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EAN : 9782020371704
121 pages
Seuil (08/04/1999)
3.84/5   46 notes
Résumé :
Au bord d'une route qui mène au col de Nice, une poignée de maisons dresse timidement ses murs sous le poids des ans. La mer n'est pas loin. Il est cependant quelques personnes, accrochées à cette campagne, qui ne l'ont jamais vue. Trois vieillards étirent là leur grand âge, avec leurs manies, leurs échecs, leurs souvenirs de plus en plus incertains, vagues et chaotiques. Parmi ces vieux campagnards, Anchise, veuf, refermé sur lui-même, reste habité par la grâce d'u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Un paysage de campagne, enfin pas vraiment la campagne arborée, évocatrice de douceur et de sérénité mais plutôt de ces lisières entre la ville et la campagne "vraie", la campagne d'autrefois mais comme contaminée, comme gangrenée par les boursouflures de la cité, par ses plastiques et son formica, par ses déchets et ses tôles, un paysage de campagne barbouillé de laideur par la main de l'homme... Un paysage qui a été et qui s'est comme obscurci...

Et alors, comment fait-on pour y vivre, pour habiter l'une de ces trois masures qui se tiennent serrées au bord de la route, peut-être pour faire front à un ultime coup du destin, à un ultime déferlement de l'orage citadin ? Comment accepte-t-on d'y passer une vie et de continuer à essayer d'exister quand les décennies s'ajoutent quand la souplesse s'amenuise, quand les difficultés du quotidien deviennent obstacles ...

Ce sont peut-être "les Sasso" qui ont la réponse quand lui déborde de colère n'aimant rien ni personne, ou encore un peu son potager qu'il cultive pour montrer qu'il sait tout à son propos et finalement en ne mangeant que les fruits du labeur de l'année précédente qu'il a congelés, parce que tout ça, c'est trop pour eux deux... Quand elle, soumise, ne se rend plus trop compte, se tait.
Un peu comme le paysage qui s'est enlaidi, leurs esprits ont fait de même, ils luttent en désaimant, ils survivent en cultivant la hargne au milieu des salades et ça pousse plutôt bien...

Cela pourrait être aussi "la Thomas", veuve, que la liberté de vivre seule effraie, mieux valait être invisible derrière un mari que visible solitaire. Elle ne sort que pour fermer ses volets, les journées immuables, toujours l'horloge qui guide les pas. Un silence l'habite… Elle attend, les années qui passent se résument au silence qui se fait plus épais, aux gestes qu'on économise… Elle attend le silence qui recouvrirait tout et les gestes qui ne seraient plus…

"Anchise c'est autre chose" comme le répète le récit comme un refrain, comme un leitmotiv qu'il ne faudrait pas oublier. Et on remarque tout à coup le soleil, il brille pour Anchise...

Et c'est vrai, Anchise, c'est différent.
Anchise ne vit pas dans le présent, son esprit s'en est vidé, il n'est comblé que de la mémoire... pour se souvenir des peines, de la perte du père à la première guerre qui a fait de lui Anchise quand jusque là tout le monde le nommait Eugène. C'était plus doux, Eugène, et cela allait mieux avec "la Blanche", celle qui a illuminé sa vie, celle qui a embrasé son être... mais comme un feu follet, une étincelle... Emportée par les fièvres pendant qu'il était parti se battre à la seconde guerre.
Anchise, c'est l'éphémère qui s'éternise, c'est le bonheur qu'on met sous un globe de mariée, Anchise, c'est l'innocent, le doux, celui qui écoute ses rêves parce qu'il n'y a qu'à travers eux que sa Douce peut lui parler et c'est pour cela qu'il est devenu l'ami des abeilles....
Anchise, on s'assoit, on l'écoute, on ne l'interrompt pas, il nous parle de ce mince temps de félicité qui a été si bref et pourtant Anchise en a tissé sa vie, en a tricoté son existence.
A quatre-vingt ans, il arrive au bout de cette compagnie des souvenirs, il les a tant tournés et observés, écoutés et modelés, rêvés et imaginés qu'est-ce qu'il reste à Anchise pour continuer ? Surtout si ses pensées sont comme les abeilles, qu'elles s'envolent en essaim pour aller s'installer dans l'arbre creux ?

