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Jean-Pierre Ricard (Traducteur)
EAN : 9782228897976
290 pages
Payot et Rivages (17/10/2003)
3.5/5   17 notes
Résumé :

De 1978 à 1986, Peter Matthiessen a voyagé à travers le Sénégal, la Gambie, La Côte-d’Ivoire, le Zaïre et la République centrafricaine, en compagnie de chercheurs, de biologistes, de naturalistes acharnés à sauver ce qui peut l’être encore de la grande vie sauvage de l’Afrique.

Le constat qu’il dresse au fil de son périple est tout simplement terrifiant. Dans ce récit se mêlent le souffle de l’aventure, l’observation précise du naturalist... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'aurais pas dû .
Je savais bien pourtant que la lecture de ce livre allait exacerber ma détestation de l'Homme (avec un H majuscule s'il vous plait). Je savais bien que je me complairai dans un masochisme vain et stérile. Ce livre je le connaissais déjà avant de l'avoir lu.
"Silences africains" de Peter Matthiessen trainait depuis longtemps dans un carton , destiné à un vide-grenier estival , je l'avais acheté parce que j'avais beaucoup aimé "Urubamba" et surtout le superbe "Léopard des neiges".
Mais j'avais toujours remis aux lendemains de disette littéraire la lecture de ce récit naturaliste en Afrique. Je savais trop bien ce que j'allais y trouver.
Il est un lieu commun que nous servent rituellement les news hebdomadaires (l'Obs, L Express, le point...) : " le décollage économique de l'Afrique" ! "L'Afrique sort de la pauvreté" , " L'Afrique profite de la mondialisation" .....Ouais...
L'Afrique je la connais un peu. J'ai pratiqué. Il y a longtemps. C'était mon époque tiers-mondiste . René Dumont (mon idole de l'époque) , venait de publier " L'Afrique noire est mal partie". le choc. Alors comme ça les valeureux révolutionnaires qui ont chassé les affreux coloniaux ne seraient que des accapareurs d'une autre sorte ? Dumont pointait les errances des politiques agricoles , les obscurantismes séculaires, l'impéritie des nouveaux pouvoirs. Un peu plus tard (entre temps je me suis régalé de pas mal de livres sur l'Afrique mais qui ne m'ont pas enthousiasmé outre mesure ) , j'ai lu "Safari noir" de Paul Théroux . Coup de boule ! ce livre écrit dans les années 2000 est le récit du voyage du Caire au Cap par le grand voyageur américain (une autre de mes idoles ) Paul Theroux, bon connaisseur de l'Afrique de l'est pour y avoir enseigné dans le Peace Corps dans les années 1960. Son récit montre une Afrique crépusculaire, plus pauvre qu'à l'époque des colonies, où les guerres et la succession lancinante des coups d'états ont ravagé ce qui reste des états issus des indépendances. Son constat est sans appel , a mille lieues des enthousiasmes mondialistes des news précités.
"Silences africains" est dans la même veine ; avec juste un éclairage différent. Peter Matthiessen est un touche à tout naturaliste : ornithologue, biologiste, journaliste, écrivain... "Silence africains" est la compilation de trois voyages qu'il effectua dans les années 1980 en compagnie de plusieurs spécialistes de la faune africaine dont George Schaller avec qui il partagea les aventures népalaises du "Léopard des neiges".
Partis à l'origine avec quelques buts scientifiques bien précis (découvrir le "fameux" éléphant pygmée" dont parlent tous les explorateurs , faire l'état des lieux des réserves d'animaux sauvages, mesurer l'impact de la pression démographique sur les espaces naturels) , nos biologistes vont faire le constat amer du grand silence africain. La savane est vide, la forêt est atone. Les animaux ont disparus. Les guerres civiles incessantes, la pression démographique, les habitudes ancestrales, ont eu raison de la grande faune africaine. Matthiessent constate. Il constate surtout que les responsabilités sont multiples et partagées. Difficile de pointer du doigt un responsable unique. Peut-être en premier lieu la vacance du pouvoir dans des états livrés à la corruption, au jemenfoutisme, à l'aquabonisme. L'Occident (c'est à dire en fait les Multinationales Occidentales ! ), a bien sûr sa part de responsabilité dans l'affaissement brutal des populations animales . Mais il me semble que désormais tous ces états africains sont souverains depuis au moins cinquante ans, et qu'il leur serait facile de dire non si leur classe politique avait un tant soi peu de vertu matinée d'un souci du bien public ; ce dont je doute.
