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Critique de AMR_La_Pirate


Dans les bibliothèques des anciennes chambres de mes enfants, il reste encore beaucoup de livres qu'il m'arrive parfois de relire. Ainsi, j'ai retrouvé ce très court roman épistolaire de Véronique Massenot, publié pour la première fois en 1998, Lettres à une disparue.

Dans un pays d'Amérique Latine qui n'est pas expressément nommé, sous un régime dictatorial, Melina pleure la disparition de sa fille, Paloma, de son gendre et de sa petite-fille, arrêtés ensemble par la police, littéralement enlevés, et dont elle n'a plus de nouvelles.
Les années passent et la douleur prend le pas sur l'espoir… Melina entame alors une correspondance à sens unique avec sa fille disparue, pour garder le lien, rester vivante. Elle mêle des détails de sa vie quotidienne actuelle et des souvenirs du passé heureux ou tragiques, se remémorant l'enfance de sa fille et les moments de bonheur en famille mais aussi ses états d'esprit lors de l'arrestation de Paloma, donnant des précisions sur la situation politique et sociale de son pays, racontant sans filtres les parcours de celles et ceux qui ont aussi été arrêtés(e), torturé(e)s et qui sont revenu(e)s. Il est aussi question des vols d'enfants de prisonniers, adoptés par des familles de militaires ou de miliciens et des procès à l'issue desquels certains enfants ont pu retrouver leur vraie famille.
« Disparaître n'est pas mourir »… Il est impossible de faire un travail de deuil ou de résignation et le yo-yo de l'espoir et de l'attente, du combat quotidien et de l'abandon est épuisant et mortifère. Écrire à la disparue devient une façon de continuer à exister, à tenir un rôle de mère et de grand-mère envers et contre tout, à puiser du courage. Peu à peu, les lettres tiennent lieu de journal d'enquête.
Le dénouement aussi sera épistolaire ; je ne veux rien divulgacher ici, sinon dire que l'émotion est au rendez-vous, que le lien rétabli avec la fille disparue va perdurer au-delà de la mort, dans une mémoire trans-générationnelle qui passe par les femmes qui vont se transmettre les lettres.

L'écriture allie la banalité de la vie et la transcendance de l'amour maternel. le style est sobre et naturel, sans pathos excessif ; l'auteure pose des faits et montre comment ces faits bouleversent la vie des individus sans porter de jugement. Mais, sous des dehors de lecture facile, ce court roman d'à peine quatre-vingt-dix pages est très dense, notamment autour de tout ce qui touche à la résilience, au désir ou non désir de vengeance, à la nécessité de se reconstruire et de grandir avec un vécu que l'on ne pourra jamais effacer.
L'enquête menée par Melina et son mari pour savoir ce qui est réellement arrivé à leur fille et à leur petite-fille devient peu à peu le moteur essentiel de la correspondance : la mère rend compte à sa fille disparue de ses avancées et cela donne de l'énergie et du rythme à l'ensemble du récit
Les lettres de Melina, non datées, sont intemporelles et universelles. Elles ont valeur de témoignage, de mise en lumière d'évènements historiques lointains par la distance mais pas si éloignés que cela dans le temps ; pour le Chili, par exemple, les méfaits de la dictature remontent aux années 1970-73 ; pour l'Argentine, c'est juste après vers 1976-83… Je ne sais pas si les collégiens de 2020 savent ce qui s'est passé dans ces deux pays : c'est peut-être l'occasion de faire des recherches si le rapprochement ne se fait pas d'emblée pour eux.

Un excellent roman, ciblé pour la jeunesse, mais à lire et relire en famille, propice aux discussions…

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