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Stéphane Carn (Traducteur)
EAN : 9782381960418
608 pages
Monsieur Toussaint Louverture (17/02/2022)
4.42/5   368 notes
Résumé :
Zephyr, dans l'Alabama, est une ville idyllique pour Cory Mackenson, onze ans. La vie y est simple et si parfois les comètes zèbrent son ciel, c'est un incroyable terrain de jeu. Un matin malheureusement Cory et son père sont témoins d'un accident : une voiture finit dans les eaux sombres du lac. Malgré une tentative de sauvetage, le conducteur plongera dans les profondeurs et le père de Cory dans l'horreur. Alors que le jeune garçon s'efforce de comprendre le mal q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (96) Voir plus Ajouter une critique
4,42

sur 368 notes
« La vérité, c'est qu'au fil du temps, nous nous détournons même de ce qui est né avec nous ».

Cory, à peine 12 ans, désire garder en mémoire son essence, ne jamais oublier qui il était et où il a grandi, garder une trace de la fameuse magie de l'enfance. Alors il écrit. Son récit, touchant et épique, s'étale sur une année, année charnière de passage à l'adolescence, les quatre saisons de l'année 1964, dans cette ville de Zéphyr au sud des États-Unis, au sud de l'Alabama précisément, ville emblématique et personnage principal du livre. Une ville aux rues ombragées de chênes verts, aux portes et fenêtres douillettement bordées de moustiquaires, aux multiples terrains de base-ball et où, lors de la fête nationale du 4 juillet, un grand barbecue et un concours d'écriture sont organisés. Cory Mackinson y coule des jours paisibles avec ses parents, vie rythmée par l'écoulement des saisons et leurs petits plaisirs respectifs, par les rituels qui forgent les grandes amitiés, entre courses à vélo, cinéma, parties de base-ball, longs et chauds étés de liberté, et turpitudes scolaires ; et les face à face parfois sanglants avec les ennemis de toujours auprès desquels avoir la paix se gagne durement…

Sérénité totalement troublée le jour où, alors que l'enfant accompagne à l'aube son père lors de sa tournée de livraison de lait, il est le témoin d'un terrible accident : une voiture plonge dans le lac et engloutit à tout jamais le bolide et son occupant, déjà terriblement mutilé, malgré les efforts désespérés de son père pour tenter de l'en sortir. Cet événement sera traumatique pour le garçon mais aussi pour son père qui sera appelé chaque nuit par cet homme du fond des eaux noires. Qui était-il et pourquoi a-t-il été ainsi sauvagement assassiné ? Telles sont les deux questions qui hantent le père et le fils.

L'intrigue est bien le fil conducteur du livre, Cory va tenter de comprendre, de déduire, de recouper les éléments, mais cette enquête n'est en réalité qu'un prétexte pour découvrir en profondeur la ville de Zéphyr, ses habitants dans leur diversité, leurs habitudes, leur façon de vivre ; pour toucher du doigt les multiples problématiques sociétales, économiques et politiques des années 60 depuis la ségrégation raciale et les menaces du Klu Klux Klan, en passant par l'arrivée des supermarchés qui bousculent tout un ensemble de métiers (et en premier lieu celui de laitier, profession du père de Cory qui va ainsi se retrouver sans emploi), jusqu'à la guerre du Vietnam. Tout est abordé du point de vue de ce jeune garçon au regard frais, innocent, curieux. Tout est abordé à l'aune de cette ambiance des années 60, époque charnière tiraillée entre l'arrivée du rock n'roll et la religion encore bien présente, entre les Bee Gees et la musique Country…

« Je m'éveillai. le jour commençait à se lever. Un coq saluait l'aube. Dans la chambre de mes grands-parents, la radio fredonnait, réglée sur une station de musique country. le son d'une steel guitar qui plane, solitaire, sur des kilomètres de forêts et de prairies, le long d'une route filant dans la nuit, a toujours su toucher mon coeur ».

Le fantastique hante le récit, réenchantant constamment le réel à la manière si solaire qu'a un enfant de découvrir le monde. Mythes et légendes magnifient ce lieu et le dotent d'une couleur surnaturelle faisant vibrer la part féérique en nous qui ne demande qu'à être réactivée. Que ce soit le fait de pouvoir voler, la présence mystérieuse du vieux Moise, le cerf blanc Snowdown qui rôde dans la foret ou la voiture fantôme d'un voyou décédé, chacune des aventures avec ces personnages rêvés, fantasmés, ajoute un aplat de couleur supplémentaire au récit épique et à l'univers graphique de Cory Mackinson.

