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Critique de ComptoirDesConnaissances


Le Dernier Magicien est une saga en trois tomes dans laquelle seuls les deux premiers sont pour l'instant sortis en français. Cependant la fin de la trilogie ne saurait tarder. Lisa Maxwell, l'autrice, est une habituée du milieu éditorial car avant de devenir autrice, elle a été libraire et éditrice. C'est pourquoi nous pouvons nous attendre à un récit particulièrement bien travaillé, tant au niveau des personnages que de l'intrigue. de plus, Casterman est une grande maison d'édition belge spécialisée dans la bande dessinée et dans les romans jeunesses. J'ai toujours eu un problème avec cette appellation « jeunesse » car pour moi, un roman de 700 pages n'est pas adapté aux enfants de moins de dix ans. de plus, les thèmes comme la mort et les trahisons ne sont pas forcément les meilleurs à aborder pour un public si jeune.

C'est la magnifique couverture qui rappelle un grand nombre de romans de fantasy (dont Arkane de Pierre Bordage) avec son aspect assez mystique qui m'a tout de suite attirée et m'a amenée à acheter ce livre. Deux serpents sont au centre de cette couverture, un en vie et l'autre sous forme de squelette, et se mordent respectivement la queue. Cette image fait penser à l'ouroboros et ajoute donc une dimension mystique au roman. Je m'attendais donc à avoir une grande place dédiée à la magie. La quatrième de couverture quant à elle annonce que cette saga est devenue un best-seller aux États-Unis. C'est encore une fois un gage de qualité qui met cependant une pression en plus : si je n'ai pas un coup de coeur pour un roman devenu un best-seller, je pourrais voir à la baisse mon appréciation de celui-ci. le résumé présente plutôt bien l'univers à travers les dons, la magie et les affinités, ainsi que le personnage principal, Esta, et le cadre spatio-temporel du roman, à New York en 1902. Nous avons donc bien affaire à une autrice qui connaît son métier et qui nous promet une saga particulièrement travaillée.

Dès les premiers chapitres, nous naviguons entre le XXe siècle et le XXIe à travers plusieurs groupes de personnages. Ces changements constants de scènes et de cadres spatio-temporels ne m'ont pas permis de rentrer facilement dans l'intrigue. Nous rentrons directement dans le roman par plusieurs intrigues, sans préambule et c'est particulièrement difficile de se projeter avec les personnages dans leurs histoires. Même au sein d'un même chapitre, il y a beaucoup d'analepses, ce qui complexifie encore plus la compréhension.

L'intrigue se déroule autour des voyages dans le temps, avec Esta qui est une femme du XIXe siècle mais qui effectue sa mission au début du XXe siècle. Malheureusement dans ce roman, les voyages dans le temps ne fonctionnent pas. Même si je peux concevoir que les petites actions dans le passé n'ont pas forcément d'immenses impacts dans le présent contrairement à ce que la plupart des films font, le fait que les personnages aient toujours les mêmes souvenirs alors qu'ils n'ont pas vécu la même vie car leur espace-temps a changé, n'est pas normal (excepté pour la personne qui effectue le voyage dans le temps). C'est une des raisons pour laquelle, à chaque fois qu'un personnage du passé rencontrait un personnage du présent ou faisait allusion à une scène qu'il n'aurait pas dû vivre, je soupirais.

Néanmoins, un des points forts du roman est le nombre de rebondissements et le fait qu'il n'y a pas de moment de pause inutile. Tout est bien calculé et je me suis souvent retrouvée dans l'impatience de lire la suite pour découvrir le dénouement. Les plans de tous les personnages se complexifient au fil du récit à mesure que des éléments nous sont fournis et cela n'augure que du bon pour la suite de la saga. J'ai pu constater l'intelligence de l'autrice lors des différentes élaborations de plans.

Le Dernier Magicien fait partie de ces romans qui n'utilisent qu'un seul lieu général pour toute l'action mais qui le réussit très bien. Nous sommes ainsi dans la ville de New York du début à la fin car les magiciens ne peuvent en sortir et à aucun moment je ne me suis sentie à l'étroit. de nombreux lieux emblématiques sont présentés, notamment le bar de la Strega dans lequel je me suis sentie aussi à l'aise que les personnages eux-mêmes. Avec les descriptions qu'il fallait, l'autrice a permis de donner vie à ces lieux qui donnent une réelle identité au roman. Une carte du New York des années 1900 nous est également fournie, avec des détails que Lisa Maxwelle a ajouté pour son histoire et qui nous permettent de nous rendre vraiment compte des distances entre chaque lieu et des différents gangs qui peuvent se former.

Le récit se déroule lors de deux époques différentes : le moment présent, qui ne nous est jamais plus précisé, et 1902. Grâce à quelques indices et à la date de parution du livre, j'ai estimé le moment présent dans les années 2010, vers 2015. Cependant, l'époque la plus utilisée dans le récit est celle du début du XXe siècle. Je ne sais pas si Lisa Maxwelle a fait beaucoup de recherches sur le sujet, mais la différence de siècle ne se ressent pas tellement. Ce n'est pas pour autant qu'il y a beaucoup d'anachronisme, mais les descriptions sont davantage portées sur les personnages et leurs pensées que sur la société d'époque. Ce n'est pas un point négatif mais il est vrai que j'ai eu l'habitude d'avoir beaucoup plus de précisions historiques lorsque le roman prenait place dans un passé réaliste.

