°°° rentrée littéraire 2022 # 46 °°°
Gio est le petit frère de l'auteur. Il est atteint du syndrome de Down.
Giacomo Mazzariol a cinq ans lorsque ses parents lui annonce que la famille va accueillir un quatrième enfant qui sera garçon « spécial ». Immédiatement, il imagine un frère doté de super pouvoirs, capable de voler, avec lequel il pourra conquérir le monde. A partir de ce matériau autobiographie, l'auteur, âgé de 19 ans, a écrit un récit initiatique qui raconte les débuts difficiles de sa relation à son frère trisomique.
« Mais rien à faire, plus j'essayais de lui apprendre, plus je lui imposais ma vision des choses, plus il faisait des bêtises. C'était comme apprendre à un diplodocus à danser sur la pointe des pieds. Et la seule chose que je pensais, c'est que j'avais raison et pas lui. Moi, je savais faire les choses et pas lui. Moi je faisais des progrès, j'apprenais, et pas lui. Moi j'essayais de l'aider à faire ses devoirs, et luis, il jouait avec son crayon, il riait et je m'énervais tellement qu'il s'énervait aussi. Giovanni était une danse. Giovanni est une danse. le problème c'est d'entendre la même musique que lui. »
En Italie, le succès de ce récit familial et initiatique a été phénoménal avec notamment une adaptation cinématographique en 2019. Et lorsqu'on referme le livre, il est aisé de comprendre ce qui a touché les lecteurs.
Giacomo Mazzariol écrit à coeur ouvert pour transmettre à merveille toutes la palettes des émotions qu'il a traversées : la colère et la honte d'avoir un frère « différent » et « bizarre » au point de cacher son existence pendant des années à ses camarades, la culpabilité de le rejeter jusqu'à la prise de conscience qui conduit à une lente maturation vers une fraternité sereine pleine d'amour envers cet enfant ensoleillé plein de vitalité.
J'ai été très touchée par un passage. L'auteur se demande pourquoi Gio a eu la note maximale avec un dessin ( d'une jeune femme triste mangeant une glace ) qui lui semble hors sujet , il lit l'appréciation de la professeure et tout s'éclaire sur la personne extraordinaire qu'est son frère :
« A la demande d'illustrer la guerre, tous les élèves de la classe ont dessiné des fusils, des canons, des bombes, des morts. Tous sauf un. Giovanni a choisi de représenter la guerre à sa façon : la jeune fille est la fiancée d'un soldat parti à la guerre. Désormais, elle doit aller manger sa glace – ce qui, pour Giovanni, est la chose la plus belle du monde – toute seule. »
Sur un thème aussi délicat,
Giacomo Mazzariol évite l'écueil du pathos lourdaud en adoptant un style très simple et léger, joyeux presque, phrases claires et limpides, narration fluide, qui fait réfléchir en faisant appel à l'intelligence émotionnelle de chacun.
Pour compléter cette lecture, je vous conseille le court-métrage que l'auteur a réalisé avant l'écriture de son texte, mettant en scène Gio : https://www.youtube.com/watch?v=0v8twxPsszY