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3,5

sur 746 notes
°°° Rentrée littéraire 2020 #8 °°°

J'ai été émerveillée par le Coeur cousu, bouleversée par du Domaine des murmures. Ces sentiments m'ont habitée durant la lecture des Rose fauves, mais pas de façon continu car ce roman m'a par moment échappé, tellement foisonnant que j'ai mis un peu de temps à faire le lien entre les différents récits proposés sur trois périodes, jouant sur différents registres … jusqu'à ce que les dernières pages éclairent ma lecture et la subliment.

En général, je n'apprécie pas plus que ça les romans où les auteurs laissent entrevoir les coulisses de la naissance de leurs livres. Je trouve cela souvent convenu et surtout, j'aime la part de mystère qui entoure l'objet livresque que je tiens entre les mains. Ici, Carole Martinez se met en scène avec le personnage d'une narratrice qui s'exile trois mois dans un petit village breton pour se consacrer à l'écriture d'un livre. J'ai été souvent agacée de retrouver les mêmes poncifs habituels sur les affres de la création et la vampirisation du réel. Soit. J'ai trouvé quelque peu artificielles ses discussions avec Lola, la postière boiteuse, qui lui inspire le personnage personnage central de son prochain livre. Soit.

Mais Carole Martinez a un talent de conteuse hors pair et elle a réussi à m'emporter, malgré mes réserves initiales. En fait, il faut accepter de se perdre dans ce roman très singulier et alors s'offrent au lecteur des images fortes, comme sorti d'un rêve étrange : cinq coeurs cousus alignés dans l'armoire de Lola, cinq héritages de ses aïeules transmis de mère en fille,  chacun bourré de petits papiers racontant tous les secrets de la vie d'une femme qui les écrit sachant sa mort proche et qu'ils ne seront jamais lu ; des roses magiques voraces, dévoreuses de jardins et d'esprit, au parfum entêtant, annonciatrices de plaisirs charnels débridés mais aussi de mort, nées du sang versés dans les tranchées de la Grande guerre.

L'auteure s'amuse à construire méticuleusement un récit foisonnant qui bourgeonnent de partout, balançant entre réel et fabuleux, effaçant la frontière traditionnelle réalité et conte jusqu'à une porosité assumée, le tout enveloppée dans un écrin ciselé où la langue se fait lyrique et élégante, pour dire le bonheur de vivre comme sa douleur. Car tout n'est pas « joli » dans l'univers de l'auteure et la poésie sait se teinter de noir. Thanatos n'est jamais très loin d'Eros, un coeur ça saigne, une rose ça pique.

Et comme toujours chez Carole Martinez, on retrouve de beaux portraits de femmes, à commencer par celui de la grand-mère de Lola, Inès Dolorès dont le coeur cousu s'ouvre pour être lu et révéler à Lola comment apprendre à se connaître. Formidable Inès Dolorès dont le coeur décousu révèle toute la fougue et la sensualité. Elle semble prendre par la main sa petite fille pour la guider dans une sarabande échevelée. Et c'est très fort de voir la sage postière taciturne, solitaire dans sa forteresse mentale érigée pour ne pas avoir à faire face aux dangers du monde, s'ouvrir au regard des autres et s'autoriser au désir. En découvrant la vie de sa grand-mère, elle s'interroge sur sa propre histoire et y trouve la force de briser la malédiction qui s'abat sur les femmes de sa lignée afin de se déprendre du passé et de ses fantômes.

Une belle variation hors du temps sur le thème de la liberté féminine et de la libération des désirs, un conte empli d'histoires d'amour, de secrets de famille et transmission, tout autant qu'un hommage subtil à la puissance de l'écriture.
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Dans ce petit village de Bretagne où la narratrice fait escale pour aller à la rencontre des personnages qui nourriront peut-être son inspiration, tout commence par ce haut-lieu de la communication qu'est le bureau de poste, où les tricoteuses alignées semblent suggérer qu'il y a foule au guichet. Alors que leur présence constitue plutôt un flux d'infos en continu, un réseau social local et prolifique.
Derrière le guichet, l'austère Rosa, raide, fermée, au delà de ce que son infirmité pourrait lui offrir en prétexte. Issue d'une longue lignée de femmes cruellement éprouvées dans leurs amours et leurs maternités, Rosa se protège en érigeant autour d'elle des barrières d'austérité, et en exerçant un contrôle méticuleux de ce qui fait sa vie : la poste, le jardin.

