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Marie-Madeleine Fayet (Traducteur)René Lalou (Traducteur)
EAN : 9782253053804
281 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.98/5   283 notes
Résumé :
"Cher papa, C'est une lettre d'adieu, en attendant que je t'écrive d'un autre endroit. Je t'avais prévenu que je quitterais cette ville parce que je ne pouvais pas faire autrement. Je ne peux pas supporter plus longtemps cette existence, parce que la vie est devenue pour moi un fardeau. J'ai pris le revolver parce qu'on ne sait jamais, mais je peux en avoir besoin, et je te renverrai l'argent à la première occasion. Dis à Bérénice qu'elle ne s'inquiète pas. Tout est... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
3,98

sur 283 notes
« C'est arrivé au cours de cet été vert et fou. Frankie avait douze ans. Elle ne faisait partie d'aucun club, ni de quoi que ce soit au monde. Elle était devenue un être sans attache, qui trainait autour des portes, et elle avait peur. (... ) Chaque après-midi, le monde avait l'air de mourir, et tout devenait immobile. Cet été-là avait fini par ressembler à un cauchemar de fièvre verte ou à une jungle obscure et silencieuse derrière une vitre. Et puis le dernier vendredi du mois d'août, tout avait changé brusquement. Si brusquement que, dans le désert de cet après-midi, Frankie ne savait plus où elle en était, et qu'elle n'arrivait toujours pas à comprendre. »

Tout a changé. Frankie entre en adolescence avec une colère et une rage quasi irrationnelles, impossibles à à canaliser, confinée dans la cuisine dans laquelle elle tourne en rond, discussions sans fin avec son petit cousin et sa bonne. Elle ne pense qu'à partir, qu'à fuir, jusqu'à l'obsession.

Ce court roman ne mise pas sur l'action à proprement parler, c'est pour mieux explorer la violence des sentiments qui tourmentent Frankie. Frankie, son prénom du 1er chapitre, celui du passé. F. Jasmine, celui qu'elle se rêve dans le 2ème chapitre, celui du présent douloureux qu'elle cherche à fuir. Puis Frances, dans le 3ème chapitre, le prénom qui va l'ouvrir au monde tel qu'elle devra l'accepter.

Ces pages ont beau avoir été écrites en 1946, tout ce qui est dit sur l'adolescence est d'une grande fraicheur, toujours actuel, universel donc : l'effroi face à ce corps qui évolue de façon anarchique, l'insoumission naturelle à l'ordre familial, la crainte de se séparer de l'enfance pour devenir quelque chose d'encore flou , ce flottement inquiétant vers une bascule dans le monde des adultes.

Court ( seulement 200 pages ) mais très dense avec en toile de fond la question raciale dans les Etats sudistes mais aussi la guerre, la Seconde guerre mondiale. L'adolescence est une guerre, oui, mais elle peut se raconter en toute simplicité, avec fluidité, bienveillance et finesse. Un très beau roman initiatique d'une grande qualité d'écriture.
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Dehors c'est la guerre, dedans, c'est presque la guerre aussi, un entre-deux douloureux.
Frankie, c'est Frances Addams, presque 13 ans, 1m70, yeux gris, elle est maigre, anguleuse, elle a grandi trop vite, elle vient de massacrer sa chevelure blonde, elle va mal.
C'est l'été, un été caniculaire dans le sud des Etats-Unis. L'air épais ralentit les activités, le temps s'immobilise, l'ambiance est moite et étouffante.
Frankie, à la veille du mariage de son frère, dont elle est très proche, ressent une intense solitude, une vraie souffrance et un désir d'ailleurs. Elle ne comprend ni le monde, ni son corps, ni le désir des hommes. Elle est colère, révolte, douleur, refus, coincée entre un présent insatisfaisant et un avenir auquel elle n'arrive pas à donner de forme.
Carson Mcculler raconte merveilleusement cet épisode de la vie vécu comme un arrachement, entre impossibilité d'agir et désir de fuir, ainsi que les tragédies qui font le destin de chacun des personnages. A travers Frankie, elle parle de condition humaine, de vie, de mort, d'incommunicabilité.
Elle raconte aussi merveilleusement le Sud, avec la question raciale d'une grande violence, que la proximité apparente des communautés dissimule mal.
Sa phrase ample se développe comme un blues, et j'adore le blues ! Comme l'air de trompette de Honey, comme la prière de Bérénice, elle reste suspendue sur une note dans une infinie tristesse. On entend les pales des ventilateurs, on ressent la lenteur nécessaire de la vie dans cette atmosphère chauffée à blanc, on partage le désespoir de Frankie.
C'est vraiment du très grand roman….
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J'avais été ébloui par le coeur est un chasseur solitaire et, d'un style très différent, La ballade du Café triste.
Toute l'humanité, la tendresse, la beauté extraordinaire de l'écriture de Carson McCullers sont aussi présentes dans ce roman assez court, 200 pages, qui est, à nouveau, dans mon ressenti, avec sa part de subjectivité, un chef-d'oeuvre absolu.

