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EAN : 9782880864880
200 pages
Olizane (06/06/2019)
4.4/5   5 notes
Résumé :
Traduction commentée du journal de voyage de Matsuo Bashô, l'un des quatre maîtres classiques du haïku japonais, publié en 1689.
Le poète y évoque chaque étape de ses déplacements dans son archipel, suivi d'un haïku pour cristalliser ses émotions.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Journal de voyage de Bashô, dans le Japon du XVIIe siècle, parsemé de haïkus inspirés au débotté des paysages traversés. Chaque chapitre est suivi d'un commentaire du traducteur. Fichtre ! Barbe ! Poisse ! une exégèse me dis-je, craignant mille et une chinoiseries infligeant d' innombrables camouflets à ma quichitude ; mais non, au fur et à mesure de la lecture mon intérêt s'est même paradoxalement inversé entre le texte originel et ces commentaires piquants sur l'histoire du Japon.


Ces haïkus de voyage sont à apprécier comme des polaroids métaphysiques ; une vision étreint Bashô, il s'immobilise en héron, et un serpentin de mots baptise cet instant unique. Une redoutable banalité apparente, tout en étant allusive jusqu'au sibyllin : il faut savoir percer les voiles exigeants de l'extrême simplicité, sans quoi ils feront l'effet juste agréable de la rosée sur un Anatidé de type mandarin sans parvenir à toucher le sous-duvet.

J'avoue avoir préféré d'autres styles de haïkus plus pétaradants , j' y carminais, voire pamoisais sous l'effet d'une sauce samouraï premier choix, celle des 17 syllabes au goût définitif .
Prévoir donc de retravailler son hosomi ( l'amour des choses humbles) ainsi que le wabi-sabi ( wabi, plénitude et modestie devant la nature; sabi, nostalgie devant la patine du temps), sans oublier le shiori ( suggestions qui émanent du poème) pour en apprécier tout le suc.


Il n'empêche que les siècles qui nous séparent de Bashô fondent sans effort , quand ses émotions s'embrassent finement aux pins ondulants, aigles glissants, cascades frémissantes.

‌Si l'on devait encore raccourcir cet extrême du concentré qu'est le haïku ce serait : un point d'exclamation .
Un unique point d'exclamation devant le monde .
Par quelques mots, il libère les sensations engourdies, les émotions incongrues devant un clapotis, un pied d'insecte.


Extrême élégance aussi des joutes verbales qui rivalisent de beauté et d'habileté, exploits métaphoriques. Comme il nous tarde de voir nos chefs du monde s'infliger de cruelles estocades d'éloquence et plier le genou devant la maestria manifeste et incontestée de leur adversaire.


Ce livre nous instruit encore sur les relations du Japon entre ses diverses contrées, notamment des populations très hétérogènes comme les Aïnous, ou avec les autres pays, au cours des 1000 dernières années. On est surpris de voir la vivacité du commerce et l'intrépidité des voyageurs. L'arrivée de quelques samouraïs à Saint-Tropez en 1615 fit par exemple son effet ( baguettes, mouchoirs en papier, sabres ! ), pendant que d'autres firent souche à Séville où se trouvent toujours leurs descendants.
Ceci avant que le Japon ne se referme à l'influence extérieure, en particulier celle des missionnaires, rabattant silencieusement les pans du palanquin .

Merci à Babelio et aux éditions Olizane pour ce beau voyage à travers les yeux de Bashô et ce panorama du Japon archaïque .
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Ce livre des éditions genevoises Olizane, avant même d'être plaisant à lire, est plaisant à regarder, avec sa couverture zoomant sur un paysage maritime japonais, tiré de l'estampe "Le moine fou de la lune" de Kitagawa Utamaro. Cela commence bien, et la suite impressionne par le travail colossal réalisé par le traducteur et auteur Jean-Marc Chouvanelle, que j'appellerai ici notre guide, par commodité.

Quitte à être un peu long en introduction, l'ouvrage resitue Bashô dans la période d'Edo (l'ancienne Tôkyô, pour mémoire), puis son art du haïku dans l'histoire de la poésie japonaise, le waka. Cela va du recueil du Manyoshû au 7ème siècle, dominé par quelques figures masculines encore assez mal identifiées, aux illustres poétesses du temps de Heian (l'ancienne Kyôtô), Murasaki Shikibu et Sei Shonagon, puis à la révolution du haïku, expression elliptique d'un dépouillement ultime.