La rencontre des deux femmes fait naître l'histoire du roman qui se construit sous nos yeux, mêlant les légendes d'un autre âge, les errements de l'imagination, induits par les confidences et les secrets révélés des coeurs cousus.


La lecture est une sorte de parcours en équilibre sur une corde de funambule , et le meilleur moyen pour ne pas chuter est de lâcher prise, et de se laisser porter par les mutiles facettes de ce récit, poétique et onirique, avec de temps à autre un rappel à une réalité tangible, la narratrice en train de créer son oeuvre.

"Je ne pense pas qu'il y ait une frontière nette entre la réalité et la fiction. le roman surtout nous entraîne sur des territoires flous, ils occupent les lisières."

On retrouve le style d'écriture de l'autrice, cet qui fit le succès de Coeurs cousus, ou de du Domaine des murmures. Et il est sans doute préférable de les avoir auparavant lus, pour ne pas se laisser déstabiliser par cette navigation à vue aux confins des rêves et de la réalité.

Grand plaisir de retrouver la conteuse de talent, qui sait emporter le lecteur dans ses divagations merveilleuses.
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Ceux qui lisent mes commentaires le savent : je suis une inconditionnelle de Carole Martinez, et pas seulement parce que j'ai eu la chance de la rencontrer à plusieurs reprises, et que c'est une femme passionnée et passionnante, qui a le pouvoir d'enthousiasmer son auditoire en partageant mille et une anecdote avec lui. Quand elle vous raconte sa grand-mère espagnole avec ses croyances, qu'elle vous encourage à la "rêvasserie" d'où surgissent les idées les plus folles (et qu'elle pratique assidûment !), qu'elle vous explique ses tourments jusqu'à que son premier roman soit enfin édité, elle vous entraîne dans son monde et vous n'avez plus envie de la quitter.
Et une fois de plus, la magie a opéré sur moi, même si ce roman est à la fois dans le droit fil du "Coeur cousu" et en même temps totalement différent de ses précédents romans parce qu'elle est elle-même un des personnages de l'histoire, et se met en scène en train de l'écrire.
D'ailleurs, au départ, ce devait être une toute autre histoire, un "Barbe-bleue contemporain", qui finalement ne verra pas le jour cette fois. Non, là c'est l'histoire de Lola Cam, une postière coincée et boîteuse, héritière d'une longue lignée mi-espagnole mi-bretonne. Lola possède, cachés dans son armoire, cinq coeurs en tissu renfermant les secrets de ses aïeules. L'un deux s'est déchiré, celui de son arrière-grand-mère. Et l'auteure va imaginer devenir l'amie de la postière, jusqu'à ce que celle-ci l'autorise à découvrir avec elle le contenu de tous les petits billets qui se sont échappés et qui retracent la douloureuse histoire de cette femme, victime d'une malédiction qui hantera ses descendantes. le coeur contient également quelques graines, que Lola, férue de jardinage s'empressera de semer. Et cette graines vont très rapidement échapper à tout contrôle, donnant naissance aux "Roses fauves" qui donnent leur titre au roman. Sans trop en dévoiler, on va suivre plusieurs histoires en parallèle, celle de Lola et des vieilles habituées de son bureau de poste, celle d'Ines Dolores, l'aïeule qui a confectionné le coeur blanc, et celle de Carole Martinez en train d'essayer d'écrire son roman tout en étant de plus en plus fascinée par la saga des Dolores successives. Les roses constituent le fil conducteur entre ces différentes partie, et elles ne sont pas toujours de simples belles fleurs...
