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Critique de Nastasia-B


Voilà, c'est fait ! Il fallait bien que ça arrive un jour, le plus tard possible, mais non c'est tombé aujourd'hui. Je le gardais sous le coude pour les jours de grand froid, mais j'ai craqué avant, en plein été... « le Horla » était le dernier recueil de nouvelles De Maupassant qu'il me restait à découvrir. Je l'avais gardé exprès celui-là, jalousement, au chaud, dans le double fond de ma table de nuit. J'avais tout dévoré les autres, goulûment, à pleines bouchées, en m'en mettant plein la figure, sans en garder suffisamment dans le creux de mes poches. Et bien voilà, bien fait pour moi, je suis à sec maintenant, quelle tristesse. Il faut vite que je devienne amnésique pour remettre tout ça en route…
« le Horla » est une nouvelle très finement écrite, tout spécialement retravaillée pour la mise en recueil, avec le soupçon de lyrisme qui est propre au style de Guy de Maupassant et qui atteint un degré, parmi les plus élevés ici. Un homme, grand bourgeois ou châtelain normand, se construit une angoisse tenace qui finit par dévorer l'essentiel de son existence. Des éléments de surnaturel, qu'on ne sait dus aux événements mêmes ou aux défaillances de perception du narrateur, ponctuent les pages de son journal intime. Cette nouvelle est réellement parfaite dans son genre et dans sa catégorie de « contes de peur ou d'angoisse ». Mais il s'avère que, personnellement, ce n'est pas ce Maupassant-là que j'affectionne le plus. le régionaliste normand qu'il est me séduit souvent bien davantage et me procure de bien plus vifs plaisirs de lecture. Donc, si vous aimez la facette thriller de l'auteur, vous trouverez que c'est du grand art, pour ma part, j'aime bien mais sans plus.
La nouvelle suivante intitulée « amour », par exemple, bien que beaucoup plus modeste dans son développement et dans ses ambitions, étant typiquement dans la veine régionaliste normande, dans la droite ligne des « contes de la bécasse », m'a littéralement bouleversée. L'auteur y décrit dans son style sobre et efficace, en peu de mots, une scène de chasse et l'émouvant attachement d'un mâle sarcelle d'hiver pour sa femelle fraîchement abattue par les chasseurs. C'est du Maupassant pur jus, ou l'art de jouer juste, sur la corde de notre sensibilité.
« le trou » est l'une des fameuses comparutions devant le tribunal régional, dont il a le secret et où se traitent des différends aussi mesquins que tragiques, tels que l'attribution d'un emplacement de pêche à la ligne, avec les termes fleuris du patois local.
« Sauvée » nous raconte comment une femme s'y est prise pour obtenir son divorce, grâce aux bons soins d'une soubrette tout spécialement engagée pour créer l'adultère.
« Clochette » est encore le récit d'un de ces touchants destins de femmes, à l'instar de « La rempailleuse » dans les contes de la bécasse, qui ont sacrifié leur vie et leurs rêves à l'amour d'un seul homme.
« le marquis de Fumerol » nous présente les derniers instants d'un noble ayant rompu avec la religion et, ce faisant, ayant mené une vie libertine pas tout à fait du goût de sa famille.
Dans « le signe », Maupassant nous relate le piment qu'une femme "comme il faut" peut chercher à mettre dans son existence en "essayant", "juste une fois", de jouer à la dévergondée. Attention aux dommages collatéraux…
La nouvelle que je vous recommande tout particulièrement dans ce recueil est « le diable ». L'auteur nous remet le couvert de ces fins de vie des vieillards à la campagne, qui ne viennent jamais assez tôt et coûtent toujours un peu trop cher. C'est mon coup de coeur du recueil.
« Les rois » est une énième évocation de la guerre franco-prussienne de 1870, mais cette fois-ci sous un angle original. L'organisation d'un gueuleton à l'occasion de l'épiphanie. Vous imaginez bien qu'il faut que surgisse un petit malheur sinon Maupassant y perdrait sa réputation.
Les nouvelles « Au bois », « Une famille » et « Joseph » sont l'occasion pour l'auteur de retourner sur ses thèmes favoris, à savoir, respectivement les bonnes moeurs des honnêtes gens, la misère et le carcan de la vie familiale et un bon vieil adultère comme Maupassant les aime.
« L'auberge » est une étonnante scène de survenue de la démence dans un refuge alpin isolé.
Et enfin « le vagabond » est la dernière de mes favorites pour ce recueil, avec une dénonciation sociale forte et bien menée sur un charpentier, contraint de quitter son village natal faute de travail, qui se démène sur les routes pour trouver de l'ouvrage mais que les braves gens laissent crever de faim, et qui finalement, termine par se rendre coupable de tous les maux dont on l'accusait tandis qu'il était encore innocent et qui pour une journée de délits par moisir vingt ans en prison. Bel exemple de ce que la société peut produire comme délinquance quand elle est incapable de donner du travail et de la dignité à chacun.
Pour conclure, un bon recueil, solide, homogène, plaisant, mais pas mon préféré d'où mes quatre étoiles sur cinq, mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire pas grand-chose.
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