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EAN : 9782221131398
144 pages
Robert Laffont (23/08/2012)
3.7/5   154 notes
Résumé :
Deux mères et deux fils que la Méditerranée sépare.
Deux rives, deux pays, deux histoires que l'Histoire avec un grand H relie pourtant.


En Libye la révolte gronde. La guerre éclate. Dans un pays en proie à la violence, en pleine déroute, certains n'ont plus le choix. Il leur faut partir avant d'être tués, comme Omar, le mari de Jamila. La jeune femme part donc avec son petit garçon, Farid, trop jeune pour comprendre la violence des hom... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (53) Voir plus Ajouter une critique
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Une illustration de couverture, vieille barque fichée dans le sable, baignée de couleur bleue, très pâle, presque grise, avec la mer au loin comme une ligne blanche qui se confond avec l'horizon.
Un titre, « La mer, le matin », et le sentiment de paix grave, d'apaisement mélancolique, de sérénité triste que les deux mots accolés produisent au creux de l'oreille lorsqu'on les prononce à voix haute, comme un murmure de vagues dans l'aube naissante.
Un premier paragraphe : « Farid n'a jamais vu la mer, il n'a jamais mis les pieds dans l'eau. Il se l'est imaginée des milliers de fois. Piquée d'étoile comme le manteau d'un pacha. Bleue comme le mur bleu de la ville morte. »
Et l'envie de plonger dans les remous de la lecture…

C'est un livre qui parle de la Lybie et de l'Italie. de leur destin commun. de leur passé partagé. du sang qui abreuve leur sol. Histoire lourde, d'amour et de haine, de partage, de violence, de chaleur, d'amertume. Histoire de guerre et de colonialisme que ces deux pays détiennent en héritage, par-delà les flots bleus de la Méditerranée.
Et comme toujours, la grande Histoire qui télescope la petite, et qui va broyer des destins, et écraser des vies, et malmener des êtres, dans des récits d'exil, de déracinement, de déchirure.
Lybie et Italie, deux terres qui seront tour à tour soeurs ou ennemies, complices ou rivales, adversaires ou associées, toutes deux laissant la marque de leur histoire creusée comme une cicatrice dans les vies de Jamila et d'Angela, les deux mères-courage de « La mer, la matin ».

Tandis que Jamila et son petit garçon Farid s'embarquent sur un bateau de fortune pour tenter de joindre la Sicile, contraints de fuir la Lybie depuis que la guerre civile a éclaté, Angela et son fils Vito ont entrepris le voyage inverse. Peu avant que le pays ne sombre dans le chaos, profitant des relations cordiales entretenues entre Kadhafi et Berlusconi, ils ont quitté les côtes siciliennes pour accoster sur les rives de Lybie, un pays qu'Angela connaît bien puisqu'elle y a vécu les onze premières années de sa vie. Angela fait partie de cette catégorie d'italiens de Tripoli dont les grands-parents ont débarqué en Lybie avec la vague migratoire des années 1930. Ils s'y sont installés, y ont bâti leur vie, ont aimé ce pays qu'ils ont fait leur, avant que d'en être expulsé dans les années 1970 par le « Bébouin de la Syrte », Kadhafi. Dans le coeur alors et pour toujours « le mal d'Afrique », la nostalgie chevillée au corps, l'impossibilité d'oublier et pour les plus anciens de ces pauvres gens, l'incapacité de se réadapter avec ce sentiment lancinant qu'on leur a volé leur vie.

