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EAN : 9782253009016
187 pages
Le Livre de Poche (01/01/1984)
3.82/5   377 notes
Résumé :
La terre ne trembla pas ; il n'y eut pas de signe dans le ciel, le jour où Jean Péloueyre, "le grillon", "pauvre figure de Landais chafouin, triste corps en qui l'adolescence n'avait su accomplir son miracle habituel", épousa Noémi d'Artailh. "On ne refuse pas le fils Péloueyre", des métairies, des troupeaux, lorsqu'on a pour tout bien dix-sept ans, "des yeux pareils à des fleurs noires, ... une tête brune et bouclée d'ange espagnol", les promesses rêvées d'un "beau... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (58) Voir plus Ajouter une critique
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François Mauriac - le Baiser au lépreux - 1922 : Il y a du Maupassant dans ce roman terrible qui dissèque de belle façon la psychologie de deux personnages mariés que tout sépare. Lui est laid, petit, presque infirme mais riche. Elle est belle, jeune, simple mais sans fortune. La marier à cet homme c'est une façon pour son entourage de sortir de la misère et des ennuis. On ne refuse pas un tel parti dans la France rural du début du vingtième siècle. Peu importe que leur vie de couple se transforme en un véritable combat contre la peur, le dégoût et la pitié. Ne supportant plus le regard de sa femme et ses gestes d'épouvante quand il l'approche, l'homme s'exile loin de sa maison la laissant en proie à des tentations qu'elle n'assouvira pas à cause de la morale bourgeoise et par peur de la damnation éternelle. Quand il reviendra ce sera pour mourir de tuberculose et de chagrin. Mais les épreuves ne sont pas finies pour autant, le vieux père est encore vivant et il consent à la mettre sur son testament uniquement si elle ne se remarie pas. Les années passant, elle renoncera au bonheur amoureux et charnel pour s'enfermer dans un conformisme de femme aigrie et vertueuse. C'est le premier succès de ce grand écrivain parut en 1922. On a souvent dit que François Mauriac peu gracieux lui-même s'était servi de ces frustrations de jeune homme pour imprimer à ces lignes un désespoir latent qui sera par la suite un des éléments principaux de son oeuvre. L'écriture était sans fioriture, sèche comme le vent d'hiver qui déshabillent les arbres de leurs dernières feuilles mais riche en même temps de sentiments contrits par la vie et de pensées amoureuses blasphématoires. François Mauriac mettait en scène son Emma Bovary, mais loin d'être aussi libérée que l'originale Noémi d'Artailh ne passait jamais à l'acte préférant s'étouffer dans ses envies pour conserver une fortune qui ne la rendra finalement pas heureuse. La description d'un monde paysan ayant abdiqué depuis longtemps toute considération humaine était assez proche de celui relaté trente ans plus tôt par Zola dans «la terre». Alors que tous ces gens se précipitaient en masse à l'église leur seul dieu véritable ou plutôt leur seul diable était cet argent qui corrompait dans les campagnes mais aussi dans les villes tant de vie et de bonheur. «Le Baiser au lépreux» évoquait la misère de vivre qui nourrit tant de romans français à l'époque au point d'en faire un genre prépondérant. En effet avant l'avènement de la France dite moderne il était difficile de trouver des recueils qui donnaient le sourire, le roman ne pouvant être aux yeux du lecteur qu'un vecteur dédié à nourrir son vague à l'âme. «Le Baiser au lépreux» agit encore comme un pôle négatif qui pourtant impressionne par sa noirceur et son implacable réalisme… effrayant
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Trop petit, les joues creuses, de vilaines dents, un nez rougeaud, long et pointu, un front prématurément ridé puisqu'il va seulement sur ses vingt-trois ans ; c'est le premier portrait de Jean Péloueyre qui attaque cette première page. L'accent est donc immédiatement porté sur sa laideur puisque c'est celle-ci qui sera au coeur du sinistre et âpre destin qui attend ce pauvre Landais. L'auteur va même jusqu'à le qualifier de cloporte ou de grillon, insistant sur le caractère hideux de son personnage, renforçant ainsi l'image d'un homme perclus dans sa laideur.
Orphelin de mère, il se plie amèrement à l'absolu silence exigé par son père maladif durant les longs après-midi de siestes sacrées.

François Mauriac, d'une phrase, plante l'atmosphère, le décor. S'en échappe, sans aucune insistance, la sensation d'étouffement de cette maison lugubre où la maladie du père, puis plus tard celle du fils, appesantissent l'atmosphère. On ressent parfaitement cet engourdissement qui règne entre ces quatre murs. L'extérieur nous sera subtilement suggéré par le chant d'un coq, les plaintes d'un porcelet, les cloches sonnant un glas ou l'angélus.

