'imagination de l'auteur. Jusque-là, rien que de très normal pour un roman...

Alors, d'où vient le merveilleux ? D'abord des éléments mystiques tels que les visions d'Esclarmonde ou les stigmates de l'enfant... Ensuite, de l'insertion fréquente et malicieuse de figures et de légendes empruntées à l'univers des contes ou au folklore de Franche-Comté, comme l'imaginaire du château de Joux. Enfin, du style poétique, incantatoire, de Carole Martinez, avec des allusions à peine voilées aux Chimères de Gérard de Nerval et au poème El Desdichado, fil conducteur de la trame fantastique du récit :
"J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron ;
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée."

"La Sainte", c'est Esclarmonde. Lorsqu'elle rêve dans sa grotte de pierre, elle traverse l'enfer (dont l'Achéron est un fleuve) en voyant par les yeux de son père les souffrances et la mort des croisés sous un soleil maléfique. Sirène, elle l'est aussi, car c'est sa voix qui recèle sa puissance et son enchantement cesse dès que la parole lui est ôtée. Quant à la fée, elle est incarnée par Bérengère, la guérisseuse au service de Douce, la belle-mère d'Esclarmonde. Sorte de géante sensuelle habillée de vert, son influence et son osmose avec la nature progressent tout au long du roman. Elle deviendra la Dame Verte de la Loue, fée des eaux entre la vouivre et Mélusine, aux "cheveux aussi verts que des algues."

A la fin, que retient-on de ce conte ? Pour ma part, j'y ai lu une magnifique allégorie de l'amour maternel. Et aussi la célébration de destins de femmes qui surent s'élever au-dessus des barrières imposées par les hommes pour chacune affirmer son pouvoir : Esclarmonde en guidant les âmes, Douce en dirigeant le domaine, Bérengère en s'appropriant les forces de la nature... Certes, notre "époque n'enferme plus si facilement les jeunes filles". Mais au fil des siècles, les murs de pierre se sont mués en un plafond de verre, plus insidieux mais tout aussi dangereux.

Si vous ne l'avez pas encore fait, aventurez-vous au domaine des Murmures et laissez-vous ensorceler.
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Une promenade en Bourgogne nous conduit dans les ruines d'un château que le temps a connu puissant. Dans un récit à rebours des siècles, nous entendons les pierres raconter l'histoire d'Esclarmonde. « La tour seigneuriale se brouille d'une foule de chuchotis, l'écran minéral se fissure, la page s'obscurcit, vertigineuse, s'ouvre sur un au-delà grouillant, et nous acceptons de tomber dans le gouffre pour y puiser les voix liquides des femmes oubliées qui suintent autour de nous. » (p. 15) Asseyons-nous et écoutons…

Esclarmonde, blonde enfant trop belle pour les exigences du monde, refuse l'homme que son père lui a choisi. En disant « non » devant les hommes et reniant le sang de son père, Esclarmonde embrasse un destin de recluse. En 1187, une fille qui se refuse au mariage pour préserver son union avec le Christ n'a d'autre choix que de soustraire au siècle. Emmurée dans une petite cellule attenante à la chapelle de Sainte Agnès, Esclarmonde croit échapper au malheur terrestre pour jouir d'une béatitude que seule mamort rendra plus sublime. « Je suis devenue la vierge des murmures. » (p. 17)

« J'avais charge d'âmes. » (p. 123) Ainsi parle celle qui revêt au yeux du monde un glorieux habit de sainte. Les pélerins se pressent contre les barreaux de sa petite fenêtre. « Tous ces êtres en mouvement venaient voir l'immobile et la vie passait devant moi, qui pourtant l'avais quittée. » (p. 52) Alors que tous lui prêtent des miracles et la mort-même semble reculer devant le pouvoir de sa foi, Esclarmonde se découvre pleine. Sa solitude de recluse n'en est plus une, mais pour combien de temps ?

Quand vient le jour où on lui arrache ce qui la comblait, Esclarmonde est prête à tout renier : son engagement religieux, sa promesse éternelle et sa foi vacillante. Que lui importe désormais de suivre les traces de son père parti en Terre-sainte mener une croisade qui périclite dans le sang et la boue ? Que lui importe donc de tenir la Mort en respect si la vie elle-même lui est retirée ? « À défaut de croire en Dieu, j'ai commencé à croire en moi, en la force de ma parole dont je voyais chaque jour croître l'incroyable pouvoir. » (p. 166) Voilà que la sainte devient démone, mauvaise femme à la langue de fiel, elle dont la voix était à elle seule une bénédiction. Mais n'est-ce finalement pas une épreuve de foi, une dernière épreuve d'amour ?

