Je suis rentrée à pied.
Fière... et honteuse à la fois.
J'aurais pu lui avouer, moi aussi, les lettres que j'écris et que je n'envoie pas.
De ces feuilles blanches et douces que je noircis parfois, soignant mon écriture. De ces mots d'encre qui coulent de mon cœur. Cris silencieux, sans fin, figés sur le papier glacé.
Je n'ai rien dit, pourtant
Secrets, nos rendez-vous.
Sacrés.
Les heures, les jours, les mois se sont succédé sans nouvelles.
Rien.
Alors, peu à peu, doucement, sur la pointe des pieds, l'espoir s'en est allé.
Plus de mots qui apaisent, puis plus de mots du tout.
Le désespoir est muet.
« Disparaître » n'est pas mourir. Ni deuil à porter, ni tombe à fleurir. Juste une absence. Des souvenirs. Et cette attente insupportable... Tantôt l'espoir est là, me tient, tenace. Tu n'es pas morte, je m'en convaincs. Les yeux fermés, je t'entends m'appeler. Ton cri lointain, si distinct néanmoins, vient m'arracher à mon chagrin. Non petite fille, je ne t'abandonne pas. Te chercherai encore. Te trouverai. Ma Paloma. Et tu reviendras parmi nous. Tantôt il s'en va. S'évanouit brusquement. Silence... Plus de combat, plus la peine. Ta voix s'est tue. Je retourne à mes larmes. Pourquoi t'écrire ? Pour échapper à cet enfer. Quitter un instant ce chemin, qui de cimes en abîmes ne mène nulle part, qu'à la folie. Fuir la torture, enfin. Et te retrouver, autrement. Me retrouver aussi
Mais toi, tu connais mon tempérament. Réservée. Solitaire. Je ne sais pas si je suis capable de lutter. J'ai peur de ne pas en avoir la force.
Pourtant j'essaierai… Je te le promets, ma colombe.
Dire que je t'ai donné ce nom parce qu'il est synonyme de paix…
Alors peu à peu, doucement, sur la pointe des pieds, l'espoir s'en est allé. Plus de mots qui apaisent, puis plus de mots du tout. Le désespoir est muet.
Libre, maman. Je me sens libre.
Ma main, déjà, court et s'envole sur le papier. Les mots jaillissent, l'un après l'autre, du fond de ma mémoire, et notre histoire, si douloureuse, sort de ma chair, pour apparaître enfin, dans la lumière.
Elle a osé défier la mort de la pointe de son pinceau. Avec des couleurs vives et le talent d'aimer. Se souvenir, donner.
Huit ans.
Huit ans, petite colombe, qu'ils t'ont assassinée.
Huit ans de désespoir, huit ans de dignité.
Huit ans, cent ans, mille ans.
Mille ans d'impunité.
Tu n'as plus de pays que celui de mon coeur.
Où vont les pensées qui s'envolent, les pensées des enfants?
Est-ce que les oiseaux les emportent, au loin dans le soleil, sur leurs ailes de feu?