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sur 8658 notes
Avant la lecture de ce livre, je ne connaissais de Guy de Maupassant que les nouvelles (que j'ai quasiment toutes lues). Et, pour ne rien vous cacher, je me sens un peu déçue par cette lecture : eu égard à ce que j'avais trouvé dans ses écrits courts, j'attendais plus de ce roman.

Ce que j'aime dans ses nouvelles, c'est justement l'émotion intense qu'il est capable de susciter en quelques pages ; c'est la profondeur et la permanence des personnages qu'il est capable de générer : je ferme les yeux et je me souviens instantanément d'une foule de ses personnages.

La sublime putain de Boule de Suif, la répugnante avare du Parapluie, le touchant Simon dans le Papa de Simon, la gaité communicative de l'énorme Toine, le sang froid incroyable du Père Milon, l'atroce drame vécu par celle qui se fait surnommer « Madame Baptiste » ou encore celui vécu par le malchanceux paysan de la Ficelle, etc.

Bref, en quelques coups de pinceau, il sait, il a le talent de brosser des personnages incroyablement crédibles et vivants, des personnages marquants, sans caricature excessive, des gens qu'on croirait connaître.

Or, et c'est ce qui me gêne un peu ici, les nouvelles — qui font normalement la part belle aux événements, contrairement au roman, qui lui est plutôt censé être le terrain de jeu favori des personnages — et bien, les nouvelles De Maupassant, dis-je, me semblent souvent plus abouties, quant aux personnages, que ceux de ce roman, ce qui est tout de même un comble. Je redoute d'oublier cette Jeanne beaucoup trop rapidement sitôt que j'aurai fermé les yeux.

Je ne peux pas m'empêcher de voir dans Julien (le mari de l'héroïne) une espèce de caricature du goujat. On sent que l'auteur souhaitait davantage régler ses comptes avec les gens de la haute société plutôt que de mettre sur pied un personnage réellement crédible, non monolithique, touchant par certains aspects.

Selon moi, Jeanne est une naïve naïve ; Julien, un goujat goujat, l'abbé Tolbiac, un fanatique fanatique, etc. J'aurais tellement mieux aimé avoir affaire à des personnages plus complexes, plus nuancés, à une naïve hédoniste, par exemple (comme semblait l'avoir été sa mère), un goujat flambeur (une espèce de Rastignac, pourquoi pas ?), un fanatique généreux (un peu dans le genre des syndicalistes de Steinbeck dans En un combat douteux), etc.

Bien entendu, ce ne sont que des exemples, mais juste pour avoir la sensation que ces personnages avaient différentes facettes ou, mieux encore, voir leur caractère évoluer au cours des années, car le roman s'étale tout de même sur environ vingt-cinq ans : il y avait le temps.

Je reviens (peut-être lourdement et auquel cas je m'en excuse auprès de vous) au parallèle avec les nouvelles du même auteur. Dans celles-ci, il s'efforce de rester assez extérieur (même si l'on se doute à chaque fois de quel côté penchent ses opinions) de nous présenter les choses et de nous laisser relativement libres de nos interprétations.

Ici, c'est tout différent : l'auteur souhaite — un peu trop à mon goût — imposer au lecteur ce qu'il doit penser de ses personnages et, par le fait, cela me séduit moins ; j'y développe moins d'empathie que pour bon nombre de nouvelles.

On ne peut toutefois pas dire que cela soit un roman désagréable à lire, ni même qu'il soit raté, mais je le trouve moins à point que ce que j'aurais espéré. (Notons au passage que Guy de Maupassant a recyclé dans Une Vie un certain nombre de nouvelles déjà publiées ailleurs : j'ai reconnu notamment Voyage de noce, Histoire Corse, Conte de Noël, Vieux Objets, etc.) Nous allons donc suivre, à l'époque de la Restauration, un quart de siècle de la vie d'une jeune noble provinciale.

Élevée chez les soeurs, sortie pleine d'idées hautes sur l'Amour, le Mariage, les Hommes, et, en un mot, la Vie. La demoiselle, devenue promptement dame, va vite déchanter. Contrairement à Emma Bovary, elle ne passe pas des heures à lire des livres en regardant tomber la pluie mais l'on sent tout de même qu'elle s'ennuie ferme dans son manoir normand de bord de Manche.