Ce superbe récit est nourri de merveilleux. Entre les pages déambulent une géante verte aux courbes superbes et le cruel spectre d'un cheval blanc. On entend aussi la voix des anges quand ils se penchent sur les mains stigmatisées d'un enfant et sur l'éclat extraordinaire du soleil de Palestine. Carole Martinez mêle avec un talent éblouissant des légendes bourguignonnes, une hagiographie fictive et une célébration du verbe. le verbe, c'est celui d'Esclarmonde qui repousse les murs de sa cellule, celui de Dieu quand il daigne se faire entendre et c'est surtout celui de l'auteure qui porte ce récit sur les ailes de la poésie. Dans ce roman où le murmure se veut la racine de toute parole et son élan premier, Esclarmonde s'adresse à nous d'une voix fantôme qui s'échappe de la mousse des pierres effondrées.

Perdue dans les confins d'une maladie qui s'éternise et me vide de mon énergie, j'ai trouvé dans ce superbe roman un souffle qui m'a emportée, qui a sublimé ma veille et m'a émue au-delà des larmes. Bouche bée, muette, sans même un murmure, j'ai lu et relu certaines phrases jusqu'à m'engourdir les yeux. Poésie pure et lumière, la plume de Carole Martinez chante une femme exceptionnelle : que nous importe alors que tout ne soit que romance ? Si certains aspects de cette éblouissante histoire m'ont rappelé le très beau roman de Clara Dupont-Monod, La passion selon Juette, il y a dans du domaine des murmures une forme de littérature après laquelle je cours sans cesse. Et quand je la toruve enfin, c'est le souffle coupé que je la contemple.
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Je me suis laissée attirée par cet ouvrage qui se trouvait bien en évidence sur l'une des étagères de la librairie dans laquelle je réapprovisionne mon stock et je me suis immédiatement laissée tentée...et qu'est-ce que j'ai bien fait !

Ce livre nous ramène presque dix siècles en arrière. En l'an de grâce 1187, chose qui ne se faisait ô grand dieu jamais à l'époque, une jeune fille de dix-sept ans, à la beauté incomparable, refuse de prendre pour époux l'homme que son père lui avait désigné et dit outrageusement "NON" devant l'autel qui devait l'unir à Lothaire ! de plus, Esclarmonde car tel est le nom de cette jeune pucelle, ose brandir un couteau et se trancher une oreille en déclarant qu'elle veut vouer sa vie à Dieu et vivre recluse dans une minuscule cellule que l'on fera bâtir pour elle au pied de la chapelle Sainte-Agnès. A ce moment précis, une brebis entre dans l'église et l'on crie déjà au miracle, prenant cette jouvencelle pour une sainte. Et la suite ne viendra que confirmer ce miracle puisque neuf mois plus tard, elle enfantera, elle qui n'a jamais commis l'acte de chair consciemment. J'insiste bien sur ce dernier mot car nul ne se doute qu'un immense drame familial s'est déroulé, malgré elle, la veille où elle s'est faite emmurée. Elzéar viendra donc au monde et sur lui, le père d'Esclarmonde se vengera de la désobéissance de sa fille en luui infligeant lui-même les stigmates du Christ. L'on criera bien évidemment une nouvelle fois au miracle et tout concorde à dire que cette jeune femme est bien une sainte car depuis qu'elle s'est enfermée et recluse, les pèlerins s'attroupent pour lui demander conseil et La Grande Faucheuse semble s'être écartée de la ville.
Cependant, dit-on voir une simple coïncidence dans le fait que le lieu où vivait jadis celle-ci s'appelle le domaine des murmures ?

