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Critique de le_Bison


Alerte ! Mon portable sonne, urgence : vidéo à regarder. Je le sens mal dès le début, genre haut-le-coeur à me faire gerber les trois bouteilles de Flag que j'ai prises hier, soirée chaude et humide dans la pénombre de la poussière, zone obscure de ma vie et ses bas-fonds. J'essaie de détourner les yeux mais mon regard revient inlassablement sur mon petit écran. J'ai besoin de voir, de comprendre, de savoir... Je rouvres les yeux sur cette société-là, une société qui interdit d'enseigner la poésie de Verlaine parce qu'il est coupable d'homosexualité, le Sénégal d'aujourd'hui.

La vidéo montre une foule en liesse déterrant un cadavre. Il est traîné, piétiné, craché, en dehors du cimetière. Je comprends, cette âme n'est pas assez pure pour rester dans cette enceinte. Je comprends, l'homme qui est bafoué ainsi, avant d'être cadavre putrescent, était un goor-jigéen, autrement dit un "homme-femme" en wolof, un pédé en langage populaire. Et dans ce pays, dans cette religion, l'homosexuel, même mort, n'a pas le droit au repos non plus. Paix à son âme, les religions nous apprennent à dire, mais pas toutes les âmes.

Mohamed Mbougar Sarr signe ici un beau roman, beau mais cruel, presque terrifiant. Il donne envie de crier, de pleurer. d'être en nage et en rage, apeuré par cette violence intrinsèque qui sommeille au fond d'une population, violence gratuite, incompréhensible. Il fait réfléchir, il fait se poser des questions, il ne laisse pas dans l'indifférence. Oui, j'ai réfléchis moi aussi sur l'homosexualité, sur les questions à se poser, sur ces corps qui se mélangent, ces odeurs qui entêtent, ce parfum enivrant de déviance, méfiance.

Pendant que je réfléchissais à ma chronique, sur ce livre qui me tient à coeur, je lis un petit aparté dans le Monde, 22 décembre : Au Sénégal, des députés veulent durcir les sanctions contre l'homosexualité. Lutter contre les perversions occidentales. En gros, le projet de loi propose que toute personne qui aura été reconnue coupable de « lesbianisme, homosexualité, bisexualité, transsexualité, intersexualité, zoophilie, nécrophilie et autres pratiques assimilées » soit punie d'une peine de cinq à dix ans de prison ferme et d'une amende de 1 à 5 millions de francs CFA...

Que dire de plus... je suis resté sans voix. Facile, me diras-tu, je ne parle déjà pas. Bon, je lis aussi que le 5 janvier, le parlement sénégalais a rejeté ce projet de loi. Une bonne nouvelle... enfin, quoique, je lis aussi que le Code pénal punit déjà « sévèrement » l'homosexualité ainsi que « tous les actes contre-nature et les attentats à la pudeur », des peines de prison. Peiné, je suis, je reste.

Bref, après cet écart politico-sociologique, je reviens au roman. Je ne vous l'ai pas encore dit mais la fin est sublime, quel dernier paragraphe, j'en pleure encore, je m'en souviens encore. Aucun vent ne pourra effacer cette poussière en moi. Ni aucune flag...
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