Il existe des livres dans lesquels davantage que le récit, c'est la langue qui captive, ensorcelle, aimante... Celui-ci est de ceux-là, un phrasé tricoté, crocheté plein d'arabesques et noeuds, coloré, diaphane ou parfois ténébreux.
Un récit qui tisse les mots autour du temps qui s'effrite, un récit qui parle de l'âge qui avance… Je ne l'ai pas trouvé triste, ce récit, même ce qu'on pressent être la fin parce que la présence d'Anchise éclaire le texte, choisissant d'être en marge de la vie pour mieux la laisser s'écouler. La colère ne le gagne pas, la solitude est sa compagne acceptée, il vit dans un monde qu'il s'est créé et qu'il cultive, en discrétion, comme son potager, caché au milieu des herbes. Personnes ne remarque ses tomates ou ses choux mais lui sait qu'ils sont là… C'est comme ses pensées, elles ne prennent vie que pour lui…
A l'automne, le potager se vide, s'endort, disparaît, les abeilles cessent leurs danses folles… Anchise le sait et le lecteur, aussi, l'a deviné, Anchise ce n'est pas autre chose...
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Au bord d'une route qui mène au col de Nice, une poignée de maisons s'éparpille, toutes trois juchées là, au ras de la départementale .

Elles n'ont pas beaucoup d'allure, , la première aux volets toujours tirés, aux pierres déchaussées.
Habitées par de très vieilles gens, elles ont l'entêtement de leur âge: le Sasso et sa femme , la Sasso, la Thomas, veuve et Anchise le boiteux, une légère infirmité qui lui vient d'avant, tout ce qui lui reste de sa vie de vivant.

Les vieux n'ont rien choisi du tout .

Anchise est le seul à habiter là depuis toujours , plus vieux que les Sasso , plus vieux que la Thomas..
Anchise n'avait jamais pu oublier sa femme, si jeune quand il l'avait connue, si belle, si blonde qu'on l'appelait LA Blanche.... au yeux blonds , pas miel,une caresse vaporeuse, morte très jeune d'une fièvre typhoïde, alors qu'il était à la guerre.

Il vit seul , avec ses souvenirs, il porte «  sa Blanche en bandoulière » elle, son présent , son passé.
il la porte sur son dos, ses adorables seins à l'abri dans sa cage thoracique, elle fourmille dans ses doigts ,s'égosille dans sa gorge...
Anchise est une mémoire, La Blanche ne pèse plus que le poids des murmures, elle, si consentante et si altière .
La mémoire a horreur de ce qui se fige , mange, se goinfre , vieillit , elle fait feu de tout bois , cependant «  La Blanche » , grâce à elle, marche encore dans les jambes d'Anchise.

L'auteure a l'art de rendre cette morosité éblouissante, à l'aide d'une écriture magnifique, lyrique, ciselée, poétique ,sèche mais parfois d'une ampleur bienfaisante, comme parée du vernis chaud du lever du soleil au couchant ....


M. Desbiolles fait renaître l'incandescence d'une après - midi d'amour très lointaine , vivante, colorée, poétique, sensuelle , la lumière flamboyante d'un grand amour perdu autant que la douleur du deuil et de son temps étiré infiniment....

Ce livre court au style remarquable : symphonie de couleurs , d'images , beauté exquise de la nature : abeilles, campagne, étendue de pays plat et découvert, ruisseaux et rivières, fleurs fraîches , temps accumulant les vécus , les vieux, la mort , la guerre, les pierres , les campagnes oubliées, la dureté, du monde , procurent des émotions puissantes au lecteur .

Ces vieilleries confites mêlées à l'odeur «  culottée » de la mémoire sans oublier l'accomplissement morbide de la fin où Anchise a choisi de s'arrêter donnent à cet ouvrage une incroyable beauté ,à la fois intime et universelle.
Grand merci à Sabine qui m'a permise de l'emprunter à la médiathèque.
Une oeuvre qui a reçu le Prix Femina en 1999.
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Un court roman qui a obtenu le prix Femina 1999, et que j'ai découvert par hasard au village du livre belge de Redu ( pour anecdote, j'y ai croisé Benoît Poelvoorde!)

Un texte évoquant la désolation de la vieillesse, de la solitude, dans un hameau de l'arrière-pays niçois. Un texte pourtant de toute beauté. Un style vraiment superbe, tour à tour lapidaire, sec, et poétique, ample, enfiévré. C'est cette belle écriture particulière qui emporte le lecteur, et lui fait aborder l'histoire plombante et triste de facon plus légère.

Blanche et Anchise, quel bel amour trop tôt consumé! Leur envol dans le vent, leur fusion dans l'or des mimosas...Quelle longue attente , après la mort de sa jeune femme, pour cet homme embrasé, quelles étincelles presque éteintes, quelle folie... Tout se brouille, la mémoire, le grand âge dessèche tout. le silence aussi, les voisins à qui il ne parle plus. A quoi bon?

