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EAN : 9782253937715
576 pages
Le Livre de Poche (01/02/2023)
3.79/5   2547 notes
Résumé :
En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de « Rimbaud nègre », depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T.C. Elimane, se confrontant aux grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l’Argenti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (445) Voir plus Ajouter une critique
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sur 2547 notes
Rentrée littéraire 2021 #38

Chaque page de ce roman ruisselle de littérature, il l'expire et l'inspire sans jamais la présenter comme séparée de la vie, mais à l'intérieur de la vie. Dans La plus secrète mémoire des hommes, il n'est question que de livres, d'écrivains, de notre rapport intime à la littérature, de notre façon de lire les textes et de les recevoir. Ainsi présentée, on peut se dire que ce texte va être un peu poseur, sûrement pédant, assurément ennuyeux. Que nenni ! J'ai été complètement emportée par le souffle puissamment romanesque de cet éblouissant roman, envoutée même par une sorte de magie qu' infuse une prose inventive et flamboyante, en perpétuel mouvement.

C'est l'histoire d'une quête, celle d'un livre maudit. Dès qu'il le découvre, le jeune écrivain sénégalais Diégane, monté à Paris plein d'ambition, en est possédé. Il décide d'enquêter sur son mystérieux auteur devenu paria : T.C. Elimane, lui aussi Africain francophone, a connu la gloire en 1938 avant d'être balayé par une accusation de plagiat et de disparaître. Etait-il " un écrivain absolu ? un plagiaire honteux ? un mystificateur génial ? un assassin mystique ? un dévoreur d'âmes , un nomade éternel ? un libertin distingué ? un enfant qui cherchait son père ? un simple exilé malheureux qui a perdu ses repères et s'est perdu ? " Cette quête, au départ littéraire, se double très rapidement d'une quête existentielle : Diégane veut trouver l'Homme en lui, un sens à sa vie, une direction comme pour se ressusciter.

Le roman se déploie à travers un siècle d'histoire France / Sénégal, déambule à travers les fléaux du XXème siècle ( les tranchées de la Première guerre mondiale, la Shoah, la colonisation ), révélant à Diégane vérités et illusions. La construction très borgésienne de ce livre-monde est vertigineuse, multipliant les mises en abyme. Un jeu de pistes entre enquête policière, témoignages de ceux qui ont croisé Elimane et sont toujours hantés par lui, et roman initiatique, le tout saupoudré d'une touche de magie inquiétante et de fantastique étrange. Les légendes se fracassent les unes aux autres, les récits s'enchâssent, se mêlent pour tenter de cerner le fantôme de l'écrivain disparu, échafaudant très progressivement un portrait ambigu et parcellaire. La vérité est toujours plurielle dans cette structure polyphonique qui n'assène jamais mais laisse toute sa place au lecteur pour imaginer et douter sans pour autant jamais le perdre d'une époque à l'autre et d'un narrateur à l'autre, de France à Sénégal en passant par l'Argentine.

Cette narration labyrinthique rend parfaitement compte de l'histoire complexe des liens franco-africains, toujours avec subtilité, sans manichéisme mais fermeté lorsque est convoquée par exemple la mémoire des tirailleurs sénégalais. Surtout, le récit dépasse brillamment l'étouffante question de ce face à face Occident / Afrique pour ne parler que de littérature et de la condition de l'écrivain, à la fois magnifique et misérable. le roman rend hommage à cette littérature africaine d'expression française et redirige le regard vers Yambo Ouologem, écrivain malien qui a inspiré le personnage fictif d'Elimane. Il a été le premier romancier africain à recevoir le Prix Renaudot en 1968 pour le Devoir de violence qui suscite nombreuses polémiques car il remet en cause l'Afrique mythifiée célébrée par la poésie senghorienne et la Négritude. Accusé d'avoir plagié Graham Greene et André Schwartz-Bart, il choisit de vivre en reclus.