Je ne me lasse pas de l'écriture de Carole Martinez, si particulière, empreinte de poésie mais qui sait se faire si dure aussi. Quand elle glisse vers le fantastique, elle nous emmêle, nous entraîne si bien qu'on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui relève de la pure fantasmagorie. Et comme en plus elle parsème ses histoires d'éléments autobiographiques de-ci de-là, on est totalement immergé, perdu, et on en redemande. Ses personnages sont totalement crédibles au départ, voire banals, comme Lola. Mais ça ne dure pas, oh non !Et voilà que tout d'un coup on est au beau milieu d'un conte, et la magie opère.
Mais pourquoi "seulement" 4 étoiles, du coup ? Il s'en est fallu de peu, mais voilà, la fin n'a pas fonctionné sur moi, il m'a manqué quelque chose, et je me suis sentie un peu flouée.
Mais peut-être Carole Martinez se réserve-t-elle pour une suite éventuelle, après tout il reste d'autres coeurs à découdre...
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On se souvient avec bonheur du « Coeur cousu » ou du « Domaine des murmures », et un nouveau livre de Carole Martinez à l'occasion de la rentrée littéraire est toujours attendu avec impatience.
Le coeur cousu, justement, parlons-en.
Carole Martinez ne se doutait pas, après une lecture dans une librairie, qu'une lectrice viendrait lui dire que ces coeurs cousus existent bel et bien sous forme de traditions du fond de l'Espagne : avant de mourir, une femme confie ses secrets sur de fines bandelettes de papier, qu'elle cout ensuite à l'intérieur d'un tissu en forme de coeur, confiant ses récits intimes à l'éternité.
A moins que quelqu'un ne découse les liens de tissu, mais il n'est pas dans la tradition de trahir les morts.
A partir de cette découverte, Carole Martinez tisse à son tour une histoire, ou plutôt deux histoires, l'une enchâssée dans l'autre :
Nous partons donc en Bretagne, où elle imagine une postière bretonne, prénommée Lola, qui n'a « rien pour elle » et qui boite. Elle se rend tous les jours à son bureau de poste, vit seule dans le logement de fonction attenant, et n'aurait « rien de particulier à raconter » si ce n'est que son armoire recèle cinq coeurs cousus issus de sa famille espagnole.
La narratrice, qui est aussi l'autrice, va faire sa connaissance, et n'aura de cesse que de découvrir les secrets enfouis dans les coeurs. Or le premier, celui fait de tissu à paillettes, s'effiloche et laisse entrevoir quelques bandelettes de papier. Lola et la narratrice vont ensemble déchiffrer la petite écriture…
Commence alors la seconde histoire, celle de Dolores Ines, fille mal aimée par une mère qui s'est suicidée, enfermée par son père dans un jardin couvert de roses, qui décide un jour de s'échapper par le vaste monde, parce qu'un jour un cheval s'est égaré dans son jardin, et qu'elle s'est éprise du beau cavalier qui le montait …
Et voici que s'ouvre une troisième histoire, en effet miroir : Lola va progressivement s'ouvrir à la vie et au désir, elle aussi, avec un dénommé William D.H., un acteur réputé qui joue un soldat de la Première guerre mondiale, un dénommé Pierre auquel il s'identifie peu à peu et puis totalement.

On retrouve bien ici tous les thèmes chers à Carole Martinez : son goût pour la couture comme pour la nature, la présence des fleurs et leurs senteurs, la sensualité et tout ce monde à la frange du fantastique – le merveilleux - qui fait sa marque de fabrique.

Mais ici les fleurs ne sont pas sympathiques, elles sont même vénéneuses. Ici ce sont les effluves générées par ces étranges roses, dont les graines étaient dans le coeur cousu, qui mettent à mal la narratrice. On songe à Boris Vian et à « l'écume des jours » dans lequel Chloé est victime d'un « nénuphar » qui lui dévore le poumon.

