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Citations sur Silence du choeur (29)

....C'est comme çà que nous sommes arrivés jusqu'à Niamey. On a attendu quelques jours là-bas avant que le passeur vienne nous chercher.
En l'attendant, nous étions rassemblés dans un quartier pas très propre, pas très sûr. Ca puait, c'était pauvre, sale. Des tas d'ordures entouraient d'autres déchets, les déchets humains : nous. Nous étions cinquante comme ça, tous jeunes ou presque. Des Maliens, des Guinéens, des Sénégalais, des Nigérians, des Libériens, des Nigériens, des Camerounais, des Ivoiriens aussi.
Au début, on ne se parlait pas trop. Ce n'était pas de la timidité ou de la méfiance. C'était la peur de ne pas se comprendre. La peur de ne pas parler la même langue. Pourtant, après quelques heures, on savait qu'on parlait la même langue : la langue de la honte.
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Une fois de plus, l’Europe sans force n’est pas à la hauteur. Ce continent n’est pas prêt à accueillir ces hommes. Vitalement, il n’est pas prêt. Il n’a rien à leur proposer qui les grandisse essentiellement, je veux dire, en tant qu’hommes. L’Europe est pauvre, spirituellement pauvre et vidée. On accueille ces gens grêce à notre richesse. Mais aucune de nos propositions humaines – si on en fait ! - ne sera retenue. L’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde, oui, c’est vrai, mais j’ajoute : parce qu’elle est elle-même misérable. La valeur de la vie humaine même lui échappe, l’effraie… Nous sommes les premiers à prêcher la morale aux autres, nous sommes les premiers à parler des Droits de l’Homme, mais regardons-nous ! Humanisme dégénéré. Phare brisé d’une civilisation en pleine tempête… Et l’Église… La Sainte-Église même… Elle se trompe… Elle accueille pour la grâce de Dieu là où il faudrait accueillir pour le salut des Hommes… Sa charité est un dogme, pas un élan du cœur. Et ça, les ragazzi le sentent, le savent. Ça les tue. Depuis le temps que je fréquente et écoute ces hommes, j’ai appris que ce qui les attristait le plus, Giuseppe, c’est le vide de notre continent. Ils sont déçus par les conditions de vie, qui sont certes moins éclatantes que dans leurs illusions mortelles d’un continent économiquement surpuissant. Mais je sens qu’ils sont surtout déçus par les hommes européens… Ce continent est fini, voilà ce qu’ils nous apprennent.
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Je ne sais pas ce qui m'horrifiait le plus : le sentiment que les ténèbres étaient infinies autour de nous, ou celui qu'elles l'étaient tout autant au-dessous, dans ce gigantesque monde des profondeurs où cités englouties, mystères irrésolus, trésors mythiques, monstres légendaires, fantasmes humains, cadavres humains, peurs humaines étaient mêlées. J'avais peur de ce que je voyais. J'avais peur de ce que je ne voyais pas. Espoir et épouvante mêlés.
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Echec et espoir. La traduction n'est pas autre chose.
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Un jour des policiers nous ont trouvés. Ils sont arrivés et ont crié pour nous faire peur. Leur chef a dit qu’il allait nous renvoyer dans nos pays. Il a aussi dit que nous devions avoir honte d’abandonner l’Afrique. Qu’on était lâches, et qu’on fuyait le continent au lieu de la bâtir. Il a dit qu’il y avait la pauvreté, la corruption, l’absence d’emploi, mais que si tous les enfants du continent partaient, plus personne ne resterait pour le développer. Il nous a parlés comme si nous étions des enfants coupables d’une faute. Il nous ramenait à notre honte. On a appelé notre passeur. Il est venu et a discuté avec le policier à l’écart quelques minutes. J’ai vu notre passeur glisser des billets dans la main du policier. Après ça, le policier est parti sans rien nous dire avec ses hommes. Des hommes vraiment intègres, ces policiers, prêts à développer l’Afrique, à lutter contre la corruption.
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Au début, on ne se parlait pas trop. Ce n’était pas de la timidité ou de la méfiance. C’était la peur de ne pas se comprendre. La peur de ne pas parler la même langue. Pourtant, après quelques heures, on savait qu’on parlait la même langue : la langue de la honte. Alors, on a commencé à parler, à construire notre fraternité comme une case autour de la honte. Quand un Libérien ou un Nigérian parlait en anglais, tous les autres comprenaient. Pourquoi ? Parce que ce Nigérian ou ce Libérien était avant tout un homme honteux qui s’adressait à d’autres hommes honteux. Ce n’est pas la honte de partir, c’est la honte de ne pas avoir pu rester, de ne pas avoir pu trouver sa place dans son pays. On ne part pas pour les mêmes raisons, mais chacun de nous a une raison qui est liée à ça, à la honte que la société lui a fait subir. Mais nous avons quand même parlé. Et plus nous parlions, plus la honte disparaissait. Comme si nos hontes se réconfortaient et se consolaient les unes les autres. Alors petit à petit la honte a laisser la place au Rêve. Parce que ça aussi, ça nous liait, le Rêve.
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Que représente la douleur de ceux qui sont partis devant la souffrance de ceux qui n'ont pas pu les retenir ?

Page 178
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J'ai eu tort de douter de ces hommes et de ces femmes. J'avais sous-estimé non pas leur haine de l'immigration, mais la profonde souffrance que cette dernière leur causait.
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Traduire , c'est d'un même geste faire le deuil d'une langue première, et le pari d'en ériger une autre sur ses cendres.
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Tiens, voilà le musée d’Altino. J’y étais il y a quelques jours/ On nous a montré les tableaux des deux artistes fous-là. Je n’ai rien compris à leurs dessins ! Il y en avait même un où il n’y avait rien, aucun dessin. Lucia m’a dit qu’il coûtait très cher ! Mais qu’est-ce qui coûte cher ? C’est ça que je lui demandais. Qu’est-ce qui coûte cher puisqu’il n’y a rien ? Elle a beaucoup ri. Elle me disait que c’est ce rien qui coûte cher. Vraiment, il n’y a que les Blancs pour acheter rien, et l’acheter très cher. Ils veulent posséder, toujours posséder. Et comme ils ont déjà tout, il leur manque rien. Donc ils l’achètent aussi.
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