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Critique de cprevost


Jean-Jacques Rousseau, l'aventure de sa jeunesse, au-delà de la curiosité, est-ce que cela nous renseigne sur le devenir de l'écrivain genevois ? Devient-on l'un des plus grands philosophes du siècle des Lumières, n'est ce pas plutôt là une illusion biographique ?

Peut-on en effet rendre compte de l'histoire d'une vie comme d'un cheminement, une aventure qui conduit à une fin : Jean-Jacques devenu écrivain philosophe ? « Il ne poursuit qu'un but s'instruire de tout, apprendre toujours, y compris les sciences et la philosophie, pour mieux connaître les autres, pour mieux se connaître lui-même». le présupposé que la vie constitue un ensemble cohérent et orienté – apprendre et comprendre – n'est-il pas un leurre ? La vie de Jean-Jacques Rousseau se déroulerait avec un certain ordre et notamment avec une origine signifiante : « Il est élevé de façon désordonnée par un père fantasque ». Cela suggère manifestement une originalité, une liberté comme cause première. le livre de Claude Mazauric propose ainsi des évènements dans un ordre chronologique, il présente des séquences ordonnées selon des relations intelligibles : Genève, l'abandon de son père, son oncle, un pasteur ; la conversion catholique, Annecy, Mme de Warrens ; la prêtrise, la musique, l'éducation, la diplomatie, l'écriture … L'auteur tente, sans grand succès, tout au long du livre, d'établir des relations intelligibles, celles des effets et des causes efficientes entre les états successifs d'un développement nécessaire. L'écrivain abouti devrait au jeune homme incertain nombre de ses idées.

Robbe-Grillet disait : « Tout cela, c'est du réel, c'est-à-dire du fragmentaire, du fuyant, de l'inutile, si accidentel même et si particulier que tout événement y apparaît à chaque instant comme gratuit et toute existence en fin de compte comme privée de la moindre signification unificatrice ». Les évènements biographiques se définissent me semble-t-il plutôt comme une trajectoire, comme une série de positions successives dans des espaces différents déterminés et déterminants – des champs aurait dit Pierre Bourdieu. Au soir de sa vie, l'écrivain des Lumières qui écrit « Rousseau juge de Jean-Jacques » rend compte à sa manière de cette fragmentation. Il y a le jeune Rousseau, celui d'avant ses livres, celui de l'étude et des projets chimériques et celui qui au soir de sa vie se reproche de n'avoir « rien conçu que ses horribles systèmes ». Il y a le Rousseau de la maturité qui connaît le succès littéraire, qui a rencontré Denis Diderot et Voltaire ; celui pris dans l'espace social et « le jeu » du champ mondain et intellectuel. Mais pour expliquer les incohérences de l'homme pratique et du théoricien, il aurait fallu la littérature d'aujourd'hui, celle qui a abandonné la vision de la vie comme existence dotée de signification et de direction et qui a donc également renoncé au récit linéaire.
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