Et son mari est ce que l'on peut nommer, sans excès de féminisme, un salaud. La malheureuse Jeanne en voit de toutes les couleurs mais, et c'est là que je trouve que le personnage manque cruellement de profondeur, bon sang qu'elle est passive, bon sang qu'elle est résignée ! Jamais une once, une parcelle, un fin liseré de rébellion en elle…

Entre des parents poules qui la couvent de leur éternelle bienveillance, un mari coureur, mesquin, violent des relations de voisinage quasi inexistantes et un cruel manque d'imagination, il ne restait plus à Jeanne qu'à avoir des enfants…

Et on peut dire que là aussi, elle a tiré le bon numéro ! Avortons dans ses jeunes temps puis nullissime ensuite, tout juste bon à croquer la fortune et s'amouracher de la première venue, on peut, là encore sans cynisme excessif, affirmer que la maternité n'a pas comblé toutes les espérances de Jeanne.

Alors que reste-t-il, me direz-vous ? Eh bien ça, ce sera à vous de le découvrir, car c'est, me semble-t-il, tout le fond du roman, ça, le « que reste-t-il ? ». Donc, une impression pas désagréable mais pas non plus franchement enthousiaste me concernant. Cependant, d'autres avis sont très différents du mien et je vous invite à les consulter car ceci n'est, bien entendu, que mon a-vie, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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« Une vie ». Il s'agit bien là de la narration d'une vie : celle de Jeanne le Perthuis des Vauds, fille de bonne famille, de sa sortie du couvent du Sacré-Coeur – elle a dix-sept ans – aux vieux jours, enfin apaisée.
Une vie, certes, mais aussi et surtout, un mariage… raté… Un mariage avec Julien de Lamare , fils d'une noblesse déchue qui s'avèrera un piètre et brutal amant, ainsi qu'un mari infidèle et avare. Et bien pire encore…

Dans cette fin de XIXème siècle si prolixe – « Une vie » a paru en 1883, la même année que « Au bonheur des dames » de Zola Maupassant nous livre son analyse de la noblesse de terre, dans sa Normandie si chère. Une noblesse à l'image du climat de la région, jamais ni chaud ni froid : bon.
Autour du Baron Simon-Jacques le Perthuis des Vauds ; on voit évoluer domestiques, journaliers, paysans, tous croqués avec une grande justesse. Et le Curé ? Peut-être un peu caricatural, mais en même temps tellement vrai !
Enfin, et c'est devenu un lieu commun : la Nature, véritable personnage du roman, magnifiée par la plume si belle de l'auteur.

Je persiste et je signe ( et pas seulement pour faire plaisir à Nastasiabuergo qui partage mes origines normandes et un goût certain pour Maupassant ) : Maupassant, n'est pas du « sous-Zola campagnard » ; c'est du grand ! du très grand !

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Tout a déjà été dit, de façon souvent très brillante sur ce roman De Maupassant.
Je ne parlerai donc que de mon ressenti de lectrice.
Lorsque j'ai ouvert ce livre pour la première fois, je devais avoir quinze ou seize ans, un âge où l'on croit qu'amour rime avec toujours et qu' « Une vie » ne peut être que belle.
En découvrant le tragique destin de Jeanne, j'ai versé bien des larmes sur l'injustice de son sort.
Quelques décennies plus tard, je sais que tout n'est pas rose dans « Une vie », mais qu'elle peut-être magnifiée par des romans intemporels à lire et relire.
Maupassant est un ami, il a toujours été auprès de moi tout au long de ma vie.
J'ai une préférence pour ses nouvelles et j'aime m'y plonger régulièrement avec chaque fois le même plaisir.

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C'est le premier roman que je lis De Maupassant, j'avais déjà lu des nouvelles ("le Horla", "les contes de la bécasse" que j'avais appréciés.

Mais ce roman m'a enveloppée d'une couverture de tendresse et de révolte.

Jeanne, qui a passé 5 ans au couvent en sort avec des rêves de jeune fille : rencontrer le grand amour comme dans les contes de fées, vivre intensément, être choyée par ses parents qui l'adorent. Une jeune fille très sage avec des espoirs et souhaits aussi sages qu'elle.