Mais d'où vient alors ce sentiment que Carole Martinez ne parvient pas vraiment à entrer dans son histoire, qu'elle reste sur le seuil, observant ses personnages, sans vraiment les animer ? Et pourquoi nous abreuver de ces « Making of » d'écrivaine, quitte à nuire à la fluidité des deux histoires qu'elle nous déplie ?
La réponse vient peut-être page 220, de l'autrice elle-même : « Il me semble que je ne désire plus rien que ce livre que je n'arrive pas à écrire ». Nous y voilà.
Je ressors perplexe de cette lecture. J'ai l'impression qu'elle est partie sur une « fausse bonne idée » : celle d'imaginer le contenu de ces coeurs cousus espagnols, mêlé à l'histoire de cette Lola bretonne qui boite et qui devient subitement l'amoureuse improbable d'un acteur star de cinéma. Et ses propres errances et hésitations en tant qu'autrice n'apportent rien au récit en définitive.
Merci à Babelio et aux Editions Gallimard de m'avoir envoyé cet exemplaire via Masse critique.
Je garde un sentiment mélangé donc, avec le souvenir de quelques beaux passages, mais assorti d'une certaine déception en refermant ce « coeur décousu » où je n'ai pas retrouvé la magie du « Coeur cousu » précédent.
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Quel privilège de pouvoir découvrir en avant-première le dernier roman d'une auteure de talent dont j'ai lu avec émotion trois des précédents ouvrages !
Je remercie Babelio de m'avoir proposé ce challenge et les éditions Gallimard de m'avoir envoyé cet exemplaire en primeur.

J'ai découvert Carole Martinez avec du domaine des murmures et La terre qui penche.
Mes critiques sur Babelio étaient alors rares et timides et mes mots maladroits pour exprimer mon ressenti.
Et pourtant, son univers si particulier qui conjugue habilement histoire et merveilleux sans sombrer dans le fantastique incompréhensible, a su me plaire.
À tel point que, lorsque j'ai croisé le chemin de son premier roman "Le coeur cousu", je n'ai pas hésité un seul instant et me suis replongée avec délice dans l'atmosphère étrange et pourtant tellement humaine qui caractérise son oeuvre.

Les roses fauves revient avec bonheur sur cette tradition ancestrale du coeur cousu qui veut que chaque femme parvenue au crépuscule de sa vie laisse en héritage à sa fille un coeur de tissu rempli de bandelettes de papier sur lesquelles elle s'est épanchée et qu'il est interdit d'ouvrir.
Pourquoi la destinée de Lola, postière du petit village de Trébuailles, l'a-t-elle condamnée à une vie solitaire à l'abri de son jardin, parmi les roses ?
La réponse se trouve-t-elle dans les confidences que ses aïeules ont faites à leur coeur cousu avant de rendre leur âme à Dieu ?
La narratrice qui n'est autre que l'auteure elle-même, est à la recherche de l'inspiration et d'un lieu tranquille pour se consacrer à un projet de roman.
Son choix n'est pas fortuit et la rencontre de ces deux femmes, ainsi que les secrets qu'elles vont percer ensemble en ouvrant les coeurs cousus dont Lola est la gardienne, vont bouleverser leur quotidien et les faire voyager dans le temps.
Lola va-t-elle parvenir à briser la malédiction qui condamne depuis toujours sa lignée à porter les enfants de leurs amours mortes ?

La plume de Carole Martinez, fidèle à elle-même, est un enchantement pour le coeur et l'esprit.
On parcourt l'histoire de Lola et de ses ancêtres accompagnés par le parfum lourd et entêtant des roses.
Un parfum qui frise parfois l'écoeurement, telle une malédiction.
Le thème de l'auteur en mal d'écriture a été maintes fois traité et on retrouve ici les éléments classiques qui le composent habituellement, à savoir la recherche d'un lieu inspirant et qui prête à l'introspection, la rencontre fortuite avec un personnage atypique, le déclenchement d'un processus de l'imaginaire et l'envie d'en faire un roman.
L'auteure s'est prêtée à cet exercice avec plus ou moins de succès, certains passages étant parfois un peu nébuleux ou emmêlés, telles les conversations entre les vieilles du bureau de poste.
Toutefois, le récit, qui nous transporte dans l'Espagne passée au son de la soleá, reste attachant tant il procure un plaisir de lecture intense.
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Après la découverte émerveillée de ses trois premiers romans et deux inoubliables rencontres avec elle, nul besoin de préciser que j'attendais Carole Martinez et ses Roses fauves en trépignant d'impatience.

