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Critique de Henri-l-oiseleur


Contre ceux qui croient comprendre un livre par la vie de son auteur, Proust écrit : " La fameuse méthode ... qui consiste à ne pas séparer l'homme et l'oeuvre, à considérer qu'il n'est pas indifférent pour juger l'auteur d'un livre ... [de] s'entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, collationner les correspondances, interroger les hommes qui l'ont connu ... cette méthode méconnaît ce qu'une fréquentation un peu profonde avec nous-même nous apprend : qu'un livre est le produit d'un autre /moi/ que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c'est au fond de nous-même, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir. Rien ne peut nous dispenser de cet effort de notre coeur." ("Contre Sainte-Beuve").

C'est pourtant par les relations sociales et extérieures que l'universitaire spécialiste de GidePierre Masson analyse dans ce mince volume l'amitié manquée qui faillit advenir entre Marcel Proust et André Gide, à l'occasion du refus par Gallimard et par Gide de publier "Du côté de chez Swann". Cette énormité éditoriale est à l'origine d'une correspondance et de rencontres entre les deux écrivains, que rapprochaient l'amour de l'art, la classe sociale, les fréquentations et l'homosexualité. Cette dernière aurait plutôt dû éloigner Proust de Gide, tant ils s'opposaient l'un à l'autre par leur façon de vivre et d'assumer la chose. Pierre Masson analyse toutes les pièces du dossier, du plan de la politique éditoriale aux aspects les plus personnels, allant jusqu'à l'analyse quasi-freudienne des rêves de Gide, avec finesse et dans une langue plutôt agréable. Son ouvrage est sans médiocrité et d'excellent niveau, sans jargon ni faiblesse.

Le lecteur, revenu de son voyage dans cette France culturelle des années 10 et 20 du XX°s, et condamné à marcher dans du Despentes ou du Springora, se demandera ce qui a bien pu se passer en si peu de temps, en un siècle (pour une civilisation, qu'est-ce qu'un siècle ?) L'auteur le signale au passage : la prise de pouvoir du journalisme dans la culture. Ce livre ne fera pas beaucoup progresser dans la compréhension de Proust (finalement, il importe peu que l'auteur de la Recherche ait été homosexuel), mais les oeuvres de Gide ressortent éclairées et replacées dans un contexte qui les explique. Que l'opération Masse Critique et les éditions des Presses Universitaires de Lyon soient remerciées.
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