Un thriller littéraire palpitant, stimulant et malicieux d'une impressionnante maitrise. Sans déguisement ni futilité ( mais sans être dénué d'humour ), tout y est dense et fait sens pour construire un chant d'amour dédié au pouvoir intemporel de la littérature. Formidable !
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De nos jours, Diégane Latyr Faye, un jeune écrivain sénégalais, est totalement fasciné par un ouvrage de 1938, le Labyrinthe de l'inhumain, de T.C. Elimane. Il mène alors l'enquête sur ce mystérieux écrivain à la fois qualifié de génie et accusé de plagiat, qui fut surnommé le « Rimbaud nègre ». ● Alors que ce livre qui ne parle que de littérature aurait dû me plaire, j'ai réellement détesté son extrême confusion narrative qui perd et exténue le lecteur. D'autant que cette confusion n'est pas au service d'une intrigue, inexistante. ● La complexité bouffie de ce roman, les multiples références littéraires, les mots savants, tout cela ne sert que soi-même dans un mouvement autotélique d'où ne ressortent que la pose et la prétention de l'auteur. ● Mais peut-être justement est-ce une réussite dans la mesure où celui-ci fait explicitement sienne la fameuse aporie de Flaubert de faire un livre « sur rien ». Malheureusement, il y parvient. Sans pour autant, comme c'était la pensée de Flaubert, que le livre ne tienne que par le style, ici outrancièrement alambiqué, contourné, le contraire même de la prose flaubertienne (avec en prime quelques mots grossiers pour faire jeune et moderne). ● du moins les jurés Goncourt, une presse délirante dans le dithyrambe et une écrasante majorité de lecteurs, notamment de Babelio, ont-ils jugé que la réussite était patente (panurgisme ?). ● Pour ma part je me demande comment un même jury a pu couronner l'Anomalie l'année dernière et ce livre-ci cette année. Cela va faire bien des déçus parmi les lecteurs achetant les yeux fermés « le Goncourt ». ● Deux mois après avoir écrit ce qui précède, j'ajoute que je trouve assez amusant de voir certains lecteurs attribuer trois étoiles, voire davantage, à ce roman, tout en avouant n'y avoir rien compris et/ou s'y être mortellement ennuyés : si tout le monde l'a tellement aimé, et qu'en plus il a eu le Goncourt, alors c'est moi qui suis dans l'erreur en ne l'aimant pas ! se disent-ils peut-être.
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Edité par Philippe Rey, à qui nous devons déjà l'incontournable « American Dirt », « La plus secrète mémoire des hommes » est une bombe qui m'a bouleversé et marquera irrémédiablement la vie de ses lecteurs.

Ouvrage difficile, cet hapax est constitué de trois livres, formés de quatre biographèmes et huit parties rédigées avec des phrases occupant jusqu'à dix pages (rappelant « Zone » de Mathias Enard) qui m'ont sorti de ma zone de confort et enrichi de nombreuses consultations de dictionnaires. Mohamed Mbougar Sarr jongle avec les mots, dont il maitrise les moindres facettes, qu'il aligne avec aisance et musicalité en exigeant du lecteur une attention soutenue et un effort notable.

Dédié à Yambo Ouologuem, ce roman évoque « Le labyrinthe de l'inhumain », publié en 1938, accueilli diversement par la critique parisienne, puis accusé par la suite de plagiat, dont l'auteur T.C.Elimane disparut aussi mystérieusement que son oeuvre et ses critiques, tous « suicidés ».

Enquête sur trois continents et un siècle, l'intrigue parcourt les guerres mondiales, la colonisation, la faillite consécutive à la décolonisation, et croise des auteurs, des éditeurs, des musiciens, une famille sénégalaise, personnages aux patronymes multiples, dotés parfois de pouvoirs relevant de la magie, qui ensorcellent le lecteur en lui dévoilant les mystères africains.

Mais ce chef d'oeuvre est avant tout une réflexion de haute volée sur la littérature, la liberté (et les interdits) de l'écrivain, le regard de la critique (et ses liens mercantiles) et « l'alternative devant laquelle hésite le coeur de toute personne hantée par la littérature : écrire, ne pas écrire ».