Les 300 pages du livre m'ont mis dans un état de prostration dont j'avais anticipé les effets par quelques provisions d'alcools forts. Même les "natifs" (on marche sur des oeufs de nos jours ...) , ne trouvent pas grâce aux yeux de Peter : les Pygmées qu'il côtoie sont dénaturés. La soi-disant empathie que les peuples primitifs éprouvent pour les proies qu'ils chassent est bien une illusion d'ethnologue idéaliste . Donnez leur des armes à feux et l'éthique sera remisée au fond de la case ; on a connu ça avec les bisons et les indiens...
Tristes tropiques.... Silence des grandes forêts du Congo, des savanes ivoiriennes, des marécages centrafricains.
Peter Matthiessent se veut optimiste, à la fin de son livre, en misant sur la raison des hommes et l'opportunité qu'on les Etats africains de gagner de l'argent en promouvant les parcs nationaux . C'était il y a 31 ans. Et je n'y crois pas une seconde. Aujourd'hui il ne reste que quelques centaines de Rhinocéros en liberté ; de quelques millions d'éléphants en 1986 la population de ces animaux se compte désormais en dizaine de milliers. La Chine achète à la fois les consciences africaines et des milliers de kilomètres carrés de terres arables d'où les paysans sont chassés sans compensations. Oui l'Afrique est mal partie.
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Les animaux sauvages produisent la « viande de brousse », complément alimentaire indispensable aux Africains. Sur la côte occidentale africaine peuplée de longue date, toutes les espèces animales sont touchées par la chasse, le braconnage, la disparition de leurs milieux. La grande faune est à l'agonie. Les silences africains explosent aux tympans de l'auteur même lorsqu'il est en visite dans les rares parcs nationaux du Sénégal, de la Gambie et de la Côte-d'Ivoire. Peter Matthiessen raconte son odyssée et son immersion sur le continent noir. Les portraits sont pris sur le vif tel celui du guide et chauffard Baba Sow ou encore celui de Touré Basamanno. Les scènes défilent, les anecdotes s'empilent et la vie africaine prend forme, convaincante. le périple se poursuit au Zaïre, grand comme quatre-vingt fois la Belgique. La description de Kinshasa est dantesque avec ses quatre millions d'habitants, en 1978, entassés dans des bidonvilles sans aucune hygiène : « Les ordures et les eaux sales sont devenues un élément du paysage. A l'aéroport de N'dola, dont les hangars déglingués et les bâtiments abandonnés sont pris d'assaut par les réfugiés, les pistes sont couvertes d'excréments humains. Les Zaïrois sont fiers de leur seule ville, qu'ils appellent affectueusement « Kin ». Les Belges lui ont donné le nom de « Poubelleville ». Dans ce contexte, la découverte des gorilles au Rwanda apparaît miraculeuse : « un bébé gorille… tendit les bras, je le serrai contre moi comme un enfant, en mettant ma main sous ses petites fesses. » L'exploration du bassin du Congo à la recherche de l'éléphant de forêt pourrait apparaître comme une bouffée salutaire pour Peter Matthiessen mais il s'agit d'estimer les chances de survie de l'espèce en fonction du braconnage. On retrouve annuellement sur le marché international sept cent cinquante tonnes d'ivoire. L'espèce accuse probablement un déclin accéléré : « Etant difficile d'accès et faiblement peuplé, le bassin du Congo reste encore largement intact mais il n'y a aucune raison d'espérer qu'il le restera ». L'auteur remarque tout lors de son passage et il rédige sans aucun parti pris ses impressions de voyage. Il devrait se trouver au coeur de la vie animale mais déjà le pouls de la nature vierge bat de plus en plus faiblement. En vingt-cinq ans, il constate : « En février 1961, cette mare était pleine d'hippopotames ; aujourd'hui, on n'en voit plus un seul. Les douze mille éléphants que comptait le parc [Kabalega en Ouganda] ont été réduits aujourd'hui à trois cents… » « …victimes des tirs d'armes automatiques des armées en maraude » quand ce n'est pas l'« empereur » Jean Bedel Bokassa qui commandite en République centrafricaine le massacre de « trente mille éléphants par hélicoptères de combat » afin de fournir son entreprise familiale, La Couronne, qui détenait le quasi monopole des exportations d'ivoire. Les défenses d'ivoire sont maintenant prélevées sur des jeunes éléphants immatures, les grands mâles ayant été exterminés. En 1887, l'explorateur Stanley notait dans son journal : « Chaque défense, chaque débris, la moindre parcelle d'ivoire possédée par un trafiquant arabe est teintée de sang humain : un demi kilogramme a coûté la vie à un homme, à une femme ou à un enfant ; pour moins de trois kilogrammes, on a brûlé une case ; pour deux