La mer est partout dans ce beau livre de la romancière italienne Margaret Mazzantini ; une étendue bleue dont la respiration s'accorde au rythme des êtres qui ont subi l'exil et dont les yeux ne cessent de se perdre vers l'horizon. C'est ce qui le rend si attirant, si secrètement vibrant et lumineux.
Si le sujet est grave, le style de Margaret Mazzantini ne nous fait pas pour autant naviguer en mer hauturière ; sa langue s'écoule plutôt avec mesure, comme un bruit régulier de ressac, le renflement permanent d'une écriture sobre et concise, distillée tantôt âprement, tantôt avec douceur et nostalgie, elle s'harmonise au feulement des vagues sur le sable, au bruissement du sable sur les rivages de Lybie et d'Italie.
Une poésie discrète, frugale, sourd de ces phrases chargées de sel marin ; force tranquille, ravageuse. Comme l'eau, l'écriture de Mazzantini est parfois souple comme un duvet de plumes, tantôt rigide et dure comme un mur de béton, mais toujours puissamment évocatrice.
Imprimée en creux comme une empreinte dans le sable, la détresse émerge avec la nonchalance feinte qui se cache derrière les sentiments les plus exacerbés et jaillit du dépouillement avec la force d'une déferlante, laissant le lecteur immergé dans un flot d'émotions brutes.
Car il règne dans « La mer, le matin » comme un faux temps suspendu, le calme menaçant d'une mer étale d'avant la tempête, tranquillité de façade, aura de lenteur qui envoûtent le lecteur dans un déferlement mousseux de vaguelettes jusqu'au retour de lame, froid et brutal comme une eau glacée, une mer qui de bleue se fait noire, destructrice, dévoreuse d'âmes, broyant les misérables rafiots qui entreprennent la traversée du dernier espoir, noyant les espérances, submergeant les attentes, engloutissant les rêves.

Jamila, Angela, Farid, Vito…des destins qui se croisent dans la violence d'un pays livré à la barbarie d'un dictateur, des personnages poignants dont la vie s'abîme dans le fracas des vagues, des êtres qui ne laisseront de leur passage qu'une petite amulette ensevelie dans le sable.
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Il y a des recettes qui ne sont pas infaillibles : un joli titre + un style rythmé + un sujet émouvant + une construction élégante...ne font pas nécessairement un bon bouquin.

La mer le matin a toutes ces qualités-là...et pourtant la sauce ne prend pas. Trop d'effets tue les faits. Trop de faits tue l'effet, aussi. Je vais essayer de m'expliquer.

Dans ce court récit aux parallélismes soigneusement étudiés -deux mères, deux fils, deux traversées entre Italie et Libye- la matière prolifère : d'abord, en toile de fond, une fresque historique sur les rapports complexes entre la Libye et l'Italie- quelque peu allusive et brouillonne, j'ai dû recourir à quelques recherches pour remettre tout ces éléments en place!- .
On passe de la colonisation italienne menée par le régime de Mussolini à la décolonisation conquise d'une main de fer par un certain Khadafi. On glisse très vite sur les rapports tendus entre Aldo Moro et Khadafi, puis sur la lune de miel entre Berlusconi et le dictateur . On surfe sur la guerre de déstabilisation et l'exécution du tyran, on effleure l' exode majeur des populations civiles libyennes que nous connaissons aujourd'hui , avec ces sinistres bateaux-poubelles qui larguent leur cargaison de chair humaine au large des îles siciliennes...

Il y avait là la trame d'un roman complexe, approfondi, documenté . Mais chez Mazzantini, c'est seulement une référence historique qui sert à planter - ou à crédibiliser ?- le récit. Ou plutôt LES récits: deux histoires se côtoient, réfléchissant leurs images en de savants jeux de miroir.

La première est sûrement la plus authentique: l'auteure est née ou a vécu en Libye, sa famille c'est un peu celle de Vito..Malheureusement, là encore, qui trop embrasse mal étreint: incapable de limiter la narration à la mère et à son fils, l'auteure se lance dans de larges flash-backs évoquant la famille de Vito sur trois générations...

Last but not least, il y a le deuxième récit: celui qui concerne le petit Farid et sa mère sur une barge pourrie, vers l'Italie. Pourquoi ce troisième fil rouge , dans un récit aussi court? Sans doute pour la recherche d'une structure mais la bipolarité n'a rien d'original: Laurent Gaudé dans son très bel Eldorado et, avant lui, Le Clézio dans le magnétique Désert avaient déjà usé de ces récits parallèles ou croisés sur le même sujet: la colonisation et l'émigration..Il y a sans doute une autre raison.