Lorsqu'elle rencontre le beau Julien de Lamare, elle croit que ses rêves sont désormais réalisés. Dès la nuit de noces, Julien se comporte en goujat et Jeanne n'est pas revenue de ses désillusions, Julien se révélant avare, infidèle, sans coeur et tyrannique ... Jeanne voit s'effondrer tous ces rêves et illusions.

De plus, elle s'ennuie dans la campagne normande où il lui semble désormais vivre sans projet, sans autre avenir qu'une routine perpétuellement recommencée.

Elle ne trouvera un peu de paix qu'au seuil de la vieillesse mais au prix de quels renoncements ! ... Et se remémorera désormais les beaux instants de sa vie passée, oubliant le pire pour ne garder que le meilleur.

Ce roman m'a bien souvent évoqué "Madame Bovary", non pas dans les réactions des personnages, Emma se révolte alors que Jeanne est résignée, Charles est un brave homme un peu balourd alors que Julien est une fripouille sans états d'âme mais dans leurs rêves de jeunes filles qui s'avèrent la déception de leurs vies.
Cela n'est pas très étonnant quand on sait que Flaubert était en quelque sorte le père spirituel De Maupassant.

L'écriture est magnifique et je me suis laissée bercer par cette atmosphère sans hâter ma lecture afin de profiter au maximum de sa beauté.

Un livre qui est donc, à mes yeux, un véritable chef d'oeuvre, tout en douceur, on glisse sur les mots comme sur une barque tranquille.

Et je me demande, nonobstant la différence d'époque et l'évolution des moeurs qui en découle si la plupart des jeunes filles actuelles n'ont pas encore les mêmes rêves, souhaits et aspirations de Jeanne ou d'Emma
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Cruel ! Poignant ! Tel est ce roman de Guy de Maupassant, paru en 1883 ! La triste histoire de cette jeune fille trop inexpérimentée, trop passive comme beaucoup de femmes à cette époque !

Ce livre m'est tombé dans les mains l'année dernière par la prof de français. Elle distribuait des livres (différents) empruntés au CDI du lycée et il fallait faire une fiche de lecture pendant les vacances.

Le début n'est pas très accrocheur, voire décourageant : énormément de description et peu d'action. J'aurais sûrement lâché si je n'étais pas obligé de le lire (pardonnez mon manque de courage !) et j'avais tendance à penser à autre chose quand je lisais le début et quand j'ai lu le passage où la jeune Jeanne rêvait d'amour et de romanesques promenades avec l'élu de son coeur, j'ai cru que la prof s'était moquée de moi ! Pourtant, je pensais que cela n'allait pas durer longtemps (en connaissant le pessimisme De Maupassant).

Les descriptions étaient certes, très longues, mais certains montraient la beauté de la Normandie et sa poésie, l'attachement de Jeanne pour ses parents etc.

Puis, tout change au moment où elle rencontre le séduisant et noble vicomte Julien de Lamare. Il se rencontrent, s'aiment, se fiancent et se marient. Que rêver de mieux quand on est une jeune fille de bonne famille, sortant du couvent ?

Hélas, Jeanne commença à déchanter lors de la nuit de noces où elle découvre chez Julien, une brutalité sexuelle inconvenante ! Cependant, la passion revient pendant le voyage de noces en Corse mais s'éteint définitivement au retour. Les jours deviennent mornes et Jeanna verra en Julien, un homme impitoyable et avare et égoïste et adultère ! Il lui fera cependant un fils à qui elle donne tout son amour mais celui-ci ressemblera à son père en tous points et ne sollicitera sa mère que pour payer ses dettes !

De nombreux thèmes sont évoqués : innocence, passion, trahison, avarice, infidélité, brutalité, fanatisme religieux (avec l'abbé Tolbiac), le libertinage (de nombreuses jeunes femmes étaient enceintes quand elles s'étaient mariées), l'anticléricalisme (avec le père de Jeanne), l'assassinat passionnel, la jalousie, l'ingratitude de la progéniture, la passivité de la femme de l'époque (pas toutes pourtant, il faut prendre du recul), tristesse, pessimisme etc.