Ce livre pourrait paraître empli de désespérance, il l'est, certes, mais la plume de l'auteure transfigure tout. Une découverte intéressante.
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Désespérant et désespéré, désespérement bien écrit.
Au-dessus de Nice. 12 km ce n'est pas beaucoup comme distance et pourtant. Au bord de la départementale trois maisons se serrent les unes contre les autres. Bien sûr vous ne les avez pas vues ces maisons ou si vous les avez remarquées pour vous elles sont abandonnées. Pourtant ils sont quatre à y vivre. Quatre petits vieux, octogénaires, la Thomas veuve depuis déjà longtemps, venue de l'autre côté de la Méditerranée, les Sasso les plus récemment arrivés et Anchise qui est né dans cette maison, y a passé sa vie et y mourra. Anchise qui a perdu sa femme Blanche voilà si longtemps et vit plongé dans le passé.
La plume de Maryline Desbiolles est une pure merveille mais qu'il m'a été difficile d'affronter la tristesse qui suinte au fil des pages ...
Prix Fémina 1999.
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Mijouet semble avoir le coup de trouver chez Emmaüs des livres annotés.
Peu après avoir lu la critique d'" Anchise" de Maryline Desbiolles que nous avons appréciée de la plume de "MarianneDesroziers", il s'est mis à sa recherche et en a trouvé un exemplaire chez ses copains chiffonniers.

Le début de ce livre n'est pas d'une allégresse délirante loin de là, on est d'accord, Mais lorsque Mijouet découvre sur la page de titre cette note écrite au crayon:

"le 17 dec 99
debut vac. Noël
Je ne supporte plus personne...
Je craque..."

Alors, pour Mijouet, celle-là est difficile à avaler !
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critiques presse (1)
LeMonde
08 mars 2021
Maryline Desbiolles ancre l’initiation à la joie de son héros adolescent dans l’ombre portée du vieil apiculteur créé par elle il y a vingt-deux ans.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Anchise est vieux de tout ce temps qui n'a pas passé pour de bon mais qui s'est incrusté en lui. Il boite plus qu'avant, plus souvent, plus longtemps, il danse sur une patte comme un grand oiseau des marais où on ne sait plus trop où est la terre et où est l'eau, où est la mémoire qui fume comme un brouillard cachant les joncs et les révélant tour à tour, où est ce qui s'invente entre la terre, l'eau et le ciel, qu'on devine plutôt qu'on voit.
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Il nous faut quelque chose qu’on peut mordre, quelque chose qui tienne au corps. Ne sait-on pas que le respect n’est pas l’unique altruisme et qu’à brusquer, on s’expose, on prend, on se donne. Nous en avons assez de ce que nous savons sur nous-mêmes. Qu’on retourne profondément la terre, que tout se retrouve cul par-dessus tête, qu’on exhume toutes les racines, qu’on les tranche, qu’elles jonchent la terre, que tout soit saccagé. Nous en avons assez de ce que nous savons sur nous-mêmes. Nous en avons assez des restaurations, des réhabilitations, des retouches, des remakes, nous avons soupé des savantes restitutions de nous-mêmes. Nous voulons nous perdre, que rien ne nous soit épargné, qu’aucun chemin ne nous ramène au bercail, qu’enfin nous soyons obligés de nous pincer au sang pour constater que nous ne rêvons pas.
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«  L’air autour d'eux palpitait comme la gorge d’un pigeon , affolé, avide, mais dans un incroyable silence non pas parfait mais éclatant , un silence non pas de mort mais du monde encore à naître.
Ils se sentaient tout simplement élus par ce silence comme par l’opulence du parfum qui se déversait à brassées sur eux—- Ils ne doutaient de rien, ils auraient marché pieds nus sur le feu—-
Ce fut là leur voyage de noce » .
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Quand tout est accompli, que la carcasse noircie de la voiture continue d’épingler l’après-midi qui s’éteint, quelque chose se rompt doucement, on s’aperçoit qu’on est pris dedans, dans le vacarme de la campagne qu’on entend enfin, le vent léger dans le peuplier qui tremble, l’impatience des fauvettes, le caquet des perdrix rouges, un merle, une alouette lulu s’échinant à discourir entre les cris hirsutes des geais, l’aboiement des chiens, des voix d’enfants dans le vallon et plus loin l’aigle de Bonelli qui lâche sa plainte brève, aigüe comme une pierre fine, sans compter tout ce qu’on ne sait pas reconnaître ni la moisson crissante des insectes. La campagne c’est cette musique, cette agitation de branches, de feuilles et de cris qui s’enfle et s’architecture quand on ferme les yeux.
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Il s'endormit sous l'aile des mots du vent , sous les grandes plumes du vent qui emporte et qui lave, qui fait étinceler les arbres et les collines et la lumière , oh la lumière, comme si son embrasement couvait jusque là dans le ciel.
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Vidéo de Maryline Desbiolles
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