Un roman extrêmement bien écrit, envoûtant, narrée par le protagoniste elle-même qui semble être revenue d'entre les morts pour nous narrer son histoire et nous faire comprendre que le monde dans lequel nous vivons n'est pas toujours aussi horrible que l'on croit et qu'il faut parfois savoir reconnaître la chance que nos, femmes, avons ! A lire !
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Nous sommes en 1187. Esclarmonde, jeune fille de 15 ans, doit marier un jeune seigneur, Lothaire, choisi par son père. Le jour de ses noces, dans la chapelle, elle choisit de se mutiler et elle se tranche l'oreille. Elle se dit appelée par dieu, touchée par la grâce.
Elle sera emmurée avec, seulement une petite ouverture avec des barreaux pour recevoir sa nourriture et le strict nécessaire comme cela se pratiquait parfois à l'époque. Au moins, elle aura échappé au triste sort d'appartenir à un homme qu'elle n'avait pas choisi.
Au début, elle va vivre une période très mystique mais son corps va se rappeler à elle. Violée avant son enfermement, elle est enceinte et accueille son enfant de façon très maternelle et instinctive.
Une chapelle est construite près du lieu où elle séjourne et des pélerins viennent près d'elle pour se confier, pour prier, comme on le ferait avec une Vierge ou une Sainte.
Le récit ne choque pas du tout car dans cette période de l'Histoire, le merveilleux et le mystique font partie de la vie.
L'écriture de Carole Martinez est très belle. Elle met d'ailleurs du temps pour écrire ses livres.
J'avais lu celui-ci en 2013 après "Le coeur cousu" paru en 2011. J'avais préféré lé sérénité de celui-ci. A ce moment, je ne rédigeais pas encore de critiques sur Babelio.
Je l'ai donc abordé en relecture grâce à mes notes et cela a été une très belle redécouverte.
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1187. Esclarmonde, 15 ans, refuse d'épouser l'homme auquel son père veut la marier, Lothaire, un détestable coureur de jupons. Elle se coupe l'oreille, décide de se vouer corps et âme à Dieu et choisit d'être emmurée à vie pour échapper à cette alliance qui la dégoûte.
Le matin même de sa réclusion, pour jouir une dernière fois de sa liberté, des rayons du soleil naissant et du grand air, elle se faufile hors de l'enceinte du château de son père. Un homme la suit et la force. Il sent le vin et la guerre, il est sans doute le Diable.
Esclarmonde ne dira rien. Elle emmènera sa honte avec elle dans cette tombe où elle a choisi de vivre jusqu'à la fin de ses jours.

Racontée ainsi, ce début d'histoire paraît bien glauque. Et pourtant, il s'agit d'un véritable hymne à la vie, à l'amour, à la nature, à la liberté aussi.
Du fond de sa cellule, Esclarmonde parvient à nous insuffler le goût de la vie. le goût des petites choses, le goût du bonheur simple.
On pourrait bien sûr reprocher à Esclarmonde d'avoir trompé son monde, d'avoir menti sur sa condition de Pucelle pour garder sa réputation de « sainte » et sa popularité intactes.
Laisser la bêtise humaine, les croyances superstitieuses, la crédulité des pauvres gens s'emparer de son histoire comme d'une relique, comme d'un miracle précieux qui les aidait à vivre et à espérer lui paraissait encore la meilleure des choses à faire...et on peut difficilement lui jeter la pierre.


Aujourd'hui encore, pour qui saura l'entendre, Esclarmonde murmure toujours à nos oreilles. Elle nous susurre combien il faut aimer, combien le sourire d'un enfant est trésor en ce monde, combien les religions sont vaines lorsqu'elles prônent la violence, combien il faut s'ouvrir aux merveilles de Dame Nature, combien il faut vivre envers et contre tous ceux qui s'octroient le droit de nous contraindre, combien il faut aimer les légendes mais s'en défier tout autant...

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Témoignage d'une femme qui nous parvient de l'époque du Moyen âge, époque où les hommes, seigneurs tout puissants ont droit de vie ou de mort sur leurs sujets, mais aussi sur leurs femmes et enfants.

Esclarmonde va choisir de devenir une recluse en se livrant à Dieu plutôt qu'à un homme en se mariant. Elle préfèrera l'enfermement pour gagner sa liberté.
N'ayant pas fait le voeu de silence, elle deviendra une prophétesse qui attirera les pèlerins. Comme elle le dit : " le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux."

L'église va aussi mettre à profit ce sacrifice pour prendre de l'ampleur ; " La force de l'église réside aussi dans ces contes qui ont passé les siècles et dans notre capacité à forger aujourd'hui encore de merveilleuses fables au service de la foi. "L'église n'est pas aveugle, mais elle est hypocrite, elle se sert de la crédulité des paysans qui n'ont que leurs croyances et leur fables comme réconfort et comme espoir, pour échapper à la médiocrité de leurs vies.

Après la naissance de son fils, sa foi va être ébranlée. Ses pensées n'étant plus ligotées par la prière et la contemplation, elles vont la torturer et l'éloigner de sa béatitude. Elle n'est plus la jeune fille de quinze ans qui avait choisi de s'emmurer , par ignorance de la vie. " La sainte s'était aigrie en son tonneau de pierre".
Ce roman dénonce aussi la violence des croisades, toutes ces vies inutilement sacrifiées au nom de la religion.

Ce sont les murmures des femmes, de leurs peines, qui résonnent au travers des murs de ce château et de cette geôle.
C'est un témoignage ancien, qui a traversé les siècles et qui murmure jusqu'à nos oreilles, nous rappelant que ces peines et ces violences faites aux femmes sont toujours d'actualité dans certaines contrées. C'est aussi une dénonciation des ravages que peut faire la foi quand elle est mal utilisée. N'est-ce pas toujours d'actualité?

Les phrases sont belles et poétiques, on retrouve bien la plume de l'auteure comme dans "le coeur cousu".

