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sur 534 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
On dit communément que les gens heureux n'ont pas d'histoire.
Que se faire conter les malheurs d'autrui est bien plus vendeur, alors que le bonheur est d'une grande banalité.
Cela explique peut-être l'addiction de lecture que ce livre tristement émouvant procure.

Hattie a eu des enfants et petits-enfants. Ils sont ses tribus, issus de la Grande Migration vers un rêve américain possible.

Dès le premier chapitre d'une puissance dramatique à vous donner un uppercut, Hattie apparait telle la mère nourricière, éreintée mais férocement responsable de ses maternités à répétition.

Sur plus de cinquante ans, les histoires personnelles des descendants vont se décliner en s'emboitant, dans un florilège de déveines et de crises personnelles qui laisse pantois.
Les hommes y sont irresponsables, fainéants, menteurs, joueurs, alcooliques, violents. Les femmes isolées, trompées, abandonnées, sans le sou pour nourrir, habiller, éduquer.

Hattie, froide et distante, tente de garder la tête hors de l'eau, en dépit d'années de vie d'épouse sans bonheur. "Elle est robuste comme un cheval de labour". Sa seule volonté est de garder vivants les enfants qui lui restent, ne pas leur offrir de tendresse pour les armer pour les difficultés de la vie.
Sa rage silencieuse est le seul geste d'amour maternel qu'elle est capable de montrer.

Voici donc le monde sans joie d'Hattie, mère douloureuse de la communauté noire américaine, dont la famille participe à l'histoire de ce pays: sud raciste et ségrégationniste, tentes de prédicateurs, essor de la middle-class noire citadine, bars enfumés et salles de jeux, complexité des relations interraciales, guerre du Vietnam.
On y évoque l'adultère, l'homosexualité, la religion, les pulsions interdites, l'abandon, l'adoption, la maladie et la guerre.

Un livre sombre, très ambitieux pour un premier roman, qui dégage une force dramatique parfois excessive mais assumée, portée par une aisance sans artifice dans l'écriture.
Un livre difficile et éprouvant, riche d'émotions, qui trouble autant qu'il fascine.
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Les douze tribus d'Hattie , c'est peut-être un premier roman, mais quel roman !!

Ayana Mathis signe un roman qui s'ancre parfaitement dans la tradition littéraire afro-américaine. On sent les influences qu'elle a pu avoir, mais de là à dire que c'est une nouvelle Toni Morrison, ou voir Toni Morrison dans son récit, ce serait ne pas rendre justice à cette auteure qui a tout de même créé un style qui lui est propre.
L'auteur nous fait le portrait minutieux de plusieurs moments de vie (ou de morts) significatifs des 10 enfants d'Hattie, et de sa petite fille. Cette histoire est présentée avec une écriture très limpide, un ton juste et des analyses parfois très fortes et sans concession.
Le tour de force d'Ayana Mathis vient entre autre du fait que le personnage éponyme de son roman est vu, la plupart du temps, à travers les yeux de ses enfants. Heureusement, le narrateur omniscient permet d'équilibrer des visions un peu tronquées de certains personnages.

Avec ce roman, Ayana Mathis peut directement prétendre à jouer dans la cour de ses pairs car avec les personnages complexes et réalistes qu'elle a créés, elle inscrit les Noirs dans L Histoire des Etats-Unis, de la ségrégation (avec ses conséquences) aux années 1980, en passant par la guerre du Viet Nam. Toutefois, c'est quelque peu malhonnête de dire une telle chose, car ce roman a une portée bien plus grande. S'il est vrai qu'elle analyse avec beaucoup de minutie les spirales d'échecs et les raisons qui ont fait que certains Noirs n'ont pas réussi à se sortir de leur condition, le propos de l'auteur a aussi une dimension universelle dans la mesure où ce roman nous parle de transgressions. Et le plus souvent, de transgressions qui tournent mal…