Honoré du prix Goncourt 2021, ce jeune écrivain apparait très prometteur, et mérite un lectorat moins confidentiel que celui de T.C.Elimane, son désormais illustre "prédécesseur".
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Ce quatrième ouvrage de Mohamed Mbougar Sarr, couronné du Prix Goncourt 2021, invite à suivre les pas de Diégane Latyr Faye, jeune écrivain qui tombe sous le charme d'un livre mythique intitulé « le labyrinthe de l'inhumain ». Tout d'abord salué par la critique, ce roman paru en 1938 sera retiré des ventes après des accusations de plagiat et son mystérieux auteur d'origine sénégalaise, T.C. Elimane, qualifié de « Rimbaud nègre », disparaîtra dans la nature…

___« Mais peut-on croire aux disparitions sans héritage ? Aux évanouissements absolus ? Je n'y croyais pas. Je n'y crois toujours pas. Il y a une présence qui demeure après tout départ. Peut-être même la vraie présence des êtres et des choses commence-t-elle seulement après leur disparition. »

Si le point de départ de ce roman s'inspire de l'histoire vraie du Malien Yambo Ouologuem, premier romancier africain à recevoir le Prix Renaudot en 1968 pour « le Devoir de violence » et ayant vécu reclus jusqu'à la mort suite à des accusations de plagiat, cette quête littéraire qui invite à partir à la recherche de l'auteur d'un roman culte introuvable, propose surtout une réflexion profonde sur la littérature.

J'ai été totalement subjugué par la première partie de cette enquête et par la prose magnifique de Mohamed Mbougar Sarr. Mais, malgré le souffle romanesque incroyable du roman, sa construction labyrinthique a fini par m'essouffler. de Dakar à Paris, en passant par Buenos Aires et Amsterdam, l'auteur multiplie les points de vue, sautant d'un narrateur à l'autre, multipliant les styles d'écriture, les références littéraires et les temporalités, abordant de nombreux thèmes, allant de la colonisation au nazisme, traversant un siècle d'histoire, certes en ensorcelant le lecteur grâce à la magie de ses mots, mais en l'exténuant au fil de phrases parfois interminables, l'abandonnant sur le cul, car oui c'est un beau Goncourt…mais ce n'est pas le plus accessible !

Servi par une plume prodigieuse, « La plus secrète mémoire des hommes » vous invite donc à partir sur les traces d'un chef-d'oeuvre…mais pas forcément celui-ci.