Et maintenant, quand la déception est là, je fais quoi ?
Qu'est-ce que donc quoi s'est-il passé, dites, Carole ?
Qu'est-il arrivé à votre lyrisme si singulier ?
A la poésie de vos textes ?
A la magie de vos mots ?

Certes voilà un livre original, à l'imaginaire aussi luxuriant que celui qui toujours définissait vos oeuvres précédentes, sauf que là, pour ma part, j'ai été incapable d'entrer dans l'histoire. Dans les histoires plutôt, puisque ce récit s'éparpille – beaucoup trop à mon sens – dans un enchevêtrement de mystérieux destins féminins qui m'ont définitivement perdue.

Alors, qu'est-ce que donc quoi s'est-il passé, dites, Carole ? Parce que moi ça m'a fait comme un petit coup de mou là, j'avoue.


Ҩ


Avec toutes mes confuses pour le petit retard, un grand merci aux Editions Gallimard et à Babelio Masse critique pour cet envoi que, malgré tout, je ne regrette pas.


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La narratrice est à la recherche de l'inspiration, et se déniche un gîte en Bretagne, loin de sa famille pour commencer un roman sur Barbe-Bleue, dans une petite ville choisie à la suite d'un coup de coeur pour une carte postale représentant une jeune femme qui boite.

Elle fait ainsi la connaissance de Lola qui travaille au bureau de poste. Cette dernière l'invite à dîner un samedi soir chez elle. Elle habite seule au-dessus du bureau de poste, et accorde une attention particulière à son jardin, ainsi qu'à son intérieur entretenu de manière quasi obsessionnelle. Rien ne dépasse….

Elle possède une immense armoire, héritage familial dans laquelle reposent des coeurs brodés par les femmes de la famille : la fille aînée hérite d'un coeur cousu par sa mère (et ainsi de génération en génération) dans lequel elle a enfoui ses secrets écrits sur des petites morceaux de papier, et cousu ensuite avec soin. Il est interdit de les ouvrir, sous peine de s'attirer une malédiction.

Un des coeurs s'est déchiré en tombant une nuit où il y avait du vent… et l'auteure et Lola vont lire les secrets de l'aïeule, Inès Dolorès. Les petits mots sont numérotés pour la plupart, mais certains ne l'étant pas il sera plus difficile de retrouver la chronologie.

J'ai aimé l'histoire d'Inès Dolorès, parcourir son enfance, ses histoires d'amour, dans l'Espagne à différentes époques et je m'attendais à découvrir les secrets des autres femmes.

En fait, l'auteure nous entraine ailleurs, vers une histoire d'amour en Bretagne au moment de la première guerre mondiale, en entremêlant un récit autour de Lola qui tombe amoureuse, sur fond de roses sauvages au parfum toxique qui rend tout le monde plus ou moins dingues…

Et, pour corser le tout, Carole Martinez nous raconte sa vie, nous interpelle au passage pour nous faire entrer dans l'histoire et nous laisse en plan au beau milieu.

J'ai tenu à terminer ce roman parce que j'ai voulu laisser une chance à l'auteure dont j'ai tellement aimé « du domaine des murmures » et « La terre qui penche » mais cela m'a coûté, et j'ai été très déçue par cette lecture, d'autant plus que l'autofiction et moi, cela fait deux. C'est bien écrit, c'est certain, mais on se croirait dans un atelier d'écriture consacré à l'absurde…


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« L'hyacinthe, le myrte à l'adorable éclair
Et, pareille à la chair de la femme, la rose
Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair,
Celle qu'un sang farouche et radieux arrose ! »
MALLARMÉ

Ce court poème révèle l'esprit floral et féminin de ce roman. Carole Martinez dont j'apprécie particulièrement l'écriture, crée une ambiance gracieuse et feutrée dans lequel le décor a toute son importance.
J'aime beaucoup les univers que crée Carole Martinez, oniriques, surannés, un brin fantastique. Elle a une écriture chaleureuse, délicate et apaisante. le lecteur sent qu'elle façonne ses personnages féminins avec tendresse et bienveillance.
Dans « Les roses fauves », l'auteure renoue avec son premier roman « Un coeur cousu » par son thème et offre une belle réflexion sur la transmission familiale, l'émancipation des femmes. Plus en marge, l'auteur nous parle de la création littéraire et la solitude de l'écrivain.

