Une fois n'est pas coutume : je m'éloigne ce week-end des romans pour faire un tour du côté du théâtre.
On connaît
Laurent Mauvignier pour ces récits – « Histoire de la nuit », très bien construit, «
Continuer », bien mené, ou encore «
Des hommes » - un récit très fort autour des traumatismes liés à la guerre d'Algérie, et le voici dans une pièce de théâtre, intitulée sobrement «
Proches », à la fois pour dire de quoi on va parler, mais aussi comme un clin d'oeil puisqu'il pourrait y avoir eu un point d'interrogation après le nom.
«
Proches » est en effet un huis-clos : on comprend qu'une petite famille est réunie dans l'attente du retour du fils (prodigue ?) prénommé Yohann. Il y a les parents, Didier et Cathy, les deux soeurs, Malou, qui incarne le rôle du personnage principal, et Vanessa, plus jeune. Vanessa est dotée d'un compagnon, Romain (pas le plus sympathique de tous, loin de là) et Malou a son Quentin, et elle va être rejointe par Clément, qui cache lui aussi un secret.
Car des secrets il en est question dans cette famille : on comprend assez vite que Didier et Cathy ont déménagé du lieu où ils ont vécu pendant longtemps suite au drame lié à Yohann. On ne sait pas tout mais on comprend que ce dernier a dû faire une « bêtise ». Et d'ailleurs il apparaît, tel un fantôme, à tel ou tel personnage, pour éclairer des scènes qui se jouent dans le présent.
Pour l'instant il est question de déjeuner chez leur fille, et on se demande si on attend le fils prodigue avant de passer à table, oui bien si on ne l'attend pas et qu'on commence sans lui.
Mais ces personnages sont-ils si «
proches » que cela ? On peut en douter, à lire les règlements de compte entre eux. Il y a beaucoup d'incompréhension entre les différents membres de la famille, d'autant plus qu'ils ne s'entendent pas et s'écoutent à peine. Parfois parlant tous ensemble en même temps, souffrant souvent du syndrome de l'amalgame, ils sont tout le temps sur la défensive, obligés de se justifier (« je n'ai pas dit ça » revient fréquemment dans les propos).
De plus
Laurent Mauvignier ne les épargne pas : qu'ils s'en prennent aux « manouches » (un classique) ou à d'autres boucs émissaires, les clichés fleurissent à tout propos. Ils en deviennent presque caricaturaux, et on peine vraiment à leur trouver des excuses ou à s'attacher un minimum à eux. Même les parents , qui font partie de ceux qui ont particulièrement souffert de l'erreur de leur fils, finissent par s'opposer à leurs filles. Lesquelles filles d'ailleurs ont des discussions à propos du bébé que l'une d'entre elle vient d'avoir (Vanessa) et celui que l'autre rêve d'avoir mais en vain (Malou) – un classique.
Certes on retrouve les thèmes classiques de Mauvignier : les méfaits de la famille et de l'étroitesse d'esprit, les jugements hâtifs surtout en cas de malheur comme celui d'une condamnation de l'un d'entre eux, ou encore l'incommunicabilité entre des êtres d'une même famille qui n'ont pas de langage pour exprimer leur ressenti.
Et le fils prodigue me direz-vous ? Et bien c'est plutôt « En attendant Godot ».
On en ressort un peu groggy devant ce tissu de poncifs, sans ressentir ni attachement ni compassion pour ces être qui nous sont tout sauf «
proches » en définitive. C'est sombre. Cette pièce ressemble à «
Loin d'eux « et aurait pu en avoir le titre, si Mauvignier ne l'avait déjà écrit – je préférerais poursuivre dans la lecture de ces romans pour ma part.