Notre guide prend ensuite quelque 40 pages pour nous plonger dans la biographie de Bashô, le père du haïku. Ce jeune surdoué, né Matsuo Kinsaku, édite déjà une anthologie de ses courts poèmes en 1662, à l'âge de 19 ans. Fils de samouraï, il prend le nom de Matsuo Munefusa, mais renonce finalement à son clan pour devenir poète et gagner Kyôto. Après avoir continué de publier sous de nouveaux noms d'emprunt, il finit en 1680 par se fixer sur celui passé à la postérité, après que certains de ses disciples eurent décidé de planter sur sa propriété un bananier (bashô), plante nouvellement introduite au Japon. Son talent hors du commun lui conféra une aura remarquable auprès d'un foisonnement de disciples. En 1689, Bashô entreprend avec quelques-uns d'entre eux un grand périple au travers du Honshû, de Edo jusqu'aux contrées du Tohokû en remontant la côte est, avant de rejoindre la côte ouest et la bourgade de Kisagata, puis de rentrer en longeant cette côte vers le sud et le Hokuriku, jusqu'à Ogaki, près de Nagoya.
Chacun des disciples littéraires de Bashô est en outre présenté largement. Trop peut-être, au risque de quelques longueurs...

Puis vient le coeur de l'ouvrage, le récit de son voyage (Kikô) que Bashô nous livre ici, ponctué de haïkus, finalement parcimonieux, mais cela ne gâche en rien le plaisir dès lors qu'on ne s'y trompe pas a priori : le présent ouvrage n'est pas un recueil de haïkus, ce n'est pas son objet. Si c'était ce que l'on cherchait, on ira voir avec grand bénéfice du côté de l'intégrale de ses haïkus chez Points Seuil. Une fois la carte du voyage présentée, on découvre donc le récit de chacune des étapes qu'en fait Bashô. le texte est présenté en langue japonaise et traduit en français sur la page en vis-à-vis, ce qui est très appréciable quand on ambitionne une démarche d'apprentissage ou perfectionnement de la langue nippone. S'ensuit un commentaire, plus ou moins long, souvent long d'ailleurs, de notre guide pour nous aider à comprendre ce qu'a voulu dire Bashô, en resituant le contexte évoqué, notamment les lieux et personnages cités et leur histoire. Il y déploie l'étendue de ses connaissances monumentales sur l'histoire ancienne du Japon, notamment politique, religieuse, culturelle. C'est souvent passionnant, le lecteur en apprend énormément, tant sur les jeux de pouvoir des daimyo et shôgun contemporains de cette époque, les Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et la lignée des Tokugawa, unificateurs du pays, que sur l'influence considérable et séculaire des multiples sectes bouddhistes et shintoïstes sur la sphère politique. Dans une sorte de tour spirituel en 42 étapes, Bashô nous fait visiter des lieux sacrés, temples et monastères, et partager la beauté simple de la nature, un pin maritime ou un saule étant sujet d'émerveillement.

Ce livre est précieux par sa forme, son originalité et l'immense somme d'informations qu'il apporte au lecteur. Il a les quelques défauts de ses qualités, dans la mesure où un tel déploiement érudit dans le commentaire atténue la portée du texte brut de Bashô lui-même, qui passerait presque au second plan. L'ordonnancement des chapitres récit étape N – commentaire - récit étape N+1 – commentaire, etc…accentue cette impression d'un fil quelque peu discontinu. C'est un peu dommage. Mais en même temps, il sera facile de l'ouvrir sur une envie future à un chapitre du voyage et lire le commentaire qui s'ensuit, indépendamment du reste

La sente des contrées secrètes (Oku no hosomichi) est cependant un bel ouvrage, que je suis heureux de compter désormais dans ma bibliothèque déjà très japonaise. Pour cette découverte masse critique, je remercie vivement l'éditeur suisse Olizane, et bien sûr l'équipe de Babelio.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
2 - Le départ (Idetatsu)

En ce septième jour de printemps, l'aube embrumée hésitait encore ; une lune déclinante jetait une dernière clarté. Ces lambeaux de lueur qui dissipaient l nuit laissaient deviner au loin la silhouette du Mont Fuji. Reverrais-je encore les cimes fleuries des cerisiers d'Ueno et de Yanaka ? Cette pensée emplit mon coeur de tristesse.
Tous mes amis, assemblés dès la veille, montèrent sur notre embarcation pour m'accompagner encore avant l'au revoir. Nous débarquâmes à Senju. La pensée des trois mille lieues (li) qui s'allongeaient devant moi m'oppressait la poitrine. Ce monde semblait si incertain. Je pleurai quand vinrent les adieux.