Comment peut-on décrire d'une façon aussi bouleversante et juste les tourments d'une pré-adolescente trop précoce, ayant grandi trop vite, et avec cette manière d'écrire si poétique. Et toujours cette admirable construction, cette fois en trois parties reflétant parfaitement le sens du récit.

C'est le portrait de Frances, dite Frankie, Addams, qui traîne ses multiples questionnements d'une enfant de 12 ans; une enfant ayant grandi trop vite, de celles « qui font plus grandes que leur âge ». Une presque adolescente rebelle, qui rêve d'un autre monde, mais qui a quand même peur du noir, au point de demander à son très jeune cousin John Henry de venir dormir dans sa chambre. Une enfant dont la mère est morte à sa naissance, et dont le père qui est horloger-bijoutier est peu présent dans la maison, et fort distant avec sa fille, ce qui explique, peut-être, les tourments et les grosses bêtises que va faire Frankie.
Le substitut de sa mère semble être Bérénice, une servante noire au grand coeur, une personnage plein de bonté et de piété, de finesse psychologique et de crédulité .

La grande affaire du roman, c'est que le frère de Frankie, Jarvis, qu'elle adore, militaire actuellement en Alaska, doit en revenir pour se marier avec Janice, que Frankie aime beaucoup aussi. Et Frankie, en mal de vivre, qui déteste la ville où elle réside, se persuade qu'elle va quitter pour toujours ces lieux pour partir à travers le monde avec Jarvis et Janice.

Mais plus que l'intrigue, ce sont toutes les idées, les sentiments de Frankie, les dialogues si émouvants et pleins d'humour avec la nounou Bérénice et le petit cousin John Henry. Et l'atmosphère de la maison où elle vit, de la ville qu'elle parcourt dans tous ses dédales, en faisant une mauvaise rencontre.
Et aussi, au passage, une description si sensible de la condition des noirs nous est donnée par les propos de Bérénice. Et tant d'autres choses, l'amour, l'amitié, la solitude, le mal de vivre. Et l'exceptionnelle beauté de l'écriture, avec notamment ses petits leitmotivs.

C'est un roman d'une portée et d'une beauté intemporelle.
En effet, bien qu'il s'agisse de l'histoire d'une jeune fille, vivant dans le Sud des Etats-Unis à l'époque de la fin de la seconde guerre, et que je sois un homme bien vieux, vivant en France, j'ai ressenti avec force toute cette période de la vie où l'on est encore un enfant dans un corps qui devient celui d'un adulte, cette période où l'on est « mal-fini », où l'on a le sentiment d'être incompris de tous, surtout des adultes.

Et en ce sens, ce roman de McCullers confirme cette idée développée par mon cher et regretté Milan Kundera, c'est le pouvoir extraordinaire de la fiction romanesque qui, plus que d'autres moyens d'expression selon Kundera, est un moyen pour nous faire appréhender la vie, la nôtre et celle des autres.
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Frankie Addams a été ma première lecture de Carson McCullers, une lecture éblouissante. En quelques lignes, on pénètre dans la lumière intense et la chaleur moite de ces états du Sud, ici la Géorgie. Ennui, langueur, grésillement des insectes contre la moustiquaire de la cuisine, fébrilité de cette jeune adolescente qu'est Frankie, élevée par son père distant et Bérénice, dont on entend, à travers les mots, la profonde voix noire.
Frankie tourne en rond dans la cuisine de Bérénice. Arpente les rues étouffantes des longues soirées d'été, rencontre un homme, mais surtout, surtout, s'interroge sur le mariage prochain de ce frère adoré qu'elle veut suivre, avec qui elle veut partir.
Il ne s'agit que de quelques jours quelque part sur terre, mais ces jours sont merveilleusement décrits.
Dans "Un Coeur de Jeune Fille", Josyane Savigneau écrit que son oeuvre "est marquée par des personnages solitaires, marginalisés, et essayant vainement de rompre avec leur isolement", et que c'est une récurrente du roman américain.
C'est en lisant le livre que j'ai découvert que L'Effrontée de Claude Miller est une adaptation - réussie - de ce roman.
Une belle oeuvre!
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Pendant les trois jours précédant le mariage de son grand frère militaire, sa jeune soeur de 12 ans, Frankie est perturbée...Orpheline de mère, Frankie a été élevée par son père dans une petite ville d'un état du sud et surtout par Bérénice, la femme de ménage et cuisinière noire, aux quatre maris, qui sait la recadrer quand elle part dans ses idées fantasques, où elle embarque son cousin de 6 ans, le petit John Henri éternellement pendu à ses basques. Elle cherche sa place, s'interroge sur qui elle est, sur ses aspirations, elle échafaude des projets, d'abord une fuite avec les jeunes mariés pour échapper à sa vie solitaire, mais avant tout elle veut se faire appeler F. Jasmine, persuadée que ce changement l'aidera dans sa nouvelle personnalité....Après le mariage, les désillusions et les questionnements la précipitent de nouveau dans une quête de renouveau et de fugue.