La seule chose que l'on ne pourrait pas reprocher au fanatique abbé Tolbiac est le fait qu'il avait exhorté à Jeanne de quitter son mari infidèle mais celle-ci ne le fera pas par pure passivité !
( Info : l'abbé Tolbiac qui a succédé au laxiste abbé Picot, nous voyons alors deux extrêmes religieux : le fanatique et le laxiste.)

Jeanne devient surtout irritante : son mari la trompe, elle ne fait rien, son fils la rejette, elle ne fait rien, tout s'effondre autour d'elle, elle ne fait toujours rien ! On n'a qu'une envie, la secouer de toutes nos forces !

Finalement, Jeanne autrefois si belle et si remplie de vie, devenue, vieille et précocement fanée, sera recueillie par sa soeur de lait, la paysanne Rosalie qui lui dira de cesser de payer les dettes de son fils. Jeanne retrouvera finalement goût à la vie en prenant avec elle sa petite-fille issue de l'union de Paul, fils de Jeanne et d'une prostituée.

Et voici la phrase finale qui illustre, conclut et résume tout : La vie, voyez-vous, ça n'est jamais ni si bon ni si mauvais qu'on croit.
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Une vie. Une vie pleine de l'espoir de la jeunesse. Une vie remplie du désir et du rêve de l'amour du partage et de l'amour exclusif. Et puis celle qui montre son visage lorsque les illusions s'effritent, celle de l'on découvre et qui nous était cachée et toute la souffrance du monde dans un seul coeur. Devoir se résigner à vivre pour juste exister et enfin se rattacher à l'amour véritable; celui d'être parent, de tout vouloir donner pour protéger et lui épargner de vivre notre douleur, l'enfant comme un bouclier contre le désespoir. Tout redevient possible et la lumière crève les nuages du ciel de Normandie.

Jeanne la naïve, Jeanne l'espiègle, Jeanne l'écartelée, avec son désir de croire alors que ses yeux ne lui mentent pas. Le doute, quand il s'installe creuse son trou et on ne peut plus le déloger. Elle est bien élevée Jeanne, elle est la proie idéale pour la tromperie et le mensonge. La mer se fracasse contre les falaises, le vent siffle sur le manoir et perce les volets. Les arbres dépouillés de leurs feuilles se balancent et ne savent plus de quel côté pencher. Les longs hivers humides mettent en attente et en sommeil les illusions perdues qui renaissent avec les jours tièdes, mais discrètes et fragiles.
Et quand l'infidélité finit par tuer, c'est toujours le même ciel qui se rapproche encore un peu plus près du château. Il n'y a plus de parents qui consolent, il n'y a plus que lui qui grandit trop vite et qui glisse vers le dehors, cet inconnu si loin du corps. Rien n'est jamais perdu Jeanne, car quand tout n'est réduit qu'a si peu il est toujours possible de se dire "la vie voyez-vous, ce n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit!".

Une vie c'est la confrontation des idéaux à la réalité. L'enfermement de la femme dans les principes de l'éducation et la force nécessaire d'assister à sa vie en n'ayant pas de prise sur les évènements et les décisions.

Un roman bouleversant que je découvre sur des conseils avisés. le hasard a voulu que je passe un séjour dans une petite maison de pêcheur à Yport, petit port d'échouage de la côte Normande deux semaines avant ma lecture, ce qui m'a permis d'être vite immergé dans l'environnement romantique dans lequel se déroule l'histoire, entre Fécamp et Etretat, région chère à Maupassant pour y avoir vécu pendant son enfance.