*
Dans « Les roses fauves », l'auteure se met en scène.
A la recherche de tranquillité et d'inspiration pour son prochain roman, elle quitte sa famille et Paris pour le village de Trébuailles, en Bretagne. Elle y rencontre Lola, une jeune postière simple et discrète.
Celle-ci l'invite à venir dîner chez elle. Au fil de la conversation, la jeune femme lui révèle l'existence d'une ancienne tradition espagnole selon laquelle les femmes, à la veille de leur mort, cousent un petit coussin en forme de coeur dans lequel elles enferment à tout jamais les secrets de leur vie.

Lola a hérité de la mémoire des aïeules de sa famille. Elle possède, alignés sur une étagère, à l'abri des regards, dans une vieille armoire de noce bretonne sculptée de roses, cinq coeurs brodés à la main.
Lors d'une nuit d'orage, un des coeurs cousus se déchire, libérant les secrets écrits sur des petits bouts de papier numérotés.
Chaque secret dévoilé est autant de fragments de vie de son ancêtre, une histoire commencée en Espagne que nous conte par son aïeule, Inès Dolorès.

« Sommes-nous écrits par ceux qui nous ont précédés ? »

*
Ce roman choral est assez singulier.
C'est un voyage intérieur où l'auteure brode des histoires de femmes dans un enchevêtrement de roses et de ronces.
Les roses du jardin forment un personnage à part entière et leur beauté n'a d'égale que leur cruauté. Leurs épines acérées se cachent, sournoises. Elles s'accrochent, s'agrippent férocement, éraflant, égratignant, écorchant, entaillant, déchirant ces femmes au triste destin, les poursuivant de leur malédiction.

« Ces fleurs, dessinées dans la marge sans y prendre garde, envahissent mes cahiers, mes pensées, elles me débordent. Elles s'emparent des feuilles, se glissent entre les lignes, ouvrent des brèches dans mes phrases, dans mon sommeil, dans mon crâne. Elles me réclament d'être plus qu'un simple décor, elles se veulent personnages, elles aussi. »

Ainsi, elles forment un fourré dense et ramifié qui lie et entrelace plusieurs histoires, celle de Lola, d'Inès Dolorès et de la narratrice, la romancière elle-même.
Je me suis souvent perdue entre rêve et réalité, imaginaire et fiction, passé et présent, ne sachant plus qui, des trois femmes, s'exprimait. Et j'ai parfois eu la conviction que toutes ces femmes n'en formaient qu'une seule.

*
Ce roman est très sensoriel.
L'auteure met toute sa force poétique pour nous décrire ces bouquets de senteurs qui envahissent ce beau jardin tapissé de roses. Cet écrin de verdure, refuge aux émotions de Lola, a un côté enchanteur et magique.
J'ai été envoûté par le parfum des roses rouges, je me suis perdue dans ce cocon fleuri qui se décline en plusieurs ambiances, parfois maîtrisé, d'autres fois inondé par la végétation.

« Mes fleurs poussent aussi en moi, je les guette, parfois je les oublie, mais elles sont là, quelque part, au fond de mon jardin intérieur. »

Les floraisons des rosiers sont le miroir des émotions. Les arbustes y poussent de manière étrange, indiscrète, obsédante, exhalant de lourds parfums qui participent à cette atmosphère tantôt chaleureuse et apaisante, tantôt entêtante et sensuelle. Les roses, en déployant à l'abri de ce jardin toute leur beauté et leurs senteurs, ont ce pouvoir d'éveiller la féminité, la sensualité, le désir et la passion.