___« Un temps la Critique accompagne l'Oeuvre, ensuite la Critique s'évanouit et ce sont les Lecteurs qui l'accompagnent. le voyage peut être long ou court. Ensuite les Lecteurs meurent un par un et l'Oeuvre poursuit sa route seule, même si une autre Critique et d'autres Lecteurs peu à peu s'adaptent à l'allure de son cinglage. Ensuite la Critique meurt encore une fois et les Lecteurs meurent encore une fois et sur cette piste d'ossements l'Oeuvre poursuit son voyage vers la solitude. S'approcher d'elle, naviguer dans son sillage est signe indiscutable de mort certaine, mais une autre Critique et d'autres Lecteurs s'en approchent, infatigables et implacables et le temps et la vitesse les dévorent. Finalement l'Oeuvre voyage irrémédiablement seule dans l'Immensité. Et un jour l'Oeuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s'éteindra, et la Terre, et le Système solaire et la Galaxie, et la plus secrète mémoire des hommes. »
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Trois livres composent ce grand livre. Chaque livre se divise en plusieurs parties complétées par ce que Mohamed Mbouga Sarr, l'auteur, appelle des biographèmes, le tout étant un formidable hommage à Yambo Ouologuem, écrivain malien (1940 – 2017), lauréat du Prix Renaudot en 1968 avec le Devoir de violence. Premier romancier africain à recevoir une telle récompense, il fut accusé ensuite de plagiat, meurtrissure qu'il ne surmontera jamais vraiment.
La plus secrète mémoire des hommes tourne autour du dilemme qui hante tous les gens passionnés de littérature : écrire ou ne pas écrire.
T.C. Elimane, le héros du livre l'a fait. Il a publié le Labyrinthe de l'inhumain, oeuvre unique, magnifique, qui a suscité une grande admiration avant de déchaîner la haine de certains critiques l'accusant de plagiats. le jeune écrivain originaire du Sénégal, brillant étudiant qui avait tout sacrifié pour ce livre, ne s'en remettra jamais au travers d'une période de notre Histoire marquée par la Seconde guerre mondiale, les révoltes contre les dictatures sud-américaines et les tentatives de révolution en Afrique sub-saharienne.
C'est un jeune écrivain sénégalais, Diégane Laty Faye, qui découvre ce fameux Labyrinthe de l'inhumain, en août 2018. Si c'est autour de sa quête que s'articule le livre, je vais rencontrer beaucoup de personnages au cours de ma lecture, me perdre un peu, pour finalement retrouver mes repères grâce à un final bien mené.
Diégane commence sa quête avec Siga D. qui possède le livre et connaît bien les origines de son auteur. Elle est elle-même écrivaine, vit à Amsterdam, ses seins fascinent Diégane qui la nomme L'Araignée-mère.
En cours de lecture, je rencontre plusieurs écrivains francophones originaires d'Afrique, écrivains talentueux qui tentent de faire leur place et souffrent beaucoup d'un racisme qui, s'il ne s'affiche pas ouvertement, est bien présent.
Musimbwa en fait partie. Il est congolais. Comme il ne connaît pas le livre d'Elimane, Diégane le lui confie. Je rencontre alors une performance littéraire réussie bien que lassante : une phrase interminable s'étalant sur quatre pages et traitant des écrivains africains !
Au passage, je note des mots rares, signes d'un vocabulaire très riche comme les prolégomènes (notions préliminaires nécessaires à la compréhension), un schibboleth (mot venant de l'hébreu désignant ce qui ne peut être utilisé ou prononcé correctement que par les membres d'un groupe), un conseil consuétidunaire (synonyme de coutumier), ou encore des figures involucrées (corrompues), entre autres. Était-ce bien nécessaire, même s'il est toujours utile de découvrir des mots nouveaux de notre belle langue française ?
Le deuxième livre m'amène enfin au coeur du Sénégal où Ousseynou Koumakh (92 ans) est proche de la mort. Marène Siga raconte et commencent à se mêler passé lointain et présent. J'apprends beaucoup sur la vie d'un village sénégalais, ses rites, ses superstitions ou, tout simplement, le mode de vie de ses habitants. Beaucoup s'en contentent. Certains sont fascinés par la grande ville, Dakar, d'autres, brillants élèves, ne rêvent que de venir vivre à Paris, en France, ce pays colonisateur qui a tant bousculé et même détruit coutumes et traditions des différents peuples constituant ce pays.