Comme dans tout roman de fantasy, le système de magie est essentiel. Ici, la magie a des possibilités infinies puisqu'elle est sous forme d'affinité, c'est-à-dire qu'elle est différente pour chaque magicien. le risque de ce genre de magie c'est qu'elle est difficilement limitée et donc peut créer de grosses incohérences ou des déséquilibres majeurs dans les forces des personnages. Cependant, étant donné que la Barrière autour de New York enferme les magiciens et est plus forte qu'eux, en plus de la traque des magiciens par ceux qui ne possèdent pas la magie (appelés Sundrens) et de la possibilité de ces derniers à détecter la magie lorsqu'elle est utilisée, le tout permet de contrebalancer les forces intelligemment. de plus, ce roman fait partie des fantasys uchroniques car la magie fait partie du quotidien des personnages et vit avec eux même s'il y en a qui ne la possèdent ou ne la maîtrisent pas. Et le fait que les personnages sans magie puissent se défendre contre elle en l'annulant, voire en détruisant les corps, équilibre les magies très puissantes qui sont utilisées dans le récit.

Comme dans la plupart des romans de fantasy, il y a dans le Dernier Magicien un grand nombre de personnages. Mais même si je n'ai pas pu retenir le nom de tous, je me souviens de la personnalité de chacun d'entre eux, et c'est un énorme point fort de l'autrice. Elle a réussi à intégré un tempérament différent pour chacun d'entre eux, avec des qualités, des faiblesses, des tourments… Même si certains d'entre eux peuvent paraître assez clichés, comme Viola ou Esta, j'ai trouvé que Harte le Magicien ou Dolph le chef du gang des protagonistes étaient des personnages très intéressants psychologiquement. Chacun d'eux sont tourmentés, voire torturés, d'une manière différente et leur façon d'approcher l'avenir est intéressante à étudier. En plus de cette complexité individuelle, les relations entre les personnages sont réussies, avec plus ou moins d'affinités entre eux, des relations plus variées que seulement amitié, amour et rival, ainsi que des groupes plus nuancés que simplement protagonistes et antagonistes. Les méchants de l'histoire ne sont pas les méchants pour tout le monde et ce sont ce type de détails qui rend les personnages si intéressants.

Assez tôt dans ma lecture, je me suis demandée quel était l'âge des personnages étant donné que celui-ci n'est presque jamais mentionné. À un moment (peut-être le seul du roman), l'autrice précise qu'ils ont entre 15 et 25 ans, ce que je trouvais extrêmement jeune pour leur expérience et ce dont ils étaient capables. C'est dommage car ça enlève un peu de vraisemblance en utilisant ce procédé qui permet aux lecteurs du public cible (les adolescents) de s'identifier plus facilement à eux. Il n'y a pas vraiment de personnages plus vieux que 25 ans, à part le mentor d'Esta, et ça manque vraiment pour ajouter du réalisme.

Dans les points qui auraient pu être améliorés, il y a aussi les différentes compétences des magiciens. Ces derniers ont des pouvoirs grâce à leur affinité, mais ils possèdent également beaucoup de talents exceptionnels qui auraient pu (ou dû) être compris dans leur magie. Ainsi, il n'est jamais remis en question qu'Esta est la meilleure voleuse du monde et en effet, rien ne l'arrête dans le récit. Certaines péripéties deviennent donc prévisibles et ça enlève parfois un peu de charme alors que je pense qu'un échec aurait pu être très appréciable de temps en temps.

Ce que je trouve également dommage (mais pour le coup c'est uniquement personnel et je ne rentre pas cela dans mon appréciation du roman) c'est que les titres des chapitres sont des extraits du chapitre en lui-même. Il y a un peu de plaisir de la découverte qui disparaît malheureusement comme ça. Les sous-titres donnent quant à eux le lieu et la date où se déroule la scène qui suit, mais je ne les trouve pas nécessaires. Un personnage ne peut se trouver que dans une temporalité précise (à part le personnage principal mais dans ce cas-là, le lecteur comprend très facilement le changement) et le fait de devoir le préciser ajoute une dimension théâtrale tout en enlevant le charme propre au roman.

En revanche, ce qui est davantage problématique, c'est que de manière générale le narrateur est très plat. Il n'a pas de personnalité particulière ce qui empêche les moments de description d'avoir une saveur et au lecteur d'être transporté par les mots. Il est arrivé à plusieurs moments que la scène n'ait pas de charme et le narrateur aurait pu au moins relever le niveau de cette scène, mais étant donné qu'il est trop plat, ces scènes ne fonctionnaient tout simplement pas. Dans le même esprit que cette remarque, j'ai trouvé qu'il y avait un rythme assez inégal dans l'ensemble du récit. de nombreux passages ne m'ont pas intéressée alors que d'autres m'ont vraiment transportée. Malgré ça, la lecture du premier tome du Dernier Magicien reste un bon moment.

Points positifs :
– les nombreux rebondissements
– les relations entre les personnages
– la complexité de l'intrigue et des personnages

Points négatifs :
– le manque de rythme parfois
– le traitement du voyage dans le temps

Lien : https://comptoir-des-connais..
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