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Connaissez-vous les Beatles, Mozart ou Pink-Floyd ? Oui, bien évidemment, mais, n'apprécieriez-vous pas les découvrir maintenant, avec votre vécu et votre perception d'aujourd'hui, pour en savourer pleinement la magie, les finesses et les envolées ?
N'avez-vous jamais ressenti l'envie de revivre le premier jour d'une découverte prodigieuse ?
De convoquer à nouveau les papillons du ventre et les voir s'éparpiller de bonheur ?

Je n'avais jamais lu Carole Martinez, je la découvre maintenant et c'est un plaisir fort.
Comme si j'étais passé à côté de quelque chose de capital, que l'on m'avait caché une artiste majeure dont je déguste seulement actuellement les charmes de son écriture.
C'est dense comme le Requiem de Mozart, c'est poétique comme « More » des Floyd et c'est riche comme l'album blanc des Beatles.
Lolokili, lectrice Babelio, que je me permets de citer bien que je ne la connaisse pas (j'espère qu'elle ne m'en voudra pas), écrivait dans un de ses lumineux commentaires :
« Sa plume enchantée fait de chacune de ses phrases un poème à lui seul. » Cette formule résume parfaitement mes impressions.
Ajoutez une mélodie à ses mots reviendrait à créer des hymnes à la grâce et au raffinement mais aussi à la mélancolie et à la souffrance.
De sa cellule, Esclarmonde m'a tellement fait voyager que ses quatre murs de pénitence se sont effacés par la foi.
Dans cet espace, le corps ne peut marcher mais l'esprit peut s'échapper, un peu comme dans un livre, comme dans une chanson.
Esclarmonde a dit non. A son futur époux, à son père, et donc à la vie.
1187, une fille n'ergote pas ! de sa geôle calamiteuse Carole Martinez passionne, façonne,
élève cette femme au rôle d'icône, ambassadrice de la vie des autres.
Elle fait de son père un croisé, de son promis un ménestrel, de sa vie une tragédie.
C'est beau à lire, c'est une ode, une romance, une complainte.
Ne ratez aucun couplet, faites de ce cantique un « tube » à écouter, à lire, à réécouter, à relire.
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Une nouvelle fois, le charme de Carole Martinez a opéré. Emportée en une autre époque et un autre lieu, je suis revenue avec plaisir à Haute-Pierre, au château des Murmures qui se dresse là-haut, tout au bord de la falaise, surplombant les remous verdoyants de la Loue. J'ai connu ces lieux en lisant « La Terre qui penche », texte poétique et cruel, qui a pour cadre ce domaine et dont l'histoire se déroule au XIVe siècle. Mais avant « La Terre qui penche », 200 ans avant, Carole Martinez nous contait déjà l'histoire de Haute-Pierre et de la Loue dans « du domaine des Murmures ».

Comme une genèse au roman qui le suivra, « du domaine des Murmures » qui a reçu le Prix Goncourt des Lycéens en 2011 convie le lecteur à découvrir la vie d'Esclarmonde, la vierge recluse. Esclarmonde l'insoumise, elle qui, pour gagner sa liberté mais aussi au nom d'une foi authentique à l'origine, se retire du monde à l'âge de 15 ans. La jeune fille, refusant un mariage arrangé, décide de n'être l'épouse que d'un seul, Dieu. Oui, Esclarmonde est emmurée, comme cela se faisait beaucoup au Moyen Age. Pourtant, que cela soit au contact des pèlerins qui viennent prier cette sainte tout en lui contant les turpitudes du monde, que ce soit dans la solitude de ses murs et dans ses pensées, Esclarmonde semble gagner une liberté et une force que sa condition de femme mariée n'aurait pu lui accorder. C'est un long et étrange voyage que la jeune recluse commence, un voyage qui la révélera à elle-même.

La plume de Carole Martinez est enchanteresse. Histoire de Foi et de mort, de sainte et de fantômes, d'enfant béni et de vierges forcées, l'auteure nous conte dans un style poétique et élégant un récit médiéval où la réalité côtoie le merveilleux. le lecteur est plongé au fond de la cellule d'Esclarmonde, à ses côtés et dans ses songes, au coeur des croisades et auprès des amants magiques de la Loue.

« du domaine des Murmures » est un conte qui dresse un formidable portrait de femme, une nouvelle fois. Sous des accords féériques et le chant du ménestrel, Carole Martinez nous décrit subtilement, sensuellement et cruellement, la condition féminine du XIIe siècle qui subit un monde d'hommes. Des hommes qui, si ce n'est la force, n'ont finalement guère de pouvoir face à la magie des femmes. Celles d'Esclarmonde, de Bérengère et de Douce.
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