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Critique de Kirzy


Je referme cette lecture heureuse que mon a priori un peu négatif ait été infirmé. En lisant la quatrième de couverture, j'ai un peu levé les yeux aux ciel : encore un énième roman français sur une famille dysfonctionnelle racontée par la mère. Soit. Rien de neuf en ce qui concerne la thématique mais un regard d'une grande acuité pour un portrait familial finalement très cruel et désenchanté sans pour autant sombrer dans la noirceur ou l'ironie. Un bel équilibre.

Ce que j'ai le plus apprécié, c'est la caractérisation de chacun des membres de la famille, tous présentés dans leur complexité et dans le souci de fouiller très précisément la psychologie de chacun. 

La mère. Esther. A travers elle, Alexandra Matine compose un très beau portrait de femme qui, à la soixantaine, réalise que sa famille qu'elle a cru construire n'est pas soudée comme le voudrait. Fragile et vulnérable. Ses quatre grands enfants se sont éloignés d'elle, surtout du père, un tyran domestique. A peine se voit-il aux grandes occasions, rarement tous ensemble.

Les quatre enfants.

Alexandre, le fils préféré du père qui a eu des attentes démesurés pour le mettre à son moule : « Il n'avait pas le choix. C'était lui sur la ligne de front et pour toujours, c'était son rôle de protéger les autres. de se mettre en avant, d'attirer la lumière. Parce que l'ombre protège de l'astre puissant qu'est le père. Un astre qui brûle, abime, réduit. Une lumière qui poursuit implacable au milieu du désert ».

Bruno, qui a poussé dans l'ombre du grand frère, ignoré : « Il lui semblait qu'il avait vécu toute son enfance, là, derrière cette porte entrouverte, dans le silence, retenant sa respiration et espérant que se tairaient un jour les cris d'admiration de son père et des adultes pour Alexandre. »

Vanessa, la « grande dernière », celle à qui Esther ne pardonne pas d'être partie à 18 ans en Australie, de l'avoir rejeté alors qu'elle ne faisait que vivre sa vie entre insouciance et égoïsme : « Les absences, pour Esther, ce sont les creux que Vanessa a laissés. Des trous béants dans lesquels elle tombe parfois, au hasard d'une balade dans Paris, d'un parfum, du scintillement d'un objet. Elle cède à l'appât du vide, espérant y retrouver des traces de leur passé. »

Et puis, Carole, la soeur aimée, bien laide par rapport à l'aura de sa petite soeur, celle qui dès qu'elle a la parole part en monologues logorrhéique, trop heureuse d'être entendue, juste un peu.

Tout est juste dans la radiographie de cette famille qui s'évite pour garder les non-dits non dits. Ou la famille comme cage dans laquelle on est enfermé toute sa vie sans pouvoir la choisir : jalousies et conflits entre frères et soeurs, peur de décevoir, angoisse de voir s'éloigner les enfants, silences pesants ... il n'y a aucun secret à déterrer, juste des membres d'une famille obligés de cohabiter ensemble à certains moments.

Dans ce premier roman intimiste très réussi, je regrette juste quelques systématismes de l'auteure qui peuvent donner un côté répétitif. D'abord l'image de la tapisserie tissée comme métaphore de la famille, trop récurrente. Et puis, un procédé narratif, très théâtral ( un coup de fil, un enfant qui annule sa venue à un déjeuner ) qui aurait gagné à être cassé.

Lu dans le cadre du collectif les 68 Premières fois
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