Hattie Shepherd brise plusieurs codes de la littérature "mainstream" américaine : c'est une figure du sacrifice de soi, une Mère Courage qui se bat pour la survie de ses enfants et ne se laisse guider que par cela même si pour cela elle doit s'oublier. Mais avec ce portrait maternel, on est bien loin de la Vierge tenant l'enfant Jésus dans ses bras, débordante d'amour et de tendresse. Non, Hattie n'est pas une mère parfaite. Les enfants Shepherd craignent leur mère. Quant au père, disons-le clairement, c'est un minable, incapable de prendre en charge sa famille et de subvenir à ses besoins, préférant de loin les soirées entre amis qui finissent dans le lit d'une inconnue.
C'est donc Hattie le "berger" (shepherd) qui guide cette famille tant bien que mal et se bat pour la survie de chacun avec les armes qu'elle possède, contre leur plus grand ennemi : la misère. Hattie n'est donc pas une victime, bien que le fait d'être une femme noire l'exclu doublement de la société où elle vit - et si vraiment le lecteur voulait faire d'elle une victime, elle ne l'est que de ses choix ; mais elle affronte les conséquences avec tant de dignité...
Et comme les 12 tribus formée par les enfants de Jacob, les 12 tribus d'Hattie créeront la société moderne.

Petite anecdote pour finir : j'ai eu "la flemme" comme on dit, de lire le roman en anglais, et en terminant la lecture : je m'aperçois que ce livre a été traduit par un prof que j'ai eu la fac ! Un très bon prof, très calé , très exigeant et pointilleux ; avec des allures peut-être un peu bourrues parfois, mais c'est l'un des rares qui en dehors des salles de cours doit être quelqu'un de fréquentable car il n'avait pas la grosse tête. Je pensais que ça valait la peine de le signaler étant donner le peu d'estime que j'ai pour cette institution ( façon française) - la preuve qu'il ne faut jamais mettre tout le monde dans le même sac !
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Avec sa peau claire et son énergie débordante, Hattie, fraichement débarquée de Géorgie à Philadelphie en 1923, pouvait espérer une vie meilleure que celle de ses parents, marquée par le racisme et la ségrégation.
Oui mais voilà, Hattie se retrouve à 16 ans implacablement embarquée dans le piège de la maternité et d'un mariage subi plus que choisi : mère à 17 ans de deux jumeaux, elle devra également affronter leur mort tragique à 7 mois dans un premier chapitre féroce qui marque le début du malheur et des désillusions.
Hattie aura 9 autres enfants et une petite-fille, 10 enfants donc, qu'elle n'aura de cesse d'empêcher de mourir… tout son amour maternel s'emploiera à les nourrir et à les habiller malgré la pauvreté, malgré un mari sur lequel elle ne peut pas compter…
Dans une construction originale, chaque chapitre donne voix à l'un des enfants d'Hattie, dévoilant un pan de sa vie ainsi que ses rapports à sa mère et à sa famille : un kaléidoscope qui peu à peu forme le portrait d'Hattie, une femme courageuse, malheureuse, dure et ambigüe, marquée par son destin, par la difficulté d'être mariée à un bon à rien gentil mais paresseux, qui n'a que deux qualités : il aime ses enfants et il ne la bat pas… Piètre satisfaction pour une femme fière et orgueilleuse qui avait une grande ambition, celle d'acheter une maison.
Alors certes, le spectre du racisme recule, mais à chaque nouvelle grossesse, celui de la misère augmente.
A travers l'histoire poignante d'Hattie et de sa famille, c'est également un pan d'histoire du peuple noir américain que l'on découvre, de 1920 à 1980, des deux cotés de la ligne Mason-Dixon qui depuis la guerre de Sécession séparait les états esclavagistes du Sud des états abolitionnistes du Nord.

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En exergue:
"Et vous vous êtes tous approchés de moi et avez dit: Nous enverrons des hommes devant nous, et ils reconnaîtront pour nous la terre , et ils nous feront un rapport sur le chemin par lequel nous devons monter et sur les villes où nous arriverons. Et cet avis me parut bon; et je pris douze hommes parmi vous, un par tribu".
Deutéronome

Dans un entretien, Ayana Mathis dit avoir écrit ce roman en pensant à sa grand-mère qui, comme Hattie, a fait partie de la grande migration de 1910 à 1940.Plus d'un million d'Afro-Américains sont montés du Sud vers le Nord pour y trouver du travail. Cette grand-mère était une femme qu'elle qualifie de stoïque. Mystérieuse et complètement silencieuse. Ayana Mathis a essayé d'imaginer ce qui se cachait derrière ce silence perturbant, à travers un très beau portrait de femme qui n'est pas linéaire, mais raconté de façon fragmentée à travers des bribes de vie de ses enfants, entre 1925 et 1980.

