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Critique de Ys


Ce qu'il faut parfois pour faire un nom célèbre... Si un artisan aventurier peu scrupuleux, perdu de dettes et impliqué dans les magouilles politiques douteuses du duc d'Orléans n'avait décidé d'émigrer à Londres dans les premiers temps de la Révolution, de s'y inventer un titre de noblesse et d'allonger son patronyme assez plébéien, Busson, d'un Du Maurier emprunté à une ferme du pays natal, ce nom-là sans doute ne serait-il jamais passé à la postérité. Et peut-être n'y aurait-il jamais eu de George, de Gerald et de Daphné...

Nous voici donc au XVIIIe siècle, dans une famille de souffleurs de verre établie au sud du Perche. Deux générations se succèdent : les parents, des gens paisibles et solides, simples employés d'abord puis bientôt patrons de verrerie, et leurs cinq enfants plus ardents et instables, bientôt secoués par les vents fous de la Révolution. Il y a Robert, l'égocentrique trop ambitieux, Michel, l'éternel révolté, Pierre, l'altruiste insouciant, Edmée, l'intellectuelle révolutionnaire et Sophie, la plus raisonnable, la moins intéressante peut-être mais la mieux placée pour conter l'histoire des siens. La vie simple et laborieuse au sein de la verrerie, le château où ils furent simples locataires mais qui donna sans doute à son aîné d'irrémédiables rêves de grandeur, et puis les grandes peurs des années de fin de règne, la misère croissante qu'on ne peut apaiser, les mauvaises rumeurs colportées pour brouiller les esprits, l'agitation qui gagne, la méfiance et la haine, les pillages et les basses vengeances, les espoirs fous de la Révolution, la honte de ce frère émigré, traître à sa famille et à son pays, dont on ne sait plus rien, qu'on ne veut plus connaitre. La violence croissante, le fanatisme exalté, la peur encore et l'horreur, lorsque déferlent jusqu'au Mans les misérables légions des Vendéens déjà décimés par la famine et la dysenterie, lorsqu'on massacre jusqu'aux enfants dans la rue. La déception, toujours, Robsepierre à l'achafaud et les tièdes au pouvoir, la Révolution qui s'éteint, tout qui redevient, peu ou prou, comme avant - mais avec un arrière-goût de rêve réduit en cendres. Et enfin, les retrouvailles douloureuses avec l'émigré, la famille qui se reforme tant bien que mal sur les débris du passé... et une autre famille, là-bas, à Londres, abandonnée à son sort et qui se croira toujours descendante d'un aristocrate français.

Tout ceci est un peu lent parfois, surtout au début, et les choix de narration manquent un peu de relief à mon goût, mais l'arrivée de la Révolution, le chaos et les problèmes de conscience qu'ils entraînent, rendent ensuite de plus en plus intéressante cette fresque familiale qui permet de vivre les troubles comme dut les vivre le peuple d'alors, loin des grands centres de décision, manipulé, pas toujours dupe mais entraîné par un mélange complexe d'idéalisme et d'esprit de revanche, de bas instincts, d'enthousiasme et d'effroi. Et si les personnages ne sont pas toujours très attachants tant que s'exaltent leurs passions, ils deviennent ensuite assez touchants lorsqu'à l'approche de la fin ils doivent en subir les conséquences, réapprendre à vivre dans ce monde qu'ils ont voulu modeler à leur gré et qui les a laissés sur le bord de la route.

Pour compléter l'histoire, on notera que le fils "anglais" De Robert, Louis-Mathurin Busson du Maurier, épousa Ellen Clarke, fille de Mary Anne Clarke, la scandaleuse maîtresse du duc d'York à laquelle l'auteur consacra un autre roman dont je vous ai parlé il y a quelques mois. Leur fils George, illustrateur et écrivain, était le grand-père paternel de Daphné. Sacrée famille, n'est-ce pas, sur laquelle on comprend qu'elle ait voulu écrire !
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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