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Critique de Brize


Avant de devenir un nom commun, silhouette fut le nom d'un homme qui occupa le poste de ministre des finances en 1759. Il entreprit de lancer des réformes qui visaient avant tout à soulager le peuple du poids intolérable des impôts pesant sur lui, en taxant ceux qui détenaient les biens. Malheureusement, l'opposition de la noblesse ne fut pas le seul obstacle qu'Etienne de Silhouette rencontra. La guerre en cours engloutissait en effet dans la foulée les recettes engrangées. le ministre finit par être démis de ses fonctions, banni des affaires publiques et, à plus long terme, de la postérité.
L'ouvrage de Thierry Maugenest exhume ainsi une figure de notre histoire qu'il est dommage d'avoir occultée. Il nous rappelle au passage que la monarchie française, si elle avait été plus avisée en écoutant ce type de conseiller, aurait pu s'amender et se pérenniser, au lieu de foncer droit dans le mur. Il évoque aussi des éléments capitaux de toute la première partie du 18ème siècle : la mini-période glaciaire de 1709, année de naissance d'Etienne de Silhouette, et les nombreux hivers rigoureux qu'a connus sa génération, avec pour corollaires des récoltes compromises et la famine parmi le peuple ; la désastreuse guerre dite de sept ans, qui mena la France à la débâcle en ruinant ses prétentions aux conquêtes extérieures, tandis que l'Angleterre affirmait la puissance de son empire (en Amérique du Nord et en Inde en particulier).

Tous ces éléments enrichissent et éclairent cet essai biographique qui a le mérite, en quelques deux cents pages, d'aller à l'essentiel. L'auteur s'intéresse d'abord aux années d'apprentissage d'Etienne de Silhouette. On y découvre un jeune homme qu'on qualifierait maintenant de surdoué. Etudes classiques menées brillamment et tambour battant, complétées par le fameux « Grand Tour » européen. Celui-ci lui permet d'engranger des tonnes d'observations diverses, sur l'art, l'économie et la politique des pays visités, lesquelles feront l'objet d'une publication sous forme d'essai en quatre volumes. C'est aussi l'occasion pour le jeune homme de nouer des relations utiles pour sa carrière à venir.
Convaincu que le bien commun doit être le souci de tout gouvernement, Silhouette a rapidement idée de la manière dont il conviendrait de procéder pour rétablir en France la confiance que le peuple perd en son roi. Mais il sait aussi que, parce qu'il est issu de la petite noblesse, il doit se faire un nom s'il veut espérer un jour parvenir au pouvoir, pour y mettre ses idées en application. Ses écrits lui permettre de se distinguer comme lettré, apprécié des esprits de son temps et il n'hésite pas à faire parler de lui en suscitant la controverse.

Etienne de Silhouette aura cinquante ans lorsqu'il sera nommé ministre des finances. L'auteur survole rapidement (et c'est très bien car cela évite d'alourdir le propos, ce que n'aurait pas manqué de faire une biographie exhaustive) les fonctions qu'il occupe jusque-là. Il souligne cependant qu'il a passé de nombreuses années en Angleterre, dans une banque puis à l'ambassade. Ses rapports réguliers à Versailles, concernant en particulier les forces militaires sur place, sont très appréciés.
On regrettera, comme l'auteur, que Silhouette ne se soit jamais dévoilé personnellement, dans ses écrits ou dans des lettres. L'image qu'il donne, y compris dans sa jeunesse, est celle d'un personnage foncièrement droit mais qui paraissait fort austère. Il sera marié à une épouse de 14 ans plus jeune que lui, décédée à quarante-deux ans sans qu'ils aient eu d'enfants.

Evincé de son poste de ministre, Etienne de Silhouette sera ensuite l'objet d'une cabale qui mêlera dénigrement et art de tourner en ridicule, comme l'époque savait si bien le faire. de « l'habit à la silhouette », dépourvu de toute poche puisqu'on n'a plus d'argent à y mettre, à la silhouette tout court, le nom d'un homme est ainsi progressivement effacé de la mémoire collective. On ne peut que remercier Thierry Maugenest d'avoir voulu l'y réinscrire !
Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
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