Frankie Addams est un roman d'apprentissage dans lequel la petite Frankie expérimente le mal-être, une petite fille qui se cherche, un peu solitaire faisant preuve d'une trop grande maturité. Un roman sur l'enfance, le passage à l'adolescence, la relation aux adultes, à la mort, la recherche de sa place dans la famille, la difficulté de trouver son idéal et se connecter au monde.
Il y a peu d'actions véritables mais plutôt une exploration des sentiments et des états d'âme que Carson McCullers décrit avec tact, tendresse et sans pathos.
Un roman triste et beau.
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
- Cette chose que je voulais dire, j'en ai une vague idée je crois. Tous on est comme des prisonniers. On vient au monde dans un endroit ou dans un autre, et on sait pas pourquoi. Mais on est quand même des prisonniers. Moi je suis née Bérénice. Toi tu es née Frankie. John Henry, il est né John Henry. Et peut-être qu'on voudrait s'évader et être libre. Mais on a beau faire, toujours on reste prisonnier. Moi je suis moi et toi tu es toi et lui il est lui. Chacun de nous il est comme prisonnier de lui-même. C'est pas ça que tu voulais dire?
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Elle pensait au monde, et il était rapide et fissuré, et il tournait, plus rapide, plus fissuré, plus immense que jamais. Les images de la guerre surgissaient et se confondaient dans son esprit. Elle voyait des îles claires avec beaucoup de fleurs, et un pays baigné par la mer du Nord avec des vagues grises sur la plage. Des yeux gonflés d'épuisement et le piétinement sourd des soldats. Des tanks, et un avion en feu, les ailes arrachées, qui tournait en tombant dans le ciel vide. Le monde était fissuré par le fracas de la guerre, et tournait à mille miles à la minute.
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"Parce que moi, je suis noire. Parce que moi, je suis une femme de couleur. Tout le monde est prisonnier d'une façon ou d'une autre. Mais nous, les gens de couleur, c'est des frontières supplémentaires qu'on a tracées autour de nous. On nous a obligés à vivre parqués dans un coin tous ensemble. Alors on est prisonniers une première fois, comme j'ai dit, parce que tous les êtres humains sont prisonniers. Et on est prisonniers une deuxième fois parce qu'on est des gens de couleur. (p165)
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Le terrible, avec moi, c'est que pendant longtemps je n'ai été qu'un Je. Tout le monde fait partie d'un Nous, sauf moi. Si on ne fait pas partie d'un Nous, on se sent vraiment trop seul.
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"L'univers de Bérénice-Sadie-Brown-Seigneur-Tout-Puissant était très différent. C'était un univers rond, et juste et raisonnable. Un univers, où, pour commencer, les gens de couleurs ne seraient pas séparés des autres. Car tous les êtres humains auraient la peau légèrement brune, des yeux bleus, et des cheveux noirs. Il n'y aurait plus de gens de couleur, et plus de Blancs devant lesquels les gens de couleur se sentiraient honteux et inférieurs tout au long de leur vie. Plus de gens de couleur, mais des hommes, des femmes et des enfants composant une seule famille vivant sur le terre. Et quand Bérénice développait ce premier principe, sa voix était comme un chant violent qui montait du plus profond d'elle-même, et les notes qu'elle chantait étaient graves et belles et l'écho qu'elles éveillaient dans les angles de le cuisine vibrait un long moment avant que le silence ne retombe" P. 133-134
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Videos de Carson McCullers (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Carson McCullers
Dans les années 1930, dans le Sud profond des États-Unis, le sourd-muet John Singer et la garçonne Mick, passionnée de musique, s'observent l'un l'autre au café de Biff, où se côtoient la pauvreté et la tendresse. /
Premier roman de Carson McCullers, publié à 23 ans, « Le cœur est un chasseur solitaire » s'est vite affirmé comme un classique de la littérature américaine. Dès 1998, la Modern Library lui donne la 17e place dans son palmarès des 100 meilleurs romans anglophones du XXe siècle. Ariane Ascaride lui donne pour la première fois une voix en français, accompagnée à l'harmonica. /
Musique : Improvisation à l'harmonica de Chris Lancry.
Le texte français, traduit de l'anglais américain par Frédérique Nathan-Campbell, a paru en 2017, chez Stock. Direction artistique : Francesca Isidori.
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