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EAN : 9782715223172
176 pages
Le Mercure de France (31/01/2002)
4.64/5   7 notes
Résumé :
Des lampions vacillants de Pékin aux façades vérolées de Beyrouth, en passant par un bol de thé vert à Kyoto ou la découverte des favelas de Rio depuis l'avion, les sensations d'un Maulpoix arpenteur incitent facilement au voyage intérieur. Au c?ur de la ville, tout autour du monde, le poète hume, rôde, flâne, "marche à l'aventure, peu soucieux des itinéraires". Sa prose suit le rythme de ses déambulations. Comme l'aiguille fébrile d'une boussole en quête d'un nord,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« J’ai croisé dans le ciel des îles, traversé des déserts, des montagnes de suie, des banquises, de vieilles lunes et de très vastes mers. J’ai perdu le nord et l’échelle, la perspective, le sens de l’en haut et de l’en bas.
Et j’ai vu quelquefois ce que nul ne verra jamais : comment est fait mon cœur. »

Voyages : un carnet, petit bloc de papier où finiront par s’écraser tous les bavardages et pensées vagabondes, incessant remue-ménage et chutes de tout Amour , constellations de notes noires sur blanc, silence et musique, un peu d’encre fine telle des chutes de pluie tièdes, pour éclairer l’humaine solitude et rafraîchir un peu la mélancolie des jours sans - et recréer parfois la féerie des nuits.

Voyages : les villes s’enchainent, Kyoto, Pékin, Saigon, Shanghai, Beyrouth, Essaouira, Rio, Kiev, Manhattan, Montréal … autant de récits miniatures jetés sur le papier buvard où s’épongent ainsi les bruits et les couleurs du monde.
Du silence au capharnaüm. Du blafard à l’éclatant. Des égarements.

Instantanés parachutés entre deux gares, deux aéroports, deux hôtels :
Maulpoix, observateur « passager », furtif, à l’affût de ce qui frappe l’œil et … titille l’âme.

Insolite le regard !
Ici, pas franchement touristique, non. Accrocheur plutôt, perçant la pauvreté derrière les devantures, s’attardant sur le non attirant, les marbrures de misère, les impudeurs tristes ou insolentes, les ruines ou les poussières de guerre, la saleté des murs, la crasse, la nonchalance et la stupidité humaine.
Là, les yeux éclaircis, qui s’écarquillent sur les silhouettes de femmes, les visages de la rue, les gestes quotidiens, l’œil rehaussant le banal, la beauté simple, les instants sereins posés sur la mer ou sur des ailleurs apaisés.
Autant de flaques d’ombres ou d’ondées de petits bonheurs !
Mais, au fond, partout les mêmes hommes, qui courent - Et ce même temps qui passe - ce même aveuglement.

Insolite l’oreille !
A l’écoute d’autres langues, d’autres boîtes à musiques et d’autres mêmes silences.
L’homme, cet « instrument à cordes » cordes rêches, cordes sèches, « capables de rendre un bruit de pluie ». Et cette même discordance – dans cette même ignorance.

Insolites, les pas du voyageur dont la résonnance s’effrite sur le papier en étrange lassitude.

Maulpoix : une solitude poétique, un cœur en jachère, « refusant ici-bas de défaire ses valises ». Tiens, il y a du Bobin, dans cet homme là, en beaucoup plus lyrique, en beaucoup plus mouvant (tiens, ça me va bien), beaucoup plus « électrique » !
Il a cette encre bleue limpide et chaude qui voudrait des réponses, qui cherche, qui tremble, qui s’use … et qui coule sur la peau du cœur.
Homme, rêveur secoué de fantômes, conquérant de nulle part, recherchant les lointains pour toucher Son plus proche. Ressac des mots, jamais de fin.

Il verse ses ecchymoses au bleu du ciel et au bleu de l’eau à l’encre noire d’amours touchés -- jamais gardés.