La vie de Jean se résume à chasser les pies, soliloquer avec force gestes, ce qui lui attire les moqueries du bourg, se raccrocher à la foi pour tenter de combler tout ce que sa laideur lui a refusé depuis l'enfance. Il se surprend à haïr ceux aux physiques avantageux dont les portes sont ouvertes vers tout ce qui lui est refusé. D'ailleurs, sa tante et son fils, guignant la fortune du vieux Jérôme Péloueyre ne se privent pas de lui coller l'étiquette de « non mariable ». Leur anticléricalisme amènera le curé, refusant vivement que la fortune et la notoriété des Péloueyre aillent à ces mécréants, à arranger rapidement le mariage de Jean avec la belle Noémi.
L'auteur donnera à Noémi l'image d'une fleur bien jeune mais brutalement coupée par ce mariage imposé. Un refus n'est pas envisageable, elle se doit d'obéir à M. le curé et une telle chance de fortune ne se refuse pas.

Cette sordide histoire prend ses racines dans l'obéissance à des conventions morales, catholiques, sociales et financières du début du XXe siècle.
Dans ce couple horriblement mal assorti, la présence de Jean flétrira la jeunesse de Noémi dont le dégoût de ce mari se bataillera avec ses remords de ne pouvoir l'aimer. Celui-ci s'évertuera à rentrer le plus tard possible, tristement conscient de la répugnance de son épouse. Ce couple sera rongé de part et d'autre alors que le père se sentira partiellement revivre sous les bons soins de sa bru, jouant avec cet héritage qui continuera à plomber le devenir de la jeune fille.

L'écriture très concise de François Mauriac nous offre ici des combinaisons syntaxiques d'un très bel effet. À plusieurs reprises, il montre également une capacité étonnante à nous servir en une seule phrase des faits cruciaux dans l'avancée de ce drame conjugal.

Entre le vieux Jérôme se traînant dans sa robe de chambre « souillée de remèdes », l'aversion de Noémi rongée par le besoin d'amour et le poids de la vertu, la détresse macabre de Jean, ce roman est profondément et impitoyablement dramatique.
La possession de ces terres landaises, soufflant leurs effluves de résineux, mènera à de misérables destins.
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J'ai hésité à faire ce billet pensant ne pas être la personne la plus objective pour entreprendre une critique d'un livre de François Mauriac, surtout quand celui-ci m'entraîne en terre Bazadaise pour me perdre dans la lande sous les grands pins qui saignent une résine entêtante.
Je retrouve mes racines qui troublent ma raison m'empêchant de faire, comme il se devrait, une critique sereine.
N'empêche, on ne peut qu'être admiratif devant la construction de ce roman qui aspire le lecteur avec un incipit tentateur.
Nulle phrase inutile, tout est à sa place comme chaque pièce d'un puzzle que l'auteur imbrique une à une avec patience nous conduisant inexorablement vers la vacuité de la condition humaine.
D'aucuns trouveront parfois le style daté (1922), que ce roman ressemble davantage à une longue nouvelle, seule réserve empêchant d'attribuer cinq étoiles à ce livre qui révélait enfin un auteur accompli alors qu'il n'était qu'à l'aube de son triomphe.
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« le baiser au lépreux », court roman, longue nouvelle ? Peu importe : c'est dense…
Nous sommes fin XIXème, début XXème… Peu importe, également… Une maison dans un village de la lande girondine. Là vivent Jérôme Péloueyre , le père plus ou moins hypocondriaque et son fils, Jean, orphelin de mère dont la laideur n'échappe à personne ; pas même à lui : « tout son être était construit pour la défaite », nous dit François Mauriac.
Les Péloueyre sont riches et pratiquants et Jérôme voit d'un mauvais oeil sa succession arriver dans la besace de ces mécréants de Cazenave, oncle et tante de Jean. Par l'entremise du curé, on propose à Jean d'épouser la belle Noémi d'Artailh, qui, malgré la laideur de Jean est quand même prête à l'épouser… le mariage sera célébré en septembre, mais Jean ne tardera pas à se rendre compte qu'il n'inspire que répulsion à sa jeune et gironde épouse qui ne tarde pas à dépérir…

Qui n'a jamais entendu le grondement sourd de l'océan qui s'acharne sur la dune ? Qui n'a jamais senti l'odeur d'une pinède après l'orage, l'odeur de cèpes d'un sous-bois l'automne venu, ou celle, capiteuse du seringat en fin d'une chaude journée d'été ? Si c'est votre cas, lisez ce « baiser au lépreux », car en marge du drame qui se joue dans la maison des Péloueyre, François Mauriac n'a pas son pareil pour nous faire sentir ces choses- là ; comme Maupassant en Normandie et Genevoix en Sologne.

Parlons du style : c'est du lourd, comme dirait Lucchini… François Mauriac est un maître dans l'art de ciseler une belle phrase… Jusqu'au vocabulaire, précis, rare… local, même : brande, alios...