« Mon jardin m'a enseigné l'amour. J'ai su devenir fleur pour attirer les bourdons, j'ai joui sous mes robes, comme une rose jouit des caresses du vent, comme elle s'ouvre aux petites pattes des insectes qui la butinent… »

*
La force de son récit réside dans le style et l'écriture de Carole Martinez.
Emportée par sa belle plume poétique, j'ai suivi chaque tige de ce rosier chargé d'histoires enchevêtrées. J'ai aimé cette atmosphère sensuelle, ce récit qui parfois prend des allures de conte fantastique.

Cependant, j'apporterais une petite teinte nuancée à ce roman : les multiples histoires ne sont pas toujours faciles à démêler et il m'est arrivée d'être projetée en lisière du récit, devant revenir sur mes pas pour retrouver mon chemin dans ce méandre.
Plus imagé, plus sinueux, il est celui qui m'aura demandé le plus d'efforts parmi tous les romans de l'auteure. Mais cela en valait largement la peine.

« Nous faisons nos choix en lisant, Lola sera un bouquet composé à partir de quelques mots écrits et de vos propres souvenirs, de vos matériaux intimes. Elle sera notre oeuvre commune, notre enfant, conçue dans le mitan du livre où nous dormons ensemble, lecteur et auteure, mêlés dans un même nid de ronces. »
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C'est à Trébuailles, loin de son mari et de ses enfants, que Carole Martinez a décidé de s'exiler afin d'écrire son prochain roman, une réécriture de Barbe-Bleue. Elle n'a pas choisi cet endroit par hasard, mais guidée par une vieille carte postale où l'on peut voir ce village breton et une de ses habitantes que l'auteure imagine solitaire et boiteuse. Mais sur place, son roman lui échappe, Barbe-Bleue se refuse à elle. Heureusement, elle fait la connaissance de Lola Cam, la postière de Trébuailles. Mal habillée, un brin revêche, célibataire et boiteuse (!), Lola pourrait être sans intérêt si elle n'avait, au fond de son armoire bretonne, les cinq coeurs cousus de ses aïeules. Car, selon une tradition espagnole, les femmes de sa famille, au soir de leur vie, ont enfermé leurs secrets les plus intimes dans un coeur cousu à la main, avec la certitude que leurs confidences resteraient scellées pour l'éternité. Or, le coeur en taffetas noir s'est décousu. Lola ne lirait pour rien au monde ce qu'il contient mais sa nouvelle amie Carole…

Carole Martinez nous invite au coeur de son imagination et de son travail de création littéraire. Elle se met en scène dans un roman où se croisent les époques, les personnages les plus improbables et sa touche personnelle, mêlant merveilleux et fantastique.
L'histoire, ou plutôt les histoires, partent dans tous les sens. C'est à si perdre, entre le destin d'Ines Dolores, l'aïeule de Lola, l'irruption dans la vie de la postière d'un acteur qui joue le rôle de Pierre, un soldat de la première guerre mondiale, le véritable Pierre et son histoire d'amour impossible avec Marie la boiteuse, les fameuses roses fauves au parfum vénéneux, etc., etc. Les histoires s'imbriquent les unes dans les autres et les esprits cartésiens resteront malheureusement sur leur faim. Il faut se laisser porter par la faconde de l'auteure, entrer dans son univers magique sous peine de rester sur le bord du chemin. Car si Carole Martinez est une formidable conteuse, elle s'est peut-être laissée un peu débordée par son imagination fertile et son roman est moins abouti que les précédents. Chaque histoire aurait mérité d'être approfondie, Ines Dolores et ses filles auraient même mérité un roman rien que pour elles. Et à quoi bon se mettre en scène, raconter les affres du travail d'écrivain ? D'autres l'ont fait avant elle, mieux ou moins bien, peu importe, cela ne fait que nuire au rythme propre du roman.
Bref, cette lecture a été une petite déception.
Un grand merci tout de même à Babelio et aux éditions Gallimard.

