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Thérèse Desqueyroux, comme les trois mousquetaires, vingt ans après.... Plaisanterie à part, si Mauriac ne parvenait pas à faire mourir son héroïne (il y eut d'autres nouvelles : "Thérèse chez le docteur", "Thérèse à l'hôtel", assez décevantes au demeurant), c'est dans ce livre que Thérèse prend toute sa profondeur, dans cette "nuit" qui est la sienne après le rejet de sa famille (suite à sa tentative d'empoisonner son mari). Ce drame qui est le sien (je sais bien que Mauriac n'aimait pas ce mot, sans doute trop connoté bourgeois, mais comment dire autrement ?) , le fait d'être différente, plus intelligente, plus manipulatrice, ce drame prend ici une profondeur vertigineuse. La solitude de Thérèse renforce la cruauté impitoyable de l'analyse de Mauriac : jouant sur les oppositions conflictuelles entre les intelligents et les imbéciles, les sensibles et les indifférents, ceux qui doutent et ceux qui, sachant toujours tout, sont en permanence sûrs d'eux-mêmes, le romancier détache la grande ombre de Thérèse sur fond de banalités, de mesquineries et de quotidien, comme reflétant la part maudite de solitude et de désespoir que chacun d'entre nous porte en soi. Qui peut détester Thérèse ? Elle nous fascine, nous subjugue, nous fait peur quelquefois, mais comment pourrait-elle nous laisser indifférente ? Je pense qu'elle m'accompagnera longtemps encore, comme une amie redoutable qui ne m'eut rien laissé passer, et qui serait en quelque sorte mon "ange noir", celui qui met à nu sous son regard lucide ce que l'on souhaite cacher de soi-même et peut-être aussi se cacher à soi-même, tout en sachant que c'est le fait de connaître ses faiblesses qui permet d'aller plus loin. C'est le propre des grandes intelligences que de nous aider à nous éveiller à nous-mêmes. + Lire la suite |