Un premier grand succès pour François Mauriac, malgré (ou à cause, allez savoir) le scandale provoqué à sa sortie en 1922. On croise ici la maladie… Et un jeune médecin venu du bourg voisin qui ne semble pas insensible aux charmes de la gironde mais pieuse Noémi…
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En ces terres bordelaises, Jean Péloueyre qui se sait laid préfère éviter la compagnie de ses congénères et chasser seul les pies. Grâce à la complicité de M. le curé, son vieux père hypocondriaque et tyrannique arrange cependant son mariage avec Noémi, une fille du village issue d'une famille désargentée. Un mariage avec un Péloueyre, cela ne se refuse pas.

Ce premier roman de Mauriac est terrible, à tel point que la ressemblance avec son personnage peut sembler troublante. Les faits sont minutieusement consignés, pas un mot de trop pour nous raconter la lente descente aux enfers d'un couple mal assorti dans ce roman de la dévastation.

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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
La vierge mesure de l'oeil cette larve qui est son destin. Le beau jeune homme aux interchangeables visages, le compagnon du rêve de toutes les jeunes filles, - celui qui offfre à leurs insomnies sa dure poitrine et la courroie serrée de deux bras, - il se dilue dans le crepuscule de cette cure, il se fond jusqu'à ne plus être, au coin le plus obscur du parloir, que ce grillon éperdu. Elle regarde son destin, le sachant inéluctable : on ne refuse pas le fils Péloueyre. Les parents de Noémi, s'ils vivent dans l'angoisse que le jeune homme se dérobe, n'imaginent même pas qu'aucune objection vienne de leur fille ; elle n'y songe pas non plus. Depuis un quart d'heure, tout ce que doit lui donner la vie est là, se rongeant les ongles, se tortillant sur une chaise.
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Goulûment Jean Péloueyre regardait cette Noémi qui avait dix-sept ans. Sa tête brune et bouclée d'ange espagnol n'était point faite pour un corps si ramassé; mais Jean adorait le contraste d'un jeune corps dru, mal équarri et d'un séraphique visage qui faisait dire aux dames que Noémi d'Artiailh était jolie comme un tableau. Vierge de Raphaël qui eût été ragote, elle émouvait chez Jean le meilleur et le pire, l'incitait aux hautes pensées comme aux basses délectations. Déjà son cou, sa douce gorge luisaient de moiteur. Des cils indéfinis ajoutaient à la chasteté des longues paupières sombres : visage encore baigné de vague enfance, virginité des lèvres puériles - et soudain ces fortes mains de garçon, ces mollets qu'au ras du talon, comprimés de lacets, il fallait bien appeler chevilles! Jean Péloueyre regardait sournoisement cet ange; le petit-fils de Cadette, lui, la pouvait regarder en face : les beaux garçons, même du peuple, ont le droit de regard sur toutes les filles.
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Jean Péloueyre, étendu sur son lit, ouvrit les yeux. Les cigales autour de la maison crépitaient. Comme un liquide métal la lumière coulait à travers les persiennes. Jean Péloueyre, la bouche amère, se leva. Il était si petit que la basse glace du trumeau refléta sa pauvre mine, ses joues creuses, son nez long, au bout pointu, rouge et comme usé, pareil à ces sucres d'orge qu'amincissent en les suçant de patients garçons. Les cheveux ras s'avançaient en angle aigu sur son front déjà ridé : une grimace découvrit ses gencives, des dents mauvaises. Bien que jamais il ne se fût tant haï, il s'adressa à lui-même de pitoyables paroles : "Sors, promène-toi, pauvre Jean Pélouyere!" et il caressait de la main une pauvre mâchoire ral rasée.
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Noémie, en sa longue chemise, récitait sa prière devant les étoiles. Ses orteils aimaient le froid carrelage ; elle offrait sa douce gorge à l'apitoiement de la nuit. Elle n'essuyait pas cette larme qui roulait à portée de sa langue mais la buvait. Le frémissement du tilleul et son odeur rejoignaient la voie lactée. Sur cette route du ciel, ses rêves un peu fous ne vagabondaient plus. Les grillons qui crépitaient au bord de leur trou, lui rappelaient son maître. Un soir, étendue sur ses draps et toute livrée à la nuit chaude, elle sanglota d'abord à petit bruit, puis gémit longuement et regarda avec pitié son chaste corps intact, brûlant de vie mais d'une végétale fraîcheur.
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Une heure sonnait - une heure de moins à trembler de dégoût dans la ténèbre de la chambre nuptiale, à épier les mouvements de l'affreux corps étendu contre le sien et qui, par pitié pour elle, feindrait de dormir. Parfois le contact d'une jambe la réveillait ; alors elle se coulait tout entière entre le mur et le lit ; ou un léger attouchement la faisait tressaillir : l'autre, la croyant endormie, osait une caresse furtive.
C'était au tour de Noémi de prendre l'aspect du sommeil, de peur que Jean Péloueyre fût tenté d'aller plus avant.
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