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Critique de Newsorleanswebradio


Avant que le monde ne se ferme d'Alain Mascaro aux éditions Autrement et qui a obtenu le prix Première plume, car ce roman merveilleux, très abouti, bien écrit, est un premier roman.

Depuis 2019, cet ancien professeur de lettres a tout quitté pour partir en errance sur les routes. Fasciné depuis l'enfance par le peuple tzigane, il a voulu faire l'expérience du dépouillement et, comme son héros, il tente de ne pas renoncer à la liberté dans notre monde actuel qui se ferme.

Voici le résumé de l'éditeur :
« Anton Torvath est tzigane et dresseur de chevaux. Né au coeur de la steppe kirghize peu après la Première Guerre mondiale, il grandit au sein d'un cirque, entouré d'un clan bigarré de jongleurs, de trapézistes et de dompteurs. Ce « fils du vent » va traverser la première moitié du « siècle des génocides », devenant à la fois témoin de la folie des hommes et mémoire d'un peuple sans mémoire. Accompagné de Jag, l'homme au violon, de Simon, le médecin philosophe, ou de la mystérieuse Yadia, ex-officier de l'Armée rouge, Anton va voyager dans une Europe où le bruit des bottes écrase tout. Sauf le souffle du vent.
À la fois épopée et récit intime, Avant que le monde ne se ferme est un premier roman à l'écriture ample et poétique. Alain Mascaro s'empare du folklore et de la sagesse tziganes comme pour mieux mettre à nu la barbarie du monde. »

Le roman raconte comment Anton, ce jeune Tzigane, dresseur de chevaux, épris de liberté et d'espace, a traversé la période noire du génocide des Tziganes par les nazis et a réussi à se reconstruire après les épreuves qu'il a traversées. En cela, on peut comparer son destin à celui d'Ulysse qui, au retour de son odyssée, a dû retrouver sa place à Ithaque…

On se laisse imprégner par les coutumes, la langue, la vision du monde des Tziganes qui vivent le moment présent. Pour eux, « Les livres étaient des prisons pour les mots, des prisons pour les hommes. Les premiers comme les seconds n'étaient libres qu'à virevolter dans l'air ; ils dépérissaient sitôt qu'on les fixait sur une page blanche ou un lopin de terre. » (p.30) et « c'était cela la vraie richesse : ne rien garder, flamber et jeter l'argent par les fenêtres, sans quoi l'argent devenait vite un boulet qui entravait les pas et noircissait les âmes. » (p.35). Pour ce dresseur de chevaux, il faut comprendre que « si tu veux obtenir quelque chose d'un animal domestique, parles à ce qui en lui est encore sauvage… si tu veux obtenir quelque chose d'un homme, parles au Fils du vent qui est encore en lui ; parle à sa liberté, et non pas à tout ce qui l'entrave. » (p. 40)

Oui, ce livre est une ode à la liberté, à l'intégrité, à la vie, au partage, à l'échange.
Bien sûr on voit la mort de tous ses proches dans ce qu'ils appellent « le grand engloutissement » ; bien sûr, l'auteur raconte l'internement d'Anton dans les camps, en particulier à Mauthausen, et cela m'a émue d'autant plus que, près d'ici à l'emplacement du collège actuel de Jargeau, les Allemands avaient construit un camp où étaient détenus des Tziganes et que, parmi les camps de concentration que j'ai eu l'occasion de voir, celui de Mauthausen est celui qui m'a le plus touchée. Dans son récit, Alain Mascaro sait décrire avec justesse le désespoir et les questions de ce jeune Tzigane entravé, amputé de la vie en quelque sorte, car pour lui quoi de pire que l'enfermement et qui plus est dans des conditions aussi atroces ?

Mais nous sommes dans un roman et Anton va renaître à la vie.
Car ce livre est aussi un récit romanesque où la poésie est toujours présente. Les aventures d'Anton se nourrissent de toutes les belles rencontres qui contribueront à changer son destin et, comme lui, tous les personnages qui l'entourent sont bien campés, beaux d'une vraie richesse intérieure.

En lisant ce livre, j'ai pleuré à l'évocation de la captivité d'Anton et, plus tard, de la découverte de l'île de Céphalonie que j'avais connue dans ma jeunesse avec d'autres au sein d'un petit groupe qui vivait proche des habitants, dormant parfois à la belle étoile, découvrant un autre mode de vie dans le respect et l'harmonie. Aujourd'hui ce ne serait plus possible et j'ai ressenti une grande nostalgie…

Sans doute le monde se ferme ; essayons de laisser les portes ouvertes, apprenons à respirer, à apprécier notre présent et laissons la part au hasard et aux belles rencontres.

Et pour moi, celle avec ce livre et avec Alain Mascaro a été belle. Merci, Alain, pour nos riches échanges et merci aux éditions Autrement.
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