Que reste t-il de ma lecture de "une vie"? de la compassion, comme une douleur partagée, un sentiment d'injustice, une atmosphère de tempête... Une envie de relire Maupassant et de revoir le ciel et la mer qui se mélangent au loin des falaises de Normandie.
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Ce n'est pas une vie, aurait pu intituler Maupassant son premier roman. Car c'est une non-vie, celle de Jeanne, élevée au couvent, éprise d'un amour idéal qui se heurte à la réalité brutale d'avoir un homme dans son lit.
Comme Emma, Jeanne ne connaît rien.
Au contraire d'Emma, elle ne se rebelle jamais, elle ne va pas chercher ailleurs.
Son mari la trompe avec la bonne ? Puis avec une comtesse ? Ses parents insistent pour qu'elle accepte la trahison? L'abbé, « curieux des mystères du lit qui lui rendaient plaisant le confessionnal », comprenant les besoins des hommes, « En connaissez vous beaucoup des maris qui soient fidèles ? ») fait remarquer à son père que sans doute, lui aussi a fait de même ? Pire, elle découvre que sa mère, comme Emma, a eu un amant.
Eh bien, elle accepte, prisonnière du « trou » du mariage, des mensonges entre ce qu' elle a cru être la vérité de l'amour, et la crudité des premiers instants au lit.
Puis, elle connaît le plaisir, au cours de son voyage de noce en Corse, après avoir joué à l'eau d'une source avec son mari. Une ile, entouré d'eau, la transporte en dehors de ce monde de préjugés où la sensualité est étouffée. Elle est ailleurs, elle est libre, il y a de l'eau, elle connaît la jouissance, dont Maupassant détaille franchement l'érotisme.
A l'aide d'images explicites, il montre l'exaltation sexuelle de Jeanne au sortir du couvent « Elle descendait, en gambadant , les petites vallées tortueuses, dont les deux croupes portaient, comme une chape d'or, une toison de fleurs d'ajoncs » ne s'appesantit pas sur la traversée de la France en calèche : l'important, c'est la mer, « un triangle de mer bleue » que Jeanne regarde indéfiniment à sa fenêtre, « toute vibrante d'une jouissance exquise » c'est l'eau de pluie aussi, car il pleut vraiment beaucoup en Normandie « Jeanne, sous ce ruissellement tiède, se sentait revivre ainsi qu'une plante enfermée qu'on vient de remettre à l'air ;et l'épaisseur de sa joie, comme un feuillage, abritait son coeur de la tristesse. ».
La jouissance, la mer, l'amour de son fils : malgré les apparences de cette vie gâchée, Jeanne , tout en s'engourdissant, car elle n'est pas du tout dégourdie comme Emma, tout en s'ennuyant, parce que les ébats de Corse ne se renouvelleront pas, tout en attendant sans savoir ce qu'elle attend, continue son bonhomme de chemin.
Maupassant a-t-il voulu nous dresser un tableau de la petite noblesse campagnarde de Normandie ? A-t-il voulu faire un réquisitoire de la situation des femmes de ce début du XIX siècle ? A-t-il dénoncé le ligotage lié à la caste, au rang, à la fortune, ligotage des femmes, sous la coupe de la domination masculine ? A-t-il consciemment montré l'impunité des hommes, par exemple le mari, goujat égoïste, qui, en plus de tromper sa femme, veut économiser de façon radin l'argent qui n'est pas à lui ? Ou du paysan qui n'accepte pas d'être « doté » moins que promis s'il se marie avec la bonne Rosalie (engrossée par le goujat)? Ou du fils unique aimé follement et tellement follement qu'il part, demande sans cesse de l'argent, et ne reparait jamais ?
Ou de la liberté sexuelle des pauvres de la campagne, contrastant furieusement avec la pruderie des classes pourvues ?
A-t-il campé exprès deux personnages totalement différents ? La tante Lison, dont personne ne s'aperçoit de la présence, et qui meurt sans attirer l'attention.
Et puis l'abbé Tolbiac, (remplaçant le prêtre gaillard ) qui extermine une chienne en train de mettre bas, tellement la chair lui semble haïssable, pour lequel Maupassant use de qualificatif d'inquisiteur, de haineux, de fanatique rigide. L'un comme l'autre n'existent pas dans leur chair, l'une, vieille fille résignée, l'autre, intégriste intolérant.