C'est ainsi que le puzzle se met peu à peu en place, que je comprends un peu mieux pourquoi et comment Elimane est venu en France. le détail de ses origines familiales a beaucoup d'importance. Les nombreux retours en arrière, les récits qui se superposent et s'entrecroisent révèlent toute la diversité et la complexité d'une histoire ramenant toujours à la littérature et au besoin d'écrire.
J'avoue avoir eu du mal, souvent, pour savoir qui parlait, qui s'exprimait et j'ai pris cela un peu comme un jeu de piste, tentant de découvrir au plus vite, grâce aux indices donnés dans le texte, le nom de son narrateur. Mohamed Mbouga Sarr maîtrisant bien son sujet, réussit plusieurs fois à entremêler les époques et les narrateurs. Cela n'est pas facile pour le lecteur mais se révèle finalement passionnant.
Bien sûr, le lauréat du Prix Goncourt 2021, balade son lecteur aussi en Argentine après Amsterdam, l'essentiel se passant à Paris malgré une escapade dans le Lot puis en Normandie. Enfin, j'apprécie le retour aux sources, un final sénégalais dans ce village d'où tout est parti, où Diégane Latyr Faye retrouve vraiment la trace de celui qu'on appelait plus que Madag, le voyant. C'est beau, poignant et édifiant à la fois comme réflexion poussée sur la littérature et le métier – en est-il un ? – d'écrivain.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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critiques presse (10)
LeMonde
07 mars 2023
Cérébral, politique, sensuel et drôle, écrit à l’ombre du Chilien Bolaño, La Plus Secrète Mémoire des hommes a remporté le ­Goncourt 2021.
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Telerama
20 février 2023
N’ébruitons pas davantage la trame de cette enquête, prix Goncourt 2021, qui se dévore comme un polar exhaussé de la saveur étrange d’un guide ésotérique.
Lire la critique sur le site : Telerama
Culturebox
10 janvier 2022
Un livre, délicieuse mise en abyme littéraire, qui joue avec humour sur tant de registres qu'il devrait ravir tout type de lecteur, qu'il soit friand de romans historiques (de la colonisation au nazisme), de faits divers, d'enquêtes, de récits d'aventure, ou encore de réflexions philosophico-littéraires (sur l'écriture, la transmission et le plagiat).
Lire la critique sur le site : Culturebox
Lexpress
09 janvier 2022
Un livre, délicieuse mise en abyme littéraire, qui joue avec humour sur tant de registres qu'il devrait ravir tout type de lecteur, qu'il soit friand de romans historiques (de la colonisation au nazisme), de faits divers, d'enquêtes, de récits d'aventure, ou encore de réflexions philosophico-littéraires (sur l'écriture, la transmission et le plagiat), le tout sous la tutelle de Roberto Bolagno et de Milan Kundera.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaPresse
22 novembre 2021
La plus secrète mémoire des hommes est un récit ambitieux qui clame sans pudeur l’amour de son auteur pour la littérature et défend avec aplomb son universalité.
Lire la critique sur le site : LaPresse
MadmoizellePresse
15 novembre 2021
La plus secrète mémoire des hommes est un roman sur l’art même de l’écriture, sur la solitude que cela implique et sur celles et ceux qui mènent les auteurs, comme des muletiers, à travers les plaines de l’imaginaire.
Lire la critique sur le site : MadmoizellePresse
LeParisienPresse
04 novembre 2021
Comme dans tout voyage, il y a les moments d’exaltation. Forts, intenses. Et quelques longs faux plats. Certains décrocheront peut-être, ce serait erreur tant la lecture de cette « Mémoire » se révèle une expérience tout à la fois singulière et plurielle.
Lire la critique sur le site : LeParisienPresse
LeDevoir
05 octobre 2021
À sa manière, Mohamed Mbougar Sarr parvient à résoudre l’étouffant face-à-face entre l’Afrique et l’Occident : il ouvre une fenêtre et s’enfuit pour rejoindre le continent de la littérature.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
RevueTransfuge
14 septembre 2021
La plus secrète mémoire des hommes nous lance sur les traces de superbes personnages d’écrivains africains, d’hier et d’aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Lexpress
26 août 2021
La Plus Secrète Mémoire des hommes, une quête éblouissante, signée par un talentueux romancier de 31 ans.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (783) Voir plus Ajouter une citation
(…) au fond de lui, même si les apparences suggèrent toujours l’inverse, même si c'est vers l'inconnu que le porte le mouvement de son existence, aucun homme ne pense au futur.