La poésie se fait toute seule,
Aimantée par l’œil et l’élan
La force du désir
Ce sont là ses voyages, des histoires d’amour à la pointe de la plume :
« chutes ou poussées de fièvre » noyées dans les escales,
averses de neige dissoutes dans les phrases.
Partir, fuir,
et toujours revenir, et toujours repartir
Poète instable, assoiffé d’ailleurs, où les rêves n’ont pas de portes, les amours pas de cages.
Ecrire c’est exister, se balader en feuillets dans le sac d’une femme …
et ainsi ne jamais mourir.

Restes d’enfance, fouiller,
Mémoires- caresses, toucher,
Devenir
« celui qui dit oui à tout ce qui l’emporte »
Vouloir
le simple bonheur d’être vivant,
Chercher
Un idéal reflet,
particule d’eau salée,
Elle … Toi …
La chambre vide. Son ombre versée sur la page. Papiers froissés.


« Mes villes sont des bateaux à quai, rouillés d’écume et blancs de sel »
Mais,
« Je retournerai dans la ville, où le désespoir fait merveille »


J’ai adoré !


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- CHUTES DE PLUIE FINE -

Un recueil de Poésie qui m'a fait voyager dans les quartes coins du mondes. J'ai trouvée cela magnifique les phrases, les citations et comment l'auteur décris les paysages. J'ai même un moment crue que j'étais à Rio !
Je le conseil vivement, cela à était pour moi une découverte cette auteur qui a gagnée le prix goncourt de Poésie 2022.

Carlaines
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Brésil

Dans la nuit de cinq heures du matin, sous les ailes du 747, Rio a des allures de star : poussière de strass et de paillettes, piquetées dans les oies violettes et les satins noirs des pains de sucre.
Le Brésil brasille sous de très légers draps de brume.
Illusion programmée du voyageur : vue d’avion, la misère des favelas fait collection de diamants.
Elle étincelle : Rio joue du stéréotype.

Au sol, c’est l’hiver.
Privée de ses sunlights, la star sud-américaine sombre dans une mélancolie sans fond.
La ville n’est plus qu’un asphyxiant nuage de gaz d’échappement.
Les passants portent des vêtements pauvres.
Leur visage brun vire au gris.

Je visite d’un œil triste la capitale des plaisirs et de la folie
J’y cherche en vain la silhouette de la fille d’Ipanema, et
croise plus de vies brisées que de danseurs de samba.

***

Du Brésil, je retiens la douleur :
les gamins couchés dans les rues,
les kyrielles de prostituées et de travestis au pied de l’hôtel,
le couteau de cuisine de l’adolescent qui m’a fait les poches sur la plage
en réclamant « money, money »,
les favelas inaccessibles et omniprésentes,
et
la dissimulation imparfaite du malheur
sous le florissant mensonge des tropiques.


p99 et p104
(Ipanema est un quartier riche, chic et branché de la zone Sud de la ville de Rio.
C'est le berceau de la bossa nova.)
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Un quart d’heure d’éternité, assis sur une tortue de pierre, au milieu de la rivière Kamo qui n’est après tout qu’une pellicule de silence, de calme et de reflets glissants sur les cailloux …
Je voudrais à mon tour construire un pavillon pour observer la lune,
ou allumer de grands feux au sommet des montagnes pour chauffer les nuages.
Peindre ou coudre des signes rouges sur des étoffes blanches pour me protéger de mourir …

Moi : ce point instable et vibratoire sur lequel toute altérité vient jouer sa musique.
« Homme égaré qui ne sait où il va
marche dans ce monde en aveugle en tâtant son chemin çà et là
du bout de son bâton. »

Etre en vérité cet aveugle qui s’efforce sans cesse d’écarquiller les yeux.
Tendre la main, tendre l’oreille, écouter le bruit d’autres langues.
Vérifier que des mondes existent auxquels je n’aurai pas accès.
Partager avec mes semblables des fragments d’ignorance.

Nos questions nous rapprochent mieux que nos savoirs.
C’est dans l’incompréhension que nous nous retrouvons, au défaut des langues,
là où les mots viennent à manquer et où se perdent nos appuis.

Nous offrons à autrui ce par quoi nous sommes seuls,
séparés jusque dans l’amour
et silencieux sous les replis de notre voix.