Ou, peut-être, sans autre idée que le conte, Maupassant raconte, tout simplement, il s'agit d'une vie comme une autre, banale, acceptée : grâce à son recours stylistique de la répétition , nous lecteurs acceptons sans révolte, pris dans l'alternance des drames et de l'attente pourtant sans fin de Jeanne, à son engourdissement, aux répétitions de ce non-être, cette vie dessinée en creux.
Et c'est un chef d'oeuvre.
La vie, voyez-vous, conclut Rosalie, « ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit ».
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Jeanne, l'héroïne du roman, sort du couvent.
Ses parents, baron et baronne sont appelés respectivement petit père et petite mère.
Une grande affection les lie à leur fille unique;
Ils sont généreux, naïfs. Ils ont l'air d'évoluer dans un monde bien à eux.
Jeanne reçoit un manoir " Les peuples"en héritage .
Elle rêve de rencontrer le grand amour.
Le prêtre de la paroisse leur présente le jeune vicomte Julien de Lamare.
Trois mois après, ils seront mariés et partiront en voyage de noces en Corse.
Jeanne, malgré son ignorance, se révèlera bien sensuelle mais tout cela sera terminé dès son retour.
Le mari se montre avare et s'absente du lit conjugal et pour cause, il couche avec la bonne, Rosalie, la soeur de lait de Jeanne. Il se révèlera un bien piètre mari.
Tous ces évènements sont vécus avec beaucoup de passivité et d'abnégation de la part de Jeanne et de ses parents.
Nous suivrons Jeanne jusqu'à la fin de sa vie .
Le roman porte très bien son nom. Adultère, générosité, avarice, vengeance, amour, affection, hypocrisie.... : tous les aspects d'une vie sont abordés.
La religion y est très présente ainsi que le côté anticlérical du baron.
J'apprends que c'est le premier roman De Maupassant.
Il est magnifique, je n'ai pas manqué une ligne, un mot tant l'écriture est belle.
Il faut dire que j'avais déjà été charmée dans le roman "Pierre et Jean".
Le film finit de passer à l'écran mais je n'ai pas envie d'aller le voir : on m'abîmerait les images que je me suis créée en le lisant.
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Une femme, à la fin du XIXe siècle, va voir, peu à peu, tous ses rêves et ses espoirs se briser les uns après les autres. Alors que, par sa condition sociale, elle avait tout pour être heureuse. Lu plusieurs fois, il y a longtemps, cette descente dans le malheur m'a toujours interrogé. Maupassant a toujours été fâché avec le bonheur de ses personnages, décrivant plus souvent leurs déboires que leurs réussites. (Ou alors ce sont des réussites douteuses comme « Bel-ami »). Mais avec la déchéance de cette femme, il y va fort. C'est d'ailleurs à peine réaliste, tant elle semble cumuler tous les malheurs du monde. Ce qui est sûr, c'est qu'il décrit le passage d'une société à une autre, la fin de la noblesse et la prédominance de la bourgeoisie qui s'affirme. de plus l'environnement du pays De Caux, est magnifiquement dépeint. J'ai une amie, qui m'a dit arrêter de lire Maupassant, trop « déprimant ». Je comprends. Mais l'analyse de la société qu'il fait est d'une grande justesse. Tout comme les autres auteurs de cette époque, comme Flaubert, Zola ou Balzac...
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"""On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts."""

Une vie commence devant un tableau : Pyrame, croyant Thisbé morte, se suicide ; Thisbé, découvrant le corps de Pyrame, se tue.

Hors du tableau, les yeux et les bras grands ouverts, Jeanne apelle la vie. Ce n'est pas cette vie là que Jeanne vivra, mais une autre, faite de vide, de désillusions, de déceptions, de profits, de mensonges.

Elle qui avait besoin de "frotter son coeur à des coeurs honnêtes" n'en trouvera point. Elle aura un mauvais mari, un mauvais fils, un mauvais abbé, quelques faux amis, peu de soutien.

Premier roman de Guy de Maupassant, Une Vie brosse le portrait en creux d'une femme arrivée sans savoir dans une vie de plain-pied. On suppose que c'est un peu le cas de sa mère et de sa tante, Subir.

Jeanne attendait l'amour ; elle découvre le sexe. Jeanne attendait la complicité ; elle découvre la trahison. Jeanne a échappé à Zola : il y a toujours autour d'elle quelque personnage protecteur ou arrangeant : le baron, l'abbé Picot, Rosalie, lui évitent les abysses.

Un livre ou, selon Jeanne, il ne se passe rien. Une chûte. Un Bel Ami à rebours parti d'en haut pour tomber sur le pavé. Par l'amour, tout pareil. Sans un rebond.
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