En arrivant à Philadelphie, la très jeune Hattie a eu l'impression de commencer à vivre. Elle n'a pas " vécu" comme elle l'aurait souhaité longtemps. Un faux pas avec un voisin dont elle est amoureuse, qui l'abandonne très vite, elle se retrouve avec des jumeaux , et un mari qui n'en est pas le père. L'hiver de Philadelphie aura raison des deux bébés , et la mort des jumeaux , dans le premier très beau chapitre, semble la glacer à jamais sur le plan affectif. Car des enfants, il faut déjà pouvoir les maintenir en vie..
C'est en tout cas ce qui sera ressenti par ses enfants , qui vont payer pour cela plus ou moins lourdement. le chapitre le plus déchirant est sans doute celui qui raconte la guerre de Franklin au Vietnam, mais toutes les histoires sont intéressantes et souvent très émouvantes.
Et les hommes dans tout cela? Et bien.. assez faibles, peut être, oui. Jamais méchants, bien au contraire. Dépassés ...
Hattie s'est vite aperçue que quitter un homme pour un autre n'allait pas lui apporter grand chose dans ce qu'elle recherchait, en fait, la sécurité pour elle et ses enfants. C'est une femme forte extérieurement, Hattie, mais pleine de failles, de désirs, de besoins et très vite consciente qu'ils ne seront pas comblés, ce qui l'aigrit encore davantage. Et ce que les enfants voient, c'est l'aigreur. La dureté de leur mère.

Dans les remerciements à la fin du livre, Ayana Mathis parle bien sûr de l'influence de Toni Morrison. Mais si on ne peut la nier, l'écriture d'Ayana Mathis est beaucoup moins dense, moins chargée d'une rancune tout à fait légitime. du temps a passé..
C'est un portrait de femme qui appartient à la communauté afro-américaine, mais ce portrait a une valeur plus universelle.Un portrait de ces femmes qui n'ont eu aucun autre choix que de subir et de faire face. En l'acceptant, ou non, et le problème d'Hattie, c'est sa révolte , et que peut -elle en faire? Plus tard...

"Ils ne comprenaient pas que tout l'amour qu'elle avait en elle était accaparé par la nécessité de les nourrir, de les habiller et de les préparer à affronter le monde. le monde n'aurait pas d'amour à leur offrir; le monde ne serait pas gentil.
.....Elle n'était pas âgée au point de ne pas survivre à un nouveau sacrifice. Elle mit le bras autour de l'épaule de Sala et l'attira contre elle. Elle tapota le dos de sa petite-fille avec une certaine rudesse- elle était si peu habituée aux démonstrations de tendresse."

Un beau premier roman.
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Les éditions Gallmeister, merci, merci, merci...une nouvelle fois, je suis conquise par une de vos brillantes sélections !
Un récit puissant et intense, qui prend des allures de fresque familiale, touchante, gravitant autour du personnage d'Hattie, une jeune fille au début du roman, qui fuit sa Géorgie natale, ségrégationniste, pour s'installer à Philadelphie. Elle y devient une épouse, une mère ... une femme armée d'un courage admirable, que nous constatons au fur et à mesure que les pages, les chapitres, dressant les portraits de ses douze enfants, "douze tribus", s'égrainent, rapidement tant ses portraits nous happent. Des histoires qui dressent aussi le portrait d'une Amérique au XXème siècle; il y est question de racisme, de musique, de moeurs, de folie aussi, de condition des femmes, de difficultés à surmonter un quotidien où l'argent se fait rare. de drames.
L'entame du livre est troublante, marquante pour nous lecteurs, pour Hattie, confrontée à une situation douloureuse qui la conditionnera, la façonnera, détruira toute propension en elle à aimer, à chérir ...
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Philadelphie, 1925, fraichement débarquée de sa Géorgie natale, Hattie, 17 ans, assiste impuissante à la mort de ses jumeaux, bébés de quelques mois emportés par une pneumonie aigüe. Après ce drame elle donnera naissance à onze enfants, cinq garçons et six filles, et pourtant pas un seul jour ne se passera sans qu'elle ressente l'absence des deux nourrissons.