J'ai bien une réponse mais elle ne va pas plaire à tout le monde et je vais passer pour la méchante empêcheuse de pleurer en rond: j'y flaire une envie pas très saine de "séquence émotion" ( d'ailleurs j'ai moi-même marché: la seule partie du livre où j'ai été vraiment émue était celle du petit Farid et de sa gazelle...).

Bilan: quand on cherche les ingrédients d'un succès littéraire et qu'on fait un livre comme on lance un produit publicitaire avec tête de gondole et coeur de cible, on rate ce qui aurait pu être un beau livre, et on dupe son public , sensible qui, à une histoire familiale, qui, à un conte triste sur notre terrible époque de migrations désespérées, qui, à une page d'Histoire - la colonisation- qui commence seulement à se dire, et bien laborieusement. Le roman devient, dès lors, une auberge espagnole où chacun peut grappiller quelque intérêt mais où rien n'est vraiment travaillé, vraiment abouti.

Pas même le style, souvent poétique, mais artificiellement, comme le reste. C'est joli, bien tourné, mais sans chair. La ponctuation hache la phrase pour donner le halètement de l'émotion. Mais l'émotion est absente, elle est juste très habilement feinte.

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Une femme tente de fuir cette guerre de Libye qui vient de lui prendre son mari. Elle donne tout ce qu'elle possède pour traverser la Méditerranée vers l'Italie, avec son fils, sur un boat-people.
Une italienne vient de traverser la Méditerranée avec sa mère et son fils pour tenter de retrouver le pays où elle est née et a passé sa jeunesse: la Libye.
Margaret Mazzantini raconte avec une écriture très belle et puissante, à travers l'histoire de ces déracinés, l'Histoire de tous ces italiens pauvres qui ont traversé la Méditerranée pour aller gagner leur vie en Libye au début du XXème siècle et ont été chassés à l'arrivée de Khadafi et de ceux qui veulent quitter une Libye en guerre où il n'y a pas d'avenir.
Très beau!
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Un petit livre, très marquant. Un récit très humain permettant de mieux comprendre le drame des migrants ( volontaires ou forcés). Ce drame dans une vie , cette cassure ! A lire absolument.
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Ce roman de deux histoires parallèles,(qui restent en suspens) est tout à fait ce que j'aime car il ajoute L Histoire à ses personnages.
J'ai lu,apprécié, aimé, puis les pages refermées,suis allée rafraîchir ma mémoire.
Je savais que Tripoli avait été une colonie italienne, mais encore ? Donc,bref rappel historique.
Dès 1911,les Italiens ont débarqué à la conquête de Tripoli et l'ont envahie.
Le 5 novembre 1911,par décret royal,la Tripolitaine et Cyrénaïque font partie intégrante du Royaume italien.
Le cheikh Omar al Mokhtar s'oppose à l'invasion,c'est la guérilla,l'insécurité, mais le général fasciste R. Graziani déclenche des représailles impitoyables contre la population soupçonnée d'aider les rebelles.
Mussolini ,en 1938,favorise l'émigration de masse des Italiens vers Tripoli et l'intérieur du pays et crée 26 nouveaux villages.
Kadhafi,le jeune Bédouin, s'impose,prend le pouvoir en 1969 et,en janvier de l'année suivante ,exproprie et expulse les colons italiens.
Le retour au pays est traumatisant,humiliant.
Plus tard,au moment de la rébellion du Printemps arabe, c'est au tour des libyens d'être persécutés et ils cherchent à se réfugier en Italie. Il n'y a que la mer entre eux,mais quelle mer impitoyable !

Ce roman affronte le thème universel de la migration des personnes,du destin de ceux qui sont exilés de leur maison,orphelins de leur terre,et de leur espérance d'une vie meilleure.
C'est un monde de guerre terrible,exécrable, un monde dans lequel les pauvres restent pauvres.
C'est un livre émouvant et cruel qui laisse l'amertume du dégoût de la guerre et de l'humanité assoiffée de pouvoir et de sang.
C'est aussi un chant très doux et un hurlement de douleur.

