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Critique de Nastasia-B


La Parure, qui, après avoir paru dans plusieurs journaux en 1884 et 1885, fut publiée dans le recueil Contes du jour et de la nuit. Elle en demeure probablement l'une des plus célèbres.

Ce n'est pas ma nouvelle favorite du recueil et de loin pas celle que je préfère dans toute l'oeuvre, si riche de centaines de nouvelles que nous a légué Guy de Maupassant mais je l'apprécie tout de même.

La Parure nous conte, à la façon subtile et efficace qu'on connaît à son auteur, la sorte de descente aux enfers que subira une brave et belle jeune femme par péché d'orgueil et de paraître. Rien d'extraordinaire tant par rapport aux thèmes de prédilection De Maupassant lui-même qu'à l'école littéraire à laquelle il se rattache, le naturalisme, et dont Émile Zola était le chef de file (lequel chef de file en connaît un rayon en matière de descente aux enfers de ses personnages, c'est le moins que l'on puisse dire).

Mais qu'est-ce qui fait qu'un siècle et un tiers plus tard, des éditeurs prennent la peine de la republier seule, cette nouvelle ? Bon, certes, le format est idoine pour l'étude en collège/lycée, certes, certes, mais ce n'est peut-être pas tout.

En effet, que nous dit-elle sur le fond ? sur l'époque ? Voilà peut-être le secret de son succès persistant, à cette nouvelle-là plus qu'à certaines autres probablement de valeur littéraire comparable.

Oui, si l'on y réfléchit, c'était assez nouveau en 1884, de s'aller parer de la sorte quand on n'était pas aisé financièrement. Peu de temps auparavant et encore largement en cette fin XIXème, la France n'était qu'un ramassis de paysans et il ne serait pas venu à l'idée d'une paysanne d'une part d'aller se trémousser dans une soirée mondaine, et encore moins de porter des brillants valant des sommes astronomiques.

Car le paysan d'alors (comme la paysanne) est méfiant par nature, soucieux de l'argent par atavisme et le risque n'en valait pour lui ou elle pas la chandelle. Il fallait être au moins une Madame Bovary pour commencer à jouer ce jeu-là. Il fallait s'arracher des réalités concrètes de la terre, devenir citadine sans doute, être un semblant de classe moyenne, avoir ouï parler de l'ascension sociale et savoir combien la fonction de représentation en contexte mondain pouvait avoir son importance.

Tout cela ne date en fait que du XIXème siècle, et nous nageons encore en plein dedans. Combien de gens, autour de moi, qui s'endettent pour des belles voitures, soi-disant marqueur d'opulence et de qualité ? Combien d'authentiques sacs Louis Vuitton aux épaules des malheureuses smicardes ? Aaah ! Magie du paraître, triomphe de l'objet qui badigeonne un peu de verni sur votre triste condition.

Zola le fustige dans Pot-Bouille mais l'on n'en est malheureusement toujours pas sorti et moins que jamais. J'en vois des tas des parents qui ont des beaux smartphones, le dernier sorti si possible, des belles voitures, etc. et dont les enfants n'ont pas même un crayon digne de ce nom dans le fond de la trousse, quand par chance ils ont une trousse… Tout ce qui brille, malheureux, tout ce qui brille ! Tout ce bling-bling, tout ce paraître, toute cette superficialité qui court, qui vole, qui envahit tout. Cette époque qui incite à ce que tout le monde ait sa minute de gloire, quel en est le prix ? Ne serait-ce pas celui d'une parure ? Et quand on aura tout bien remboursé la belle voiture qui ne vaudra plus rien, le sac LV qui n'était finalement rien qu'un sac, on se rendra peut-être compte que comme la parure, tout cela n'était que toc, que miroir aux alouettes…

Alors oui, lisons, relisons, re-relisons cette Parure et souvenons-nous qu'elle est le symbole de l'époque à laquelle nous vivons, qu'à de très rares exceptions près nous ne sommes tous encore que des prolos et que sitôt qu'on essaie de faire les non-prolos on se trompe, on joue dans une cour qui n'est pas la nôtre et qu'on risque bien de le payer cher pour finalement pas grand-chose au bout, quelques instants de rêve et voilà tout. Mais bien entendu, ce n'est que mon avis, pas brillant, pas parure pour deux sous, pas grand-chose lui non plus, assurément.
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