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Critique de StCyr


StCyr
26 décembre 2016
Servitude humaine est le roman de formation ou d'apprentissage de William Somerset Maugham, oeuvre s'inscrivant dans une longue et prestigieuse lignée de romans dont l'origine se trouve en Allemagne avec le Bildungsroman apparu au XVIIIème siècle.

Philip est orphelin et vit au presbytère avec son oncle révérend et sa tante restés sans enfant; la vie y est bien austère. Il est envoyé dans un pensionnat religieux, il y fait l'apprentissage de la méchanceté de ses camarades d'école que lui attire son pied bot, des amitiés scolaires bien éphémères, du conformisme étouffant, des préjugés et de la servitude que les enseignants exigent comme un hommage à leur autorité. Élève doué et intelligent, il se refuse cependant à poursuivre des études à Oxford qui lui ouvriraient la carrière de pasteur qu'appellent de leur voeux ses tuteurs. C'est voir le monde qu'il veut et vivre sa vie. Ainsi il part en Allemagne dans une pension à Heidelberg, séjour important dans sa formation intellectuelle et éthique, il réalise, étonné, qu'il ne croit plus en Dieu. Revenu en Angleterre, il y éprouve ses premiers émois amoureux et se lance dans la mêlée à Londres où il déchante rapidement, la place d'apprenti dans un cabinet comptable et l'isolement de la banlieue ne lui conviennent guère. Se sentant des dispositions artistiques, c'est à Paris, malgré les réticences de son oncle qu'il se rend afin d'étudier la peinture. C'est dans une ville au fait de sa créativité et de son attractivité artistique qu'il arrive : Paris vit à l'heure des innovations des impressionnistes, Philip s'y sent transporté : enfin la grande vie, la liberté des rapins, il pense y pouvoir faire sa place. Les rencontres qu'il y fait parachèvent son éducation, il y gagnera la liberté de l'esprit, mais devra se résigner à l'évidence : il ne sera pas peintre. Il se résout à suivre l'exemple paternel et retourne à Londres pour étudier la médecine. Puis il s'éprend follement d'une serveuse de salon de thé d'un conformisme assez vulgaire qui n'a que faire de lui, cette attraction complexe faite de mépris et d'attrait sensuel, passion sans espoir dont les élans fougueux ne sont récompensés que par de plus viles ignominies est un autre aspect de ces asservissements dont il doit faire l'amère expérience,. Des placements hasardeux lui font faire la bascule et le contraignent à supporter le joug d'un emploi abrutissant et sans intérêt : calicot pour un magasin de nouveautés. Mais une amitié heureuse et saine s'offre à lui : un homme à l'abord jovial et au commerce agréable au sein de sa famille nombreuse lui apportera le réconfort de la famille qu'il n'a guère eu et finalement l'amour.

Les joies simples vite oubliées, le déniaisement progressif à force d'enthousiasmes trop vite refroidis, les déceptions amères, la découverte du décalage entre l'idéal et la réalité, la volonté de se donner une règle de vie et un sens à cette dernière pour s'apercevoir que tout est vanité, telles sont quelques unes des étapes obligées et douloureuses par lequel Philip doit passer pour arriver à sa pleine maturité. Ce roman au très fort contenu autobiographique, propose de belles pages sur l'art et le peinture, notamment concernant Le Greco; j'ai particulièrement apprécié le tableau qu'il y fait de la bohème de Paris, de la vie licencieuse et dure des apprentis peintres. Servitude humaine est un vrai classique au sens noble du terme : beau, dur, passionnant, on y plonge avidement pour en ressortir ému et quelque part transformé.
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