Citations sur Bel-Ami (633)
«Moi, maintenant, je vois la mort de si près que j'ai souvent envie d'étendre le bras pour la repousser... Je la découvre partout. Les petites bêtes écrasées sur la route, les feuilles qui tombent, le poil blanc aperçu dans la barbe d'un ami, me ravagent le coeur et me crient : la voilà!»
Et la causerie, descendant des théories élevées sur la tendresse, entra dans le jardin fleuri des polissonneries distinguées.
Elle souriait maintenant , ravie de son invention , qu' elle voulait pas révéler ; et elle fit mille folies d' amour
Elle était bien émue cependant , en redescendant l escalier, et elle s'appuyait de toute sa force sur le bras de son amant , tant elle sentait fléchir ses jambes .
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Il prononça d'un ton triste mais résolu, avec cet accablement feint dont on use pour annoncer les malheurs heureux: "Il y a que je me marie."
Une gaieté délicieuse entrait en lui, une gaieté chaude qui lui montait du ventre à la tête, lui courait dans les membres, le pénétrait tout entier. Il se sentait envahi par un bien-être complet, un bien-être de vie et de pensée, de corps et d'âme.
Depuis trois mois, il l'enveloppait dans l'irrésistible filet de sa tendresse.Il la séduisait, la captivait, la conquérait. Il s'était fait aimer par elle, comme il savait se faire aimer. Il avait cueilli sans peine son âme légère de poupée.
Certes il ne pouvait pas le lui dire, à cette heure, en ce lieu, devant ce corps ; cependant il pouvait, lui semblait-il, trouver une de ces phrases ambiguës, convenables et compliquées, qui ont des sens cachés sous les mots, et qui expriment tout ce qu'on veut par leurs réticences calculées.
Mais un désir aussi le travaillait, celui d'une rencontre amoureuse.
Comment se présenterait-elle ? Il n'en savait rien, mais il l'attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. Quelquefois cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci par-là, un peu d'amour, mais il espérait toujours plus et mieux.
La vieille (*) à son tour baisa sa belle-fille avec une réserve hostile. Non, ce n'était pas la bru de ses rêves, la grosse et fraîche fermière, rouge comme une pomme et ronde comme une jument poulinière . Elle avait l'air d'une traînée, cette dame là, avec ses falbalas et son musc. Car tous les parfums, pour la vieille, étaient du musc.
(p. 205)
(*) La mère de Georges, " au pays".
Oh ! il se les rappelait maintenant les paroles de Norbert de Varenne hanté par la peur de la mort. "Jamais un être ne revient." Il en naîtrait des millions et des milliards, à peu près pareils, avec des yeux, un nez, une bouche, un crâne, et dedans une pensée, sans que jamais celui-ci reparût qui était couché dans ce lit.
Pendant quelques années il avait vécu, mangé, rit, aimé, espéré, comme tout le monde. Et c'était fini, pour lui, fini pour toujours. Une vie ! quelques jours, et puis, plus rien ! On naît, on est heureux, on attend, puis on meurt.