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Je remercie chaleureusement les Éditions Gallimard ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

Voici venu l'heureux et excitant moment de cette rentrée littéraire 2020, avec une auteure que j'admire tout particulièrement, pour son écriture poétique et sensuelle, c'est bien entendu de Carole Martinez et de son nouveau roman dont je vais vous parler ici. « Les Roses fauves » sont une célébration élégiaque des mots et de leurs puissances d'évocation. Ces derniers chantent et vibrent dans nos coeurs. On les cueillent comme autant de formules magiques se susurrant à l'oreille un soir d'orage en Bretagne, elles s'égrènent en formant un texte à la beauté et à la profondeur qui font de ce nouveau livre un indispensable à lire en cette rentrée. Comme aurait-il pu en être autrement ? Carole Martinez nous plonge dans une histoire dont elle a le secret, un feu sacré entre fantasme féminin, rêve et réalité. Car ici, nous sommes en présence d'un texte qui célèbre le courage, la force de ces femmes qui ont dû, à mesure où l'histoire et ses soubresauts d'une violence inouïe advenaient, affronter la vie et son tumulte, seules. Les cicatrices, les blessures, les étreintes même avec les hommes qu'elles vont aimer ne sont que des parenthèses dans un chaos intérieur où amour, passion et désir doivent se juger à l'aune des conventions, des usages de leur temps qui ont été bâti par les hommes pour asseoir leur domination. Je vois dans « Les Roses fauves », un récit sur l'émancipation, la libération des désirs, des pulsions sexuelles, une célébration de la nature et de sa beauté, de sa cruauté, de sa sauvagerie également, où il est question de fleurs capiteuses au parfum lourd et entêtant qui excitent et troublent les sens. le destin, la mort, la vie, l'amour, le désir, tout se conjuguent en un audacieux roman à l'atmosphère chargée en souvenirs, ceux des hommes et des femmes se frôlant avant de ne faire plus qu'un puis de disparaître. Il y est ainsi question des ancêtres de Lola, cette femmes boiteuse d'une beauté et d'un charme propre à réveiller les récits des temps jadis. Lola est un diminutif, son nom est espagnol, Dolorès, ses ancêtres ont dû quitter l'Espagne à l'issue de la défaite des républicains pour échapper aux pelotons d'exécution de Franco et des fascistes. Lola vit en Bretagne, elle a un beau jardin avec notamment ces roses fantastiques. le petit mur attenant au cimetière s'effondre et les roses de s'étendre en délivrant les mystères de leur parfum capiteux. Son infirmité a endurci le coeur de Lola, mais bientôt l'amitié qui va naître avec l'auteure de ce roman, (on peut imaginer Carole Martinez ou son alter égo), la fascination des deux femmes pour ces coeurs cousus, contenant les secrets des femmes de la lignée, avec ces mots qui n'ont pu être dit, et qui sont conservés après la mort par celle qui lui succède dans la généalogie, tout cela va provoquer un éveil à la sensualité, une libération du corps corseté de Lola. C'est dans une armoire bretonne que sont contenu les coeurs cousus. Elles décident un soir, de lire ceux d'Inès Dolorès.. Nous sommes là face à la mise en abîme de la place de l'écrivain, de son travail de construction fictionnel. Ainsi l'auteure et Lola ne se rejoignent pas sur le fait qu'il y ait une frontière entre la réalité et la fiction. Carole Martinez se confie sur sa famille et son rapport à l'écriture, sur son métier de romancière. Il y a des digressions dans le récit comme avec ces vieilles femmes qui échangent sur leurs vies à la poste du village breton. La mort fauche les premiers amants des femmes de la famille de Lola qui craint d'être à son tour l'enfant d'un fantôme comme toutes les aînées de sa lignée. C'est enfin un roman foisonnant qui tel un feu d'artifice sensoriel éclatant nous amène à nous interroger sur le poids du transgénérationnel. La question majeure étant de de comprendre les enjeux sous-jacents, le poids des racines, de la filiation. Romancière de grand talent, Carole Martinez ne nous perd jamais en chemin grâce à son art éprouvé de la narration. C'est un des grands romans de la rentrée littéraire 2020. Voilà quelques années que nous attendions un nouveau roman de Carole Martinez. Il est là à présent. « Les Roses Fauves » de Carole Martinez est paru chez Gallimard. Plongez vous dans son univers si singulier vous ne le regretterez pas. Sublime.
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