Yuku hara ya
tori naki
uo no me wa namida

Passe le printemps
les oiseaux se lamentent
les yeux des poissons noyés de larmes

J'écrivis ces quelques vers à l'orée de mon périple. Lorsque je me mis en route, mes pas se firent lourds. Mes amis, alignés au bout du chemin, me saluèrent tant qu'ils purent me voir.
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26 - Ryushakuji

Dans le domaine de Yamagata se trouve un temple de montagne qui se nomme "temple de la Pierre Dressée". Il fut fondé par le grand maître Jikaku dans un lieu réputé pour son calme et sa pureté. Tout le monde me recommandait d'aller le voir, aussi en quittant Obanazawa, je changeai mon itinéraire pour m'y rendre, soit une distance de sept li supplémentaires. Le soleil n'ait pas encore couché à notre arrivée. Au pied de la montagne, j'arrangeai mon hébergement dans le logis des prêtres. Puis je grimpai vers les saints lieux des hauteurs de la montagne. Celle-ci n'était que rocs empilés sur roche, de pins et de chênes centenaires, d'une terre et de pierres antiques, de mousse veloutées. Les huis des chapelles perchées au faîte des rocs étaient fermés. Aucun son ne se faisait entendre. Je fis le tour du sommet, me hissai le long des rochers, m'inclinai devant chaque sanctuaire abritant un Bouddha. La vue était splendide. Une profonde quiétude emplit mon coeur.

Shizukesa ya
iwa ni shimiiru
semi no keo

Le calme !
vrillant la roche
le chant de la cigale
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9 - Sesshôseki - Ashino

De là, j'allais à "la Roche qui tue". L'intendant de la seigneurie me prêta un cheval. Son palefrenier me quémanda un tanzaku calligraphié de ma poésie. Charmante surprise, une telle requête venant d'un simple garçon d'écurie ! Je lui tendis ceci :

No o yoko ni
uma hikimuke yo
hototogisu

A travers champs
dirige le cheval
Hototogisu !

La "Pierre qui tue" se dressait au bas du versant sombre de la montagne, là où jaillissait une source chaude. La rocaille alentour continuait à exhaler ses vapeurs empoisonnées qui enveloppaient la roche. Il y avait un tel amas de cadavres d'abeilles, de papillons et d'insectes divers qu'on ne pouvait pas discerner la couleur du sol sous-jacent.
Plus tard, je partis à la recherche du saule que Saigyô célébra dans son poème : "Où courait un ruisseau aux eaux pures". Je le trouvai près du village d'Ashino, sur le rebord d'une rizière. L'administrateur du district, un certain Kohô, m'avait souvent dit qu'il désirait m'en montrer l'emplacement ; je me demandai où pouvait-il donc se trouver ? Ce jour, enfin, j'ai pu m'allonger sous son ombrage.

Ta ichimai
uete tachisaru
yanagi kana

Un carré de rizière
planté et je quitterai
mon saule
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29 - Sakata

Je quittai Haguro pour la ville de Tsuruoga sise au pied de son château. Un bushi, Shigeru du clan des Nagayama, me reçut chez lui. Le temps de composer un livret de haïku. Sakichi en était, qui nous avait accompagnés jusqu'ici. En bateau de nouveau je descendis le fleuve jusqu'à Sakata. Enan Fugyoku, un médecin, m'offrit l'hospitalité.

Atsumiyama ya
fuku ura kakete
yusuzumi

atsuki hi o
umi ni iretari

mogamigawa

Depuis le mont Atsumi et
jusqu'à l'anse éventée
la fraîcheur du soir !

Ce soleil si chaud
est-ce elle qui le plongea dans la mer
la rivière Mogami ?
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L'école Sôtô du zen connaîtra une grande extension parmi les gens de guerre. Les samouraïs appréciaient la discipline et la maîtrise de soi qu'exigeait sa pratique. De nos jours, le zen Sôtô rassemble plus d'ouailles que l'école Rinzai et l'école d'Obaku. Cette dernière fut introduite au Japon au 18ème siècle par un moine chinois. Sa doctrine est proche de la doctrine Rinzai. Son audience reste limitée.
L'approche doctrinale, sociétale, artistique et architecturale de l'école Sôtô apparaît sobre et sévère. Les monastères reprennent point par point l'architecture chinoise, notamment celle de l'époque des Song, avec des temples majestueux mais plus dépouillés que ceux des autres écoles.
L'école Rinzai par contre joua un rôle prépondérant dans le développement et la créativité des arts et de la culture de l'époque Muromachi. Elle influença profondément ou fut même à l'origine de ces arts et de cette culture dans des domaines aussi divers que la céramique, la peinture, surtout les lavis à l'encre de Chine, l'art des jardins, la littérature, l'architecture, reprenant les éléments de l'architecture japonaise, l'art floral, l'art du thé, la calligraphie...Les grands monastères Rinzai entretinrent même un commerce maritime actif avec la Chine sous la dynastie des Ming.

Extrait du commentaire de l'étape 38 - Les pins de Shiogoshi
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Videos de Bashô Matsuo (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bashô Matsuo
Alain Walter vous présente l'ouvrage "Le carnet de la hotte. Oi no ko-bumi" écrit par Bashô aux éditions William Blake Art & Arts et dont il a fait la traduction.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2677817/basho-le-carnet-de-la-hotte-oi-no-ko-bumi
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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