Remarqué grâce à son premier roman,
le Miel du lion, l'écrivain américain
Matthew Neill Null revient une nouvelle fois aux éditions Albin Michel dans la prestigieuse collection Terres D'Amérique pour un recueil de neuf nouvelles autour de l'
Allegheny River et des régions sauvages américaines.
Amoureux de la Nature et fasciné par les rapports qu'entretient l'homme avec celle-ci,
Matthew Neill Null nous entraîne dans des coins reculés de l'Amérique pour mieux en saisir l'humanité incandescente et la cruauté sèche de l'existence.
En approchant de l'Ours
Pour
Matthew Neill Null, l'homme affronte depuis toujours la Nature…et celle-ci le lui rend bien !
Dès les premiers pas du lecteur dans
Allegheny River, la beauté sauvage de l'Amérique saisit et impressionne à travers la plume précise et légère de l'américain.
Peu importe l'époque, de celle du commis voyageur aux pestiférés mis à l'écart en passant par notre bon vieux XXIème siècle, les nouvelles de
Matthew Neill Null capture l'implacable magnificence de la Nature.
Dans La Saison de la Gauley, c'est la puissance des rapides et le rugissement de la rivière.
Dans Télémétrie, c'est l'entêtement des ombles de fontaine à remonter le fleuve.
Dans le couple, c'est une forêt pleine de vie et de sang.
Car le sang, il y en aura aussi dans ce recueil.
En effet, si
Matthew Neill Null n'a pas son pareil pour croquer la Nature qui l'entoure et les remous d'un cours d'eau, c'est lorsqu'il analyse le rapport homme/animal qu'il se fait le plus sensible et le plus incisif.
Une façon de confronter les violences qui confine souvent à la poésie.
L'Homme est un loup
Sans devenir violemment revendicateur, l'américain explique l'évolution de l'habitat naturel et des populations animales aux États-Unis.
Que ce soit par une description extérieure de plus en plus lancinante et mélancolique dans Ressources Naturelles dans laquelle il décrit la lente extermination des ours ou par une approche plus intimiste avec Télémétrie ou La Saison de la Gauley où il unit alors son oeil critique au destin terrible (et souvent pathétique) de ses protagonistes.
Au cours des différents récits, le lecteur contemple l'influence humaine sur les rivières, les ours, les poissons, les oiseaux…
Comment l'homme en vient, pour son propre bénéfice, à modifier jusqu'au cours d'eau à la dynamite ou à pêcher avec de la javel des espèces déjà en voie d'extinction ?
Dans les textes de
Matthew Neill Null, on retrouve cette profonde conviction que l'homme détruit implacablement son environnement et n'en laisse qu'un pâle reflet pour les générations futures.
Pourtant, de façon très étrange, le jugement de l'écrivain n'est pas si brutal à l'encontre de ces rednecks qui ne font que reproduire un mode de vie brutal incapable de se raisonner malgré les sanctions et les dégâts occasionnés.
Ce qui réjouit, c'est bien la capacité de l'américain à entrelacer la misère humaine et animale pour mieux en faire jaillir une humanité boiteuse qui trouve davantage d'émotions dans une vieille paire de bottes cloutées que dans une chasse à l'ours qui vire au tragique.
Amours perdus
Et puis, soudain, au milieu des exactions et des sacrifices,
Matthew Neill Null tire des choses sublimes. Il faut lire cette culpabilité terrible entre les lignes de la Saison de la Gauley ou cet amour fugace et meurtrier dans L'île au milieu de la grande rivière.
L'américain tire le portrait d'un mode de vie, avec ses peines et ses bravades.
Fascinant lorsqu'il s'embarque dans des descriptions d'époque minutieuses — la drave dans La lente bascule du temps ou le métier de commis voyageur dans Quelque chose d'indispensable — l'américain capture une humanité qui terrifie. Par sa cruauté parfois, par sa mélancolie souvent.
À ce titre, comment ne pas parler de Sarsen, le draveur convaincu d'avoir une mission à remplir pour retrouver la paix avant de constater que personne d'autre que lui ne se souvient vraiment du passé.
Ou comment oublier Kelly Bischoff qui a voulu passer la barrière et devenir plus que le bouseux du coin en montant sa propre entreprise de rafting.
Derrière ces populations rustres et violentes se terre aussi souvent un sentiment de gâchis, de solitude, de mise à l'écart.
Une image d'une importance capitale et qui revient souvent.
Le regard du commis Cartwright sur ce fermier-pigeon qu'il part escroquer, les réprimandes à l'encontre de Sull Mercer par son ami devenu aujourd'hui garde-forestier, tous les rafteurs qui viennent profiter d'une rivière qu'ils ne comprennent même pas ou encore cette petite Shelly qui ne verra désormais dans le visage de son père qu'un imposteur.
Finalement, n'est-ce pas l'enseignement final des écrits de
Matthew Neill Null que de révéler la vérité, naturelle ou humaine, pour arriver à changer, à évoluer et à trouver, enfin, une harmonie malgré la violence et la déception ?
Recueil d'un réalisme sauvage,
Allegheny River confronte l'homme à la Nature, exposant sa part animale et son âme blessée au lecteur.
Matthew Neill Null capte les ravages de l'humanité et la misère des hommes dans un même élan littéraire, révélant une plume aussi sensible qu'incisive qui marque durablement.
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