Hattie, concentrée de mère courage, tendre et violente à la fois, mère et femme imparfaite, traversera le siècle, se battra pour rester vivante et pour maintenir en vie ses enfants. Elle le sait : « elle doit les préparer à affronter le monde, et le monde n'a pas d'amour à offrir, le monde n'est pas gentil.. » Elle ne devra rien attendre d'August, son mari, géniteur passif et bon à rien.

L'arbre généalogique d'Hattie et d'August Shepherd se déploie en douze tribus qui vivront la pauvreté, la ségrégation, la folie, la guerre mais aussi la solidarité, la révolte, la réussite, la condition homosexuelle, le jazz et mettront à l'épreuvece lien maternel si fragile et, si puissant.

Dix nouvelles, autant de destins, qui forment un formidable premier roman. Ayanna Mathis maitrise parfaitement son écriture, elle évite le mélo, le pathos et la facilité, en retraçant la vie des onze enfants et d'une petite fille d'Hattie, elle ne nous raconte rien de moins que la douloureuse et difficile intégration du peuple Afro-américain dans l'Amérique du XXe siècle en construction"
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Lorsqu'Hattie épouse August, en 1923, elle n'a que 16 ans. Ensemble, ils fuient la Géorgie pour en finir avec les brimades des blancs. Direction Philadelphie avec l'espoir d'une vie meilleure, plus juste.

« Et il y eu tant de bébés : des bébés qui pleurent, des bébés qui commencent à marcher, des bébés à nourrir, des bébés à changer. Des bébés malades, des bébés brulants de fièvre ».

Onze enfants sont nés de l'union d'Hattie et à travers leur histoire Ayana Mathis va brosser soixante ans de vie d'une famille Américaine.
À travers de petits moments de vie de chacun de ses enfants, c'est le portrait d'une femme, belle et forte bien que maintes fois éprouvée par la vie que nous offre Ayana Mathis en la personne d'Hattie Sheperd.
Un roman fort qui vous tord l'estomac et parvient à vous broyer le coeur sans aucun pathos ni larme futile.
Un petit bijou de premier roman et une auteure à suivre

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Années 20 à Philadelphie. La jeune Hattie a fui le sud rural et sa ségrégation pour ce qu'elle espère une vie meilleure et plus libre dans le nord. Ce roman nous fait découvrir son histoire par la voix de ses 11 enfants et de sa petite-fille qui au fil des années et des moments particuliers nous racontent chacun l'histoire de leur famille.

Le premier chapitre de ce roman, consacré aux jumeaux premiers-nés d'Hattie et à sa bataille pour les sauver d'une pneumonie avec les moyens dérisoires dont elle dispose faute d'argent et de médicaments, est juste bouleversant. Pas un mot de trop, le récit brut de cette jeune mère, loin de sa famille et des siens qui se bat, terrifiée, contre la maladie et pour ses enfants qu'elle aime plus que tout. Alors que je m'attendais à adorer ce livre, j'ai malheureusement été un peu déçue par la suite

Le procédé narratif est original et aurait pu être très réussi. Il consiste à donner la parole successivement aux enfants (puis petit enfant) de Hattie qui vont chacun raconter une tranche de leur vie, égrenant ainsi leur histoire sur toute la durée du XXe siècle. Hélas ces chapitres ont très peu de liens entre eux : comme dans un roman choral, on aurait apprécié d'y recroiser les frères et soeurs entraperçus précédemment, or chaque histoire est quasi indépendante des précédentes et se focalise sur un seul enfant avec en trame de fond le personnage clé de sa mère, Hattie. On a parfois plus l'impression de lire des nouvelles qu'un roman et cela oblige à chaque chapitre à faire l'effort de comprendre qui parle, quel est le contexte et comment cette histoire s'inscrit dans le récit global puisqu'il s'écoule près de 60 ans entre le début et la fin du roman. Ce qui m'a le plus gênée est que chaque chapitre décrit une histoire dramatique : violence, alcoolisme, viol, guerre, maladie, folie... rien ne sera épargné à cette famille et même si bien entendu leurs conditions de vie étaient extrêmement difficiles on aurait pu espérer qu'au moins un des enfants s'en sorte et ait une vie correcte, et surtout l'accumulation de drames finit par lasser et paraître artificielle. Mon intérêt a donc fluctué au fil des chapitres, certains étant beaucoup plus réussis que d'autres.