défenses, un hameau entier a été détruit… » le sort du rhinocéros blanc est aussi dramatique : « En quelques années, les Simbas massacrèrent quatre-vingt-dix pour cent des rhinocéros blancs dans le seul but de vendre leurs cornes pour s'acheter de nouvelles armes ». Au début des années 1980, il en subsistait moins de vingt. le lecteur n'échappera pas au tournis et à l'inévitable mélancolie en face d'une maladie proliférante qui consiste à détruire de manière irrémédiable et systématique toutes les richesses humaines et animales d'un continent unique. Ce terrible constat s'applique à la terre entière mais Peter Matthiessen se garde bien de proférer des sentences et des phrases définitives. L'exploration de la forêt primaire en compagnie de l'écologue David Western et des pygmées Mbutis arrive en fin de parcours, après de multiples vicissitudes comme si un temps de décantation était nécessaire avant d'entrevoir la beauté du monde : « de plus en plus gêné de faire intrusion dans cet univers, on avance avec précaution et on se laisse envahir par le sentiment d'une immense harmonie. La poussière du monde tournoie comme dans une cathédrale dans les longs rais de lumière tombant du ciel. » le journal d'exploration de Peter Matthiessen n'est pas aussi intime et touchant que « le léopard des neiges » mais il relate avec vie et humanité tous les silences africains du monde.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Jean Bedel Bokassa ordonna le massacre de trente mille éléphants par hélicoptère de combat et d'autres moyens. Il voulait aider son entreprise familiale , "La Couronne" , qui avait presque le monopole des exportations d'ivoire. Celles-ci, selon le docteur Iain Douglas-Hamilton, biologiste spécialiste des éléphants, faisaient largement appel à de l'ivoire illégalement importé du Zaïre et du Soudan. (Les éléphants du Zaïre découvrit-il, étaient eux aussi massacrés par les troupes gouvernementales). En 1980, après la chute de Bokassa, on annonça l'interdiction des exportations d'ivoire tant en République Centrafricaine qu'au Zaïre. Mais dans les deux cas cette interdiction n'était pas destinée à être appliquée et ne ralentit nullement le massacre.Avec la réouverture officielle du commerce de l'ivoire en 1981, comme le remarquait Douglas-Hamilton dans une intervention prononcée dans le cadre de la Conférence sur la protection de la nature à Bangui, fin 1985, la République Centrafricaine était le seul pays d'Afrique où la chasse à l'ivoire restait totalement légale, autorisée et opérationnelle .
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Avec sa population particulièrement clairsemée le pays tout entier compte moins de trois millions d'habitants (la République Centrafricaine), dont un tiers, selon les dernières estimations, concentrés dans les villes et agglomérations. La République Centrafricaine pourrait sembler un domaine rêvé pour les éléphants. Avant 1970, on estimait qu'ils étaient dans ce pays largement plus de cent mille, et jusqu'au milieu des années soixante-dix, date à laquelle les éléphants disparaissaient presque partout ailleurs, on espéra que cette région en plein coeur de l'Afrique resterait le dernier refuge de l'espèce. Au contraire, les animaux furent victimes d'un massacre organisé, et les exportations officielles d'ivoire en provenance de République Centrafricaine passèrent de quatre tonnes à cent soixante cinq tonnes en l'espace d'une année. En cinq ans seulement, ici, dans la partie est du pays, on pense que les quatre cinquièmes des éléphants furent abattus.
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En dehors des indigènes , le massacre attira des bandes de dangereux braconniers du Soudan ou du Tchad qui n'avaient plus d'éléphants à tuer dans leur pays. Les soudanais préféraient se déplacer à dos de chameaux et utiliser les armes automatiques récupérées à l'occasion des guerres qui ravageaient la région, tandis que les cavaliers du désert du Tchad s'en tenaient aux méthodes traditionnelles , sautant par derrière sur les grands animaux avant de leur percer les flancs ou de les estropier avec leurs longues lances acérées. (Sur trente deux animaux examinés par un groupe du Peace Corps en 1983, vingt cinq avaient eu les pattes coupées par des lances.)
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Peter Matthiessen : Urubamba
Olivier BARROT présente "Urubamba" de Peter MATTHIESSEN (publié chez PAYOT), livre d'où est tiré le film "En liberté dans les champs du Seigneur". Des images du film illustrent ses propos.
>Géographie générale>Géographie de l'Afrique>Zanzibar (ex-) (Géographie) (14)
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