Japon – Kyoto - p35/36
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Touristes, par définition ceux qui ne portent à leurs hôtes aucune espèce d’attention. Ceux qui tirent parti de la méconnaissance des autres ("on" ne se comprend pas) pour s’afficher en débraillé, comme jouissant "là-bas" d’une impunité parfaite – la même que chez eux en pantoufles devant la télévision.
Touristes, ceux qui traversent la terre étrangère sans autre souci que celui de leurs cartes postales et leurs photographies, n’ayant là aucun compte à rendre, aucune fonction, aucun devoir, définitivement oisifs et délurés.
Touristes : ceux qui applaudissent les éléphants enchaînés jouant de l’harmonica. Ceux qui n’ont rien à craindre.
Équivalent contemporain de ce que l’on entendait par « bourgeois » au XIXème siècle : la créature conforme, matérialiste, locataire d’un temps vide gagné grâce aux machines.

Les filles qu’ils convoitent ont le corps transparent. Elles ne montrent souvent qu’un sourire rehaussé d’un trait de rouge épais. Elles osent des yeux, font des mines, ont des impudeurs…
Ils entraînent ces filles menues dans leur chambre d’hôtel. Puis ils promènent à travers les rues leurs tempes grises au côté de silhouettes qui pourraient être celle de leur fille. Souvent, on les voit dans les halls ou au restaurant, face à face et muets, n’ayant aucune langue à partager, ou tout simplement rien à se dire, une fois achevée la transaction à bas prix.

Saïgon, p. 54

("on" et "là-bas" sont en italiques dans le texte)
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Saigon : p55

Touristes, par définition ceux qui ne portent à leurs hôtes aucune espèce d’attention …
Touristes, ceux qui traversent la terre étrangère sans autre souci que celui de leurs cartes postales et leurs photographies, n’ayant là aucun compte à rendre, aucune fonction, aucun devoir, définitivement oisifs et délurés.

Les filles qu’ils convoitent ont le corps transparent. Elles ne montrent souvent qu’un sourire rehaussé d’un trait de rouge épais. Elles osent des jeux, font des mines, ont des impudeurs …
Ils entrainent ces filles menues dans leur chambre d’hôtel.
Puis ils promènent à travers les rues leurs tempes grises au coté de silhouettes qui pourraient être celle de leur fille.
Souvent, on les voit dans les halls ou au restaurant, face à face et muets, n’ayant aucune langue à partager, ou tout simplement rien à se dire, une fois achevée la transaction des caresses à bas prix.

Que reste t-il de ces amours ? Quelques traces de rouge à lèvres sur le col de la chemise ?

Entre la pute et l’amoureuse, rien.
Pas de place pour les complications.

Saigon est un bordel à l’eau de rose.
Sur les ondes, beaucoup de sirop.
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Ouvrir un livre près de la mer.
Restriction de la page devant l’immensité….
Ce sont pourtant là deux largeurs, deux largesses,
non de la même étoffe, mais aux lointains presque identiques.
L’un de lignes de légers signes monotones,
l’autre de vagues et de vagues encore, sur la grande page bleue horizontale.

J’aime le silence que fait la langue devant la mer bavarde --- et les oiseaux qui vont et viennent, écrivant sans y prendre garde sur la table de sable dur les hiéroglyphes compliqués de leurs pas.
J’aime que tant de phrases décousues soient écrites alentours par l’algue, la vague, le bois flotté, les flaques, les ruisselets, les pas, les vers de sable, les coquilles et les plumes,
Là où je mène mon livre.

Tâche du poète : fixer les points de clarté.
Quelque chose ici bas qui se souvienne des astres.
La chute fine, noir sur blanc, d’une constellation de mots,
éclairant d’un peu d’encre la nuit humaine.


(p93/94)
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Videos de Jean-Michel Maulpoix (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Michel Maulpoix
Jean-Michel MAULPOIX – En son for intérieur (France Culture, 1996) L’émission « Poètes en pied », série d’été de « For intérieur », par Olivier Germain-Thomas, diffusée le 3 août 1996. Invité : le poète en personne. Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l'unique objet de perpétuer la Poésie française.
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