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Critique de vibrelivre


Silence du choeur
Mohamed Mbougar Sarr
roman, 2017, 413p
Présence africaine 





Voici un auteur qui sait parler des migrants, pas d'eux seulement, de ceux qui les accueillent, de ceux qui les rejettent, de ceux qui se posent des questions à leur sujet et sur eux-mêmes. Les migrants donnent lieu à un récit robuste, saisissant, et qui répond à la définition qu'en donne MMS : il relate et relie.
L'accueil des migrants d'Afrique se passe en Sicile, dans une toute petite ville qui n'est pas éloignée de l'Etna, et à notre époque . Paris a connu les attentats.
Mais cette fois, l'accueil est différent : des gens s'opposent manifestement aux migrants et brûlent un mannequin représentant un Noir. Des personnes de l'association qui s'occupe des migrants prennent conscience qu'on ne peut pas faire grand-chose pour eux. Les migrants apprennent aux Européens que leur continent est fini, ils leur rappellent le mal qu'ils leur ont infligé ; de plus, le fait qu'on peine à nommer un homme, migrant, immigrant, immigré, déplacé, exilé, réfugié, dans le livre ragazzi, est le début du malheur. Les migrants, qui éprouvent la honte de n'avoir pas pu rester au pays, et nourrissent le rêve d'y revenir, s'en rendent compte aussi.
le lecteur sera plongé dans un drame qui interrogera l'humanité. MMS sait donner de l'épaisseur à ses personnages, qu'il nous apprend à connaître avec leur éducation, leurs traditions, leur culture, leur langue, dans leurs actions, dans leur noblesse, leurs doutes, leurs ambitions, leur ignominie, leurs sentiments.  Il sait très bien construire son roman, ménage des suspens, jusqu'au bout, on sera surpris, ne laisse rien au hasard, tout est maîtrisé. Il utilise plusieurs registres, le pamphlet parfois, l'épopée, le tragique, le lyrique, la réflexion philosophique. Parfois il a de petits côtés professoraux. Il a recours à la forme du journal, du carnet, du théâtre. On voit qu'il réfléchit à l'écriture, et on entend bien la critique qui dénonce que tout le monde croit pouvoir écrire et être digne de l'écriture. Il aime aussi l'intertextualité. le personnage du poète permet d'introduire Dante et Pasolini. MMS élabore de très puissantes images qui musclent son dire, font voir les situations comme si on y était.
C'est un livre fort, vivant, émouvant, qui nous interpelle. le titre joue un peu sur les sonorités : le roman est polyphonique, centré sur la tragédie de l'impuissance, due en partie à la priorité des intérêts de chacun. Une oeuvre ambitieuse, et aboutie. Et l'auteur est jeune !
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