Excellent ! Mais pourquoi n'avais-je donc encore jamais lu
Boule de suif, qui n'est pourtant pas la moins connue des nouvelles
De Maupassant ?
J'ai tout simplement adoré. Ce magnifique vibrato à la dignité humaine, à la fois révoltant, injuste et si poignant est orchestré de main de maître. Aaah cette fin … elle vous laisse la marque à vif d'une main sur la joue, et au coeur.
Sur fond de guerre de 1870, un groupe de 10 individus, issus de classes sociales et de confessions politiques différentes, fuient ou quittent Rouen en diligence. Noblesse, bourgeoisie, clergé, royaliste, bonapartiste, républicain et celle que l'on surnomme
Boule de suif, une prostituée, vont devoir se fréquenter, ou à tout le moins ne pas pouvoir s'éviter, le temps d'un trajet. Vous vous doutez bien que
Boule de suif va faire tache dans ce convoi. Pourtant, la brave fille, n'hésite pas à généreusement partager son repas avec les autres passagers affamés (eux, n'avaient pas prévu que leur première étape serait aussi longue) et parvient à faire vaciller les barrières sociales. Cette « bonne » société qui l'accompagne serait-elle capable dépasser ses préjugés ?
Maupassant nous délivre un échantillon des travers et de la bassesse humaine avec beaucoup de finesse et d'acuité. Il a une manière d'extraire le jus (et le pus) de l'âme humaine par la simplicité des gestes, des faits ou des actions, et même par d'insignifiants détails, comme par exemple l'attribution « spontanée » des places des voyageurs dans la diligence, qui rend l'histoire intemporelle. Il n'a même pas besoin de forcer le trait pour que cela devienne un déploiement d'hypocrisie, d'égoïsme, de vanité, de coalition, de lâcheté et j'en passe. C'est qu'il ne faut pas plaisanter avec les « bonnes moeurs » et plus encore quand un Prussien vient troubler la fête…