Notre préoccupation profonde concerne le passé; et tout en allant vers l'avenir, vers ce qu'on devient, c'est du passé, du mystère de ce qu’on fut, qu’on se soucie. Cela n’a rien à voir avec une nostalgie funèbre. C'est simplement qu'entre ces deux questions qui cachent une angoisse de la même nature: que vais-je faire ? et quai je fait ? c'est cette dernière qui est la plus grave: elle ferme toute possibilité d'une correction, d'une nouvelle chance.

Dans quai-je fait ? sonne aussi le glas du c’est fait pour l'étemité. Cest la question de l’honnête homme qui commet un crime dans un accès de fureur, et qui, après l'acte, redevenu lucide, se tient la tête : quai-je fait ? Cet homme sait ce qu'il a fait. Mais son angoisse, son horreur viennent surtout de ce qu'il sait aussi qu’il ne peut défaire, réparer ce au'il a fait.

C'est parce qu il lui donne la conscience tragique de l’indéfectible, de l’irréparable, que le passé est ce qui inquiète le plus l'homme. La peur de demain porte toujours, même infime, même quand on sait qu'il peut être déçu et le sera probablement, l’espoir des possibles, du faisable, de l'ouvert, du miracle.

Celle du passé ne porte rien que le poids de sa propre inquiétude. Et même le remords ou les repentirs ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé; bien au contraire : ils le confirment même dans son éternité. On ne regrette pas seulement ce qui a été ; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.
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Qu'EIimane ait poussé ces pauvres critiques français au suicide grâce à sa puissance magique serait horrible. Mais au milieu de cette horreur possible, je verrais du comique. Pas toi ? Un écrivain qui s'estime incompris, mal lu, humilié, commenté par un prisme autre que littéraire, réduit à une peau, une origine, une religion, une identité, et qui se met à tuer les mauvais critiques de son livre par vengeance : c’est une pure comédie.

Est-ce que les choses ont changé aujourd'hui ? Est-ce qu'on parle de littérature, de valeur esthétique, ou est-ce qu’on parle des gens, de leur bronzage, de leur voix, de leur âge, de leurs cheveux, de leur chien, des poils de leur chatte, de la décoration de leur maison, de la couleur de leur veste ? Est-ce qu on parle de l’écriture ou de l'identité, du style ou des écrans médiatiques qui dispensent d'en avoir un, de la création littéraire ou du sensationnalisme de la personnalité ?

W. est le premier romancier noir à recevoir tel prix ou à entrer académie : lisez son livre, forcénient fabuleux.

X. est la première écrivaine lesbienne à voir son livre publié en écriture inclusive : c'est le grand texte révolutionnaire de notre époque.

Y est bisexuel athée le jeudi et mahométan cisgenre le vendredi : son récit est magnifique et émouvant et si vrai !

Z. a tué sa mère en la violant, et lorsque son père vient la voir en prison, elle le branle sous la table du parloir : son livre est un coup de poing dans la gueule.

C'est à cause de tout ça, de toute cette médiocrité promue et primée, que nous méritons de mourir. Tous : journalistes, critiques, lecteurs, éditeurs, écrivains, société - tous.

Que ferait Elimane aujourd'hui ? Il tuerait tout le monde. Puis il se tuerait lui-même. Je te le redis : tout ça n'est qu'une comédie. Une sinistre comédie.
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Alors qu'il en arrivait à sa conclusion, Chérif coupa le son du téléviseur. Pendant quelques minutes, nous regardâmes le président parler sur l'écran, sans entendre ses mots. Ses lèvres s'ouvraient et se refermaient sur le silence. Il mastiquait le vide avec force.