« Elle était couverte d'écailles en forme de diamants, de la couleur des feuilles d'automne : brun clair, violet brillant, vieil or et fauve. Toutes les nuances de la rivière y étaient, des tourbillons ocre de la boue au rose clair des reflets de la lune sur l'eau. Une forêt de moules et quelques hameçons rouillés s'étaient accrochés à ses flancs que ravinaient les canyons gris d'anciennes blessures. Un corps aussi épais qu'un chêne centenaire tourna sans se presser dans l'eau autour de nous, comme s'il avait tout son temps. Les gémissements terrifiés de Gavin ne diminuaient en rien ma fascination. Je l'avais reconnu. Mon coeur pouvait battre la chamade et mon souffle s'étrangler dans ma gorge, je le trouvais plus beau que tout.
Puis je me souviens du croc dentelé, planté comme une lame dans le morceau de bois de Monsieur Sculley. Beau ou pas, le vieux Moïse venait d'avaler la moitié d'un chien. Et il avait encore faim ».

La structure du récit est faite de façon à ne jamais pouvoir lâcher le livre. Il est structuré en quatre grandes parties correspondent aux quatre saisons, elles-mêmes composées de petits chapitres comme autant de petites aventures, on pourrait même parler de nouvelles mais qui ont toutes un lien entre elles, s'imbriquant avec bonheur, formant un récit haletant.
Véritable page turner, ce livre est très agréable à lire, ce d'autant plus que Cory est très attachant car courageux, juste et humain.

Cerise sur le gâteau, ce livre, publié pour la première fois en 1993 par Albin Michel, a été réédité par l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture et, comme pour chacun de ses livres, l'éditeur nous offre pour cette pépite merveilleuse de plus de 600 pages une magnifique couverture.


« Peut-être qu'il était fou. Peut-être qu'on traite de fous ceux qui gardent en eux un peu de la magie qu'ils avaient enfants ».

Une lecture lumineuse et rafraichissante, parfois drôle, parfois tragique, toujours d'une infinie et tendre poésie, sur la fin de l'enfance, sur la fin de cette capacité incroyable à s'émerveiller de choses banales en apparence, de choses du quotidien et que nous, devenus adultes, semblons perdre. Un livre sur l'acte d'écriture comme ultime moyen de sauvegarder cette richesse essentielle et la lecture comme façon de faire vibrer, de nouveau, la magie en nous. Entrelacement entre la vision fantastique de l'enfance et la dure réalité du monde adulte, le récit de Robert McCammon, double de Cory Mackinson, offre une vision complexe et subtile du passage de l'un à l'autre avec brio, ou du moins de la concomitance possible de ces deux mondes. Un réalisme magique de haute voltige !

« le besoin d'écouter des histoires, de se glisser dans d'autres vies, ne serait-ce qu'un instant, est la clé du monde magique qui naît avec nous ».

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C'est une chronique spéciale pour moi et j'ai choisi le livre le «Mystère du lac» parce que Robert MCcammon fait partie de mes auteurs préférés. C'est un autre écrivain que j'affectionne particulièrement et ses histoires sont incroyables. C'est mon 6e livres et je suis assez satisfaite de ma lecture pour l'avoir fini en quelques jours. C'est un très bon pavé, il contient 765 pages. Il est écrit en cinq parties :
- Les ombres du printemps
- Les anges et les démons
- Les feux de l'automne
- La rigueur de l'hiver
- Zephyr tel qu'il est.

Robert McCammon est un écrivain américain et son genre c'est le fantastique, l'horreur et la science-fiction. Avant de devenir auteur, il fait carrière dans le domaine du journaliste et après une pause de dix ans, il revient dans l'écriture. On le reconnaît pour son livre «L'heure du loup» ainsi que «Scorpion.» Il se démarque aussi dans ce livre : le «Mystère du lac» car il gagne deux prix :
- Prix Word Fantasy (1992)
- Prix Bram Stocker (2012)



Angoissant, Déstabilisant, Envoûtant

L'histoire se passe dans une petite ville, des États-Unis du Sud. Elle se nomme Zephyr. C'est dans les années 1960, c'est à l'époque où les Blancs n'acceptaient pas encore la présence des Noirs. On perçoit fortement l'influence de l'Église et du Pasteur sur la communauté. La religion voit le mal partout. Le récit débute par un meurtre, le père de Cory plonge dans le lac pour secourir un inconnu. Cory perçoit une ombre étrange dans la forêt. Depuis cet accident, rien n'est plus pareil. On ressent une tension dans l'air, le climat est fragile et la sorcellerie fait peur. Cory essaie de faire son chemin et de trouver ses repères. Est-ce qu'ils vont retrouver l'assassin ? Est-ce que son père va s'en
sortir ?



