Roland Marx était un historien spécialiste de la Grande-Bretagne et, plus spécifiquement, du long règne de
la reine Victoria (1837-1901).
Cet ouvrage-ci ne se veut pas un énième livre à la recherche ultime de Jack l'Éventreur. Il s'agit plutôt d'une mise en perspective historique de ses ''exploits" macabres, au regard des fantasmes et des craintes que le meurtrier a suscités.
L'historien revient premièrement sur les faits de 1888 et comment la police échoua à mettre la main sur le responsable des massacres des cinq prostituées de l'Eastend, quartier populaire de la capitale. Roland Marx évoque le mélange d'horreur et de fascination pour l'affaire qui se diffuse alors. Et qui perdure encore jusqu'à maintenant au vu des innombrables productions écrites (romans ou nouvelles théories) et cinématographiques à propos d'un des plus illustres inconnus de l'Histoire des faits divers.
Dans les chapitres suivants, l'auteur revient sur les peurs de l'époque victorienne puis sur ses piliers fondateurs que sont la patrie, la religion, la famille, le travail et la propriété privée, gage d'une "harmonie capitaliste". Ceux-ci sont remis en question par le développement du syndicalisme et du socialisme, par une crise économique qui sévit depuis que l'Angleterre, première puissance mondiale en tant que locomotive de la révolution industrielle, a perdu cette place au profit des États-Unis. de même, la religion, dans une moindre mesure par rapport à la France de la même époque, perd du terrain et de son influence.
Par conséquent, entre les difficultés avérées de l'époque et celles fantasmées, l'aristocratie et la bourgeoisie craignent pour leurs modèles. Se développe une peur de ces vastes quartiers populaires ou pauvres comme celui de Whitechapel, antre de misère, de vices et de criminalité. En plus d'insalubrité en raison d'un urbanisme et d'un habitat mal gérés.
C'est donc dans cette période déjà marquée par diverses angoisses que surviennent les crimes horribles de Jack l'Éventreur, commis sans mobile apparent. Pour Roland Marx, le meurtrier cristallise alors ce qu'il nomme fantasmes de cette fin de règne victorien.
J'ai beaucoup apprécié cette mise en perspective historique d'une affaire criminelle qui permet d'élargir le point de vue et de mieux comprendre les mentalités de l'époque. Roland Marx maîtrise son sujet et l'amène avec une grande accessibilité. Sérieux et méthodique, son essai, paru en 1987, mérite d'être lu. Une courte chronologie des faits politiques, religieux, économiques et policiers du XIXème siècle anglais en fin de volume aide à se retrouver dans le cours des événements.