N.B. Je comprends maintenant la signification du "miel amer de Cyrénaïque".
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critiques presse (1)
Lexpress
15 octobre 2012
a Mer, le matin est une complainte dépouillée où Margaret Mazzantini montre les séquelles de la colonisation et du déracinement, sur fond de révolutions arabes. Avec, pour seule étoile, ce courage héroïque que le désespoir donne aux mères, quand elles deviennent des naufragées de l'Histoire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Angelina sait ce que recommencer veut dire. Se retourner et ne plus rien voir, rien que la mer. Tes racines englouties par la mer, sans aucune raison acceptable.
Angelina a appris à vivre avec l'irrationalité des hommes. Rien qu'à voir l'image de ce dictateur [Mouammar Kadhafi, Lybie] portant turban et lunettes de soleil [...] C'était quoi, ce visage ? Ces cheveux comme des araignées gorgées d'encre.
Pendant onze ans, Angelina a été arabe.
C'était juste avant l'adolescence. Cela n'a duré qu'un moment. Un coup de pied dans le ventre.
Il y a quelque chose qui n'appartient qu'au lieu où l'on est né. Tout le monde ne le sait pas. Il n'y a que ceux qui en sont arrachés de force qui le savent. [...] Une douleur qui te cloue et te fait haïr les pas que tu feras ensuite.
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Ses ancêtres appartenaient à une tribu de Bédouins nomades. Ils s'arrêtaient dans les oueds, ces lits de fleuve recouverts de végétation, et ils montaient leurs tentes. Les chèvres allaient paître, les femmes cuisinaient sur les pierres brûlantes. Ils n'avaient jamais quitté le désert. Ils se méfiaient un peu des gens de la côte, marchands, corsaires. Le désert était leur maison, ouverte, sans limites. Le désert était leur mer de sable. Tacheté de dunes comme le pelage d'un jaguar. Ils ne possédaient rien. Rien que des traces de pas que le sable bientôt effaçait. Le soleil faisait glisser les ombres. Ils étaient habitués à résister à la soif, à se dessécher comme des dattes, sans mourir. Un dromadaire leur ouvrait la voie, une ombre longue et tordue. Ils disparaissaient au milieu des dunes.
Nous sommes invisibles aux yeux du monde, mais pas à ceux de Dieu.
Ils se déplaçaient avec cette pensée au coeur.
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Vito regarde la mer. Un jour sa mère le lui a dit. Sous les fondations de toutes les civilisations occidentales, il y a une blessure, une faute collective. Sa mère n'aime pas ceux qui revendiquent leur innocence. Elle fait partie de ces gens qui veulent assumer les actes commis. Victo pense que c'est une forme d'orgueil. Angelina dit qu'elle n'est pas innocente.Elle dit qu'aucun peuple qui en a colonisé un autre n'est innocent. Elle dit qu'elle ne ne veut plus nager dans cette mer où des bateaux coulent.
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Elle a traversé des périodes de désespoir, d'intense frayeur. Maintenant elle n'attend plus que son destin. Le dernier visage de l'histoire. Elle le guette, elle le cherche, la chair rongée par les éclats de sel, dans un endroit qui n'a plus d'horizon. Il n'y a que la mer. La mer qui devait apporter le salut et qui n'est plus qu'un cercle de feu mouillé. Un cœur noir.
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Vito a recueilli la mémoire. D'un bidon de fer bleu, d'une chaussure. Quelqu'un, un jour, en aura besoin. Un jour un Afro-Italien aura envie de se retourner sur la mer de ses ancêtres et de trouver quelque chose. La trace de cette traversée. Comme un pont suspendu.
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Videos de Margaret Mazzantini (51) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Margaret Mazzantini
Dans un style à la fois lyrique et incisif, Margaret Mazzantini décortique une passion amoureuse et livre une réflexion subtile sur l'homosexualité. Un coup de maître, dans la lignée de son premier succès "Écoute-moi".
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