Jeunesse, Mystère, Drame

Je finis ce gros pavé en quelques jours et je ressens encore un tel bonheur même après la lecture terminée. Je retrouve donc avec un plaisir intense, la plume communicative et magique de Robert MCcammon. Il capte alors mon attention du début jusqu'à la fin. Je m'attache alors à Cory, notre jeune héros.



Robert MCcammon sait très bien raconter une histoire et il plonge le lecteur dans un univers complètement enchanteur, mystique et dangereux. Au fil des pages, on suit alors Cory, un petit garçon de onze ans. On sent qu'il s'y dégage une fragilité, une innocence qu'on décode bien. On ressent aussi l'impuissance de Cory, quand il voit son père vivre de l'anxiété après ce drame. On voit qu'il se questionne sur l'existence, sur le bien et le mal. Il constate jeune que c'est les méchants qui l'emportent sur les plus faibles, que c'est les plus forts qui font régner la loi. C'est souvent le cas et il en fait lui-même l'expérience.

Au cours de l'histoire, on fait aussi la connaissance des personnages qui font partie de la vie de Cory. On rencontre ses amis, ses alliés et on fait face aussi à ses ennemis, à ses adversaires. Tu es bouleversée par les événements. Au fur et à mesure, tu remarques, que la ville change, l'atmosphère est de plus en plus malsaine. On sent une emprise, une folie et de la violence qui y règnent.



Le livre «le mystère du lac» aborde aussi les sujets tels que la religion, l'environnement et la survie. On y mentionne également l'enfance, la famille, l'amitié qui s'y taille une place importante. On y passe par toutes sortes d'émotions et c'est une des grandes forces de Robert MCcammon. Son écriture est claire, il emploi des mots forts, il ajoute des éléments fantastiques au récit. Il sait très bien ficeler son énigme, il transmet bien le message qui veut passer et il parvient très bien à garder la concentration du lecteur.
L'auteur Robert MCcammon peut parfois réinventer les personnages, il sait nous surprendre, et nous induire en erreur. J'aime beaucoup le mystère autour de la Dame Noire, ainsi que le petit garçon aux cheveux blonds. Je fais aussi un clin d'oeil en particulier à Lucifer.
Je ne cesserai jamais de le dire et de le redire, c'est un excellent conteur et il est un auteur à découvrir. Je crois que tout lecteur peut trouver une histoire qui peut lui convenir.



Pour moi, c'est une réussite pour que je dévore en peu de temps un gros pavé. C'est une lecture qui se lit facilement, autant pour les jeunes que les adultes. C'est un livre qui te permet de t'évader, de rêver et de retrouver ton coeur d'enfant. Il manie bien la réalité avec l'imaginaire. C'est certain qu'il peut avoir quelques longueurs, c'est normal car c'est un gros pavé.
Je trouve que la dernière partie «Zephyr tel qu'il est», elle
complète bien l'histoire. On voit ce qu'est devenu Cory, sa ville et les autres personnages. L'auteur Robert MCcammon nous rappelle que même si on grandit, il ne faut pas oublier notre côté enfant et notre émerveillement.
Je le conseille vivement car cette histoire m'a procuré une immense joie. Je remercie mes amis qui sont toujours là, qui me supportent dans mes critiques. Je remercie ceux aussi qui m'inspirent et qui me permettre de continuer mon écriture. Je remercie aussi ‘'Masa'' pour m'avoir fait connaître cet écrivain qui possède un talent immense.
Pour finir, je vous rajoute la chanson «I get around» qui est un élément important dans le livre. On dit souvent que tout est une question de perception. C'est amplement vrai et le fil peut être mince entre le bien et le mal.

Bonne écoute :
https://www.youtube.com/watch?v=wREBD2og5iY


P.S : Vous pouvez aller voir aussi la critique passionnée de Masa !!!
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Voilà douze ans que l'américain Robert McCammon n'avait pas été réédité dans l'Hexagone. C'est à l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture que l'