- C'est exactement ce que vit le pays, constata Chérif. Nos dirigeants nous parlent de derrière un écran, une vitre qu aucun son ne traverse. Personne ne les entend. Ça ne changerait rien si on les entendait. On n'en a plus besoin pour savoir qu'ils ne disent pas la vérité. Le monde derrière la vitre est un aquarium. Nos dirigeants, par conséquent, ne sont pas des hommes mais des poissons : des mérous, des cabillauds, des silures, des espadons, des brochets, des morues, des soles et des poissons-clowns. Et beaucoup de requins, bien sûr. Mais le pire, quand on regarde leurs visages de poissons, c'est qu'ils semblent nous dire : à notre place, vous ne feriez pas mieux. Vous décevriez comme nous décevons.
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- Voilà ton erreur. Voilà l'erreur de tous les types comme toi. Vous croyez que la littérature corrige la vie. Ou la complète. Ou la remplace. C'est faux. Les écrivains, et j'en ai connu beaucoup, ont toujours été parmi les plus médiocres amants qu’il m'ait été donné de rencontrer. Tu sais pourquoi ? Quand ils font l’amour, ils pensent déjà à la scène que cette expérience deviendra. Chacune de leurs caresses est gâchée par ce que leur imagination en fait ou en fera, chacun de leurs coups de reins, affaibli par une phrase. Lorsque je leur parle pendant l'amour, J'entends presque leurs « murmura-t-elle ».
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Nous avions ensuite longuement commenté les ambiguïtés parfois confortables, souvent humiliantes, de notre situation d’écrivains africains (ou d’origine africaine) dans le champ littéraire français. Un peu injustement, et parce qu’ils étaient des cibles évidentes et faciles, nous accablions alors nos aînés, les auteurs africains des générations précédentes : nous les tenions pour responsables du mal qui nous frappait : le sentiment d’être incapables ou de n’avoir pas le droit (c’était pareil) de dire d’où nous venions ; puis nous les accusions de s’être laissé enfermer dans le regard des autres, regard-guêpier, regard-filet, regard-marécage, regard-guet-apens qui exigeait d’eux, à la fois, qu’ils fussent authentiques – c’est-à-dire différents – et pourtant similaires – c’est-à-dire compréhensibles (autrement dit, encore : commercialisables dans l’environnement occidental où ils évoluaient) ; notre lancée critique était bonne, c’est-à-dire impitoyable, et nous ne devions pas nous arrêter en si bon chemin, donc nous déplorions que certains d’entre nos anciens aient versé dans les négreries de l’exotisme complaisant et d’autres dans les autofictions où ils n’arrivaient pas à transcender leur petite existence, eux qu’on sommait d’être africains mais de ne l’être pas trop et qui, pour obéir à ces deux impératifs aussi absurdes l’un que l’autre, oubliaient d’être des écrivains, ce qui était une faute capitale, une faute suffisante pour que nous continuions à instruire leur procès dans l’odeur commençant à se répandre de leur sang, et nous affirmions qu’ils n’avaient pas pris le risque d’être provisoirement dans la marge poétique, et nous leur reprochions de s’être caricaturés et fourvoyés dans les prétentions mortes de l’engagement comme dans les parnasseries un peu bourgeoises de l’écrivain-tout-court, et nous incriminions leur réalisme exsangue qui se contentait de reproduire le monde sans l’interpréter ou le recréer, et nous vomissions leur égoïsme dissimulé sous le droit à la liberté de l’artiste, et nous fauchions à larges andains les têtes de nos prédécesseurs qui avaient écrit beaucoup de romans injuriant la littérature par leur banalité, et nous prononcions des sentences de mort contre ceux qui avaient renoncé à se demander ensemble ce que signifiait
être dans leur situation littéraire, impuissants à créer les conditions pour des esthétiques novatrices dans nos textes, trop paresseux pour penser et se penser par la littérature, trop asservis aux prix littéraires, aux
flatteries, aux dîners mondains, aux festivals, aux chèques, aux circuits pour chercher à grimer ou gripper la littérature convenable, trop mauvais lecteurs ou trop copains pour se lire mutuellement et se dire avec
courage ce qui n’allait pas, trop pusillanimes pour oser une rupture par le roman, par la poésie, par rien d’autre : journaux intimes zéro, essais zéro et demi, science-fiction et polar, double zéro pointé, le théâtre s’en tirait beaucoup mieux, heureusement, mais les correspondances zéro, zéro, zéro, un néant primal, comme si les questions de leur aventure mortellement ambiguë, les problèmes de leur cul entre deux chaises les laissaient de marbre, ah, nos aînés tant salués tant célébrés tant récompensés, tant décrits comme le sang neuf de la littérature francophone, ah, ces aînés, génération dorée mon cul : on mettait leur œuvre sous la lumière crue, on la rapprochait du feu et sitôt alors le précieux métal fondait et coulait faux, contreplaqué, boue poisseuse entre les doigts, et on voyait que nombre de leurs livres valaient moins que ce qu’on en avait dit ou espéré, on voyait que ceux qui résisteraient au temps se compteraient sur les doigts de la main de