Ces points négatifs mis à part (je me rends compte que j'ai commencé par les défauts sans parler du positif... sans doute parce que j'attendais beaucoup plus de cette lecture et que j'ai fini un peu déçue !), ce roman reste un magnifique témoignage de la vie d'une famille noire dans une Amérique en proie à la ségrégation et au racisme et sans pitié envers les plus faibles. L'auteur nous fait traverser avec talent toute l'histoire du XXe siècle aux Etats-Unis et réussit de magnifiques portraits d'hommes et femmes en proie aux difficultés de leur époque. le plus beau portrait est celui de Hattie, mère courage, tenant bon malgré les tempêtes, prête à tout sacrifier pour ses enfants et pourtant (ou à cause de cela) paraissant souvent froide et sans coeur à force de devoir tout porter sur ses épaules, les difficultés de la vie mobilisant toute son énergie au détriment des démonstrations d'affection et des bons moments. Les dernières pages où après avoir élevé toute sa tribu elle se retrouve en charge de sa petite fille sont particulièrement émouvantes et justes et font écho à ce premier chapitre si terrible.

Une lecture un peu en demi-teinte pour moi mais un auteur qui sait trouver les mots justes et nous émouvoir, à suivre pour ses prochains romans.
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Voilà un premier roman d'une force inoubliable. Hattie débarque donc de sa Géorgie natale à Philadelphie. Dès sa sortie de la gare, elle sait qu'elle ne retournera pas dans le Sud raciste, quoi qu'il arrive. Elle perd très vite sa mère et ses soeurs (la première meurt, les autres retournent en Géorgie), elle épouse August, un ouvrier, alors qu'elle a seize ans. Des jumeaux naissent, Philadelphie et Jubilee, de beaux bébés aux prénoms qui incarnent le rêve de nouveauté de la jeune mère. Ce premier chapitre du roman est déchirant : les enfants attrapent une pneumonie en plein hiver et on assiste, aussi impuissants qu'Hattie, à leur agonie dans une salle de bain à l'ambiance apocalyptique. Hattie ne se remettra sans doute jamais de cette mort, toute sa vie elle s'enveloppera de solitude et de rudesse pour affronter la vie sans espoir que lui procure August, qui change sans cesse de travail, dépense l'argent du ménage en soirées et en maîtresses. Et pourtant ils restent ensemble, et pourtant Hattie tente d'économiser un peu pour réaliser son rêve, acheter une petite maison.

Ce ne sont pas les neuf autres enfants qui naîtront de ce mariage qui guériront Hattie mais au fil des chapitres qui nous les font connaître, de 1923 à 1980, avec l'évolution de la société américaine, on découvre la vie de la famille, la pauvreté dans laquelle ils ont vécu enfants. Chacun des enfants, malgré ses tentatives de partir, de s'éloigner, voire de couper les ponts – ou même de retrouver le Sud -, est marqué par la rigueur maternelle. Certains en perdent même la raison. Mais on comprend aussi qu'Hattie n'a pas eu d'autre choix que de se montrer si rude car elle devait avant tout protéger ses enfants, tenter de survivre avec et pour eux et il n'y avait pas de place pour la tendresse dans cette survie. Mais Hattie a tenu bon, elle aura connu une longue vie et sa colère s'adoucira un peu grâce à sa petite-fille Sala.

Ayana Mathis a réussi un coup de maître avec ce premier roman longuement élaboré. Hattie n'est pas particulièrement attachante, forcément, mais les événements de sa vie et de celle de ses proches nous attachent à cette femme qui rêvait de liberté et à ses douze tribus.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Les douze tribus d'Hattie sont les cinq fils, les six filles et la petite fille de cette femme afro-américaine, qui, très jeune quitte le sud ségrégationniste des Etats Unis pour s'établir et fonder une famille dans le Nord près de Philadelphie.

Ayana Mathis construit son roman à la manière d'un recueil de nouvelles. le personnage de Hattie est le fil conducteur de ces différents récits. Ils racontent la vie de chaque enfant tout en composant le portrait en creux de leur mère et de son existence âpre et douloureuse. La composition est passionnante et parfaitement maîtrisée; il y a beaucoup de lumière et d'amour sous les pas pesants de Hattie.
Lien : http://bevanhalennebzh.over-..
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