Maître Yoda, on voyait qu’ils n’avaient publié que les bons petits livres qu’on attendait d’eux, on on découvrait qu’ils avaient fait de nous des héritiers sans testament, qu’ils avaient tous écrit en se croyant libres quand de
robustes fers enserraient leurs poignets leurs chevilles leurs cous et leurs esprits, ah, ces glorieux aînés, ah, ah, mais étaient-ils les seuls coupables ? nous demandions-nous soudain dans une dramatisation rhétorique,
avaient-ils des circonstances atténuantes ? lancions-nous dans un geste magnanime, et alors on appelait à la barre leurs ignobles complices : d’abord une part de leur lectorat africain, que nous assassinions aussitôt d’un verdict lapidaire : pire lectorat du monde, qui ne lit pas, qui est paresseux, caricatural, intransigeant comme seule une minorité pouvait l’être, toujours avide d’être représenté alors qu’il est irreprésentable ; ensuite venaient leurs lecteurs occidentaux (osons le mot : blancs), parmi lesquels beaucoup les lisaient comme on fait charité, aimant qu’ils les divertissent ou leur parlent du vaste monde avec cette fameuse truculence naturelle des Africains, les Africains qui ont le rythme dans la plume, les Africains qui ont l’art de conter comme au clair de lune, les Africains qui ne compliquent pas les choses, les Africains qui savent encore toucher au cœur par des histoires émouvantes, les Africains qui n’ont toujours pas cédé au fat nombrilisme où s’embourbent tant d’auteurs français, ah, les merveilleux Africains dont on aime les œuvres et les personnalités colorées et les
grands rires remplis de grandes dents et d’espoir ; puis un détachement de la critique (universitaire, journalistique, culturelle) avançait vers l’échafaud, et notre guillotine tombait tout aussi lourde sur son gracile cou : critique la plus ennuyeuse de la terre, accrochée à ses problématiques ou à ses thématiques, tunnels généraux, étroits, où les œuvres cheminaient comme du gros bétail et certaines mouraient étouffées sous la lourdeur des concepts, la graisse du jargon, la fadeur des sujets ; et ainsi, sous un ciel paisible, un ciel à l’éclat nivéen, les têtes mêlées de nos aînés écrivains, de leurs lecteurs et de leurs critiques toutes origines et couleurs de peau confondues flottaient au-dessus des nôtres comme une constellation macabre ou une nuée de petits étourneaux, et à ce moment seulement, fumants de sang, ruisselants de sang comme d’antiques barbares au milieu de la plaine rougie et soudain silencieuse de la bataille, à ce moment seulement, exténués et encore un peu ivres de violence, regardant autour de nous la terre que jonchaient les cadavres des uns qui avaient cessé d’être des écrivains et des autres qui lisaient de plus en plus mal si tant est qu’ils aient su bien lire un jour, nous ressentions la culpabilité d’avoir été si cruels : qui étions-nous pour proférer des critiques si dures, intransigeantes, péremptoires envers ceux et celles sans lesquels nous n’existerions pas ? qui, pour prétendre ne rien devoir aux devanciers à l’égard desquels, pourtant, nous avions une immense et impayable dette ? qui, qui, qui, répétions-nous dans un écho infini même si nous connaissions la réponse, qui ?, eh bien, seulement de jeunes imbéciles qui arrivaient à peine en littérature et qui se croyaient tout permis ; des nouveaux qui seraient bientôt anciens et que les futurs louveteaux déchiquetteraient alors, puisque ainsi tourne le monde, oui, le monde allait ainsi et nous n’y représentions rien, sinon des poussières dans l’infini de la littérature, nous le savions, mais alors pourquoi étions-nous si arrogants, si prétentieux, si injustes alors que nous ne valions sans doute pas mieux ? nous demandait notre conscience, et nous de répondre : parce que nous éprouvons, comme tous les écrivains sans doute, l’angoisse de ne rien trouver et de ne rien laisser, et qu’au fond c’était nous-mêmes que nous critiquions, c’était notre crainte de n’être pas à la hauteur que nous exprimions, car nous nous sentions comme dans une caverne sans issue et nous avions peur d’y mourir faits comme des rats.
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Vidéo de Mohamed  Mbougar Sarr
Ils écrivent sur la disparition pour imaginer de meilleurs lendemains. Annabelle Perrin, coordinatrice du livre "Tout doit disparaître", et Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, qui y a contribué, sont nos invités.
#culture #disparition #litterature ________ Écoutez d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture dans Bienvenue au club https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrqYh8kUxa2lt9m1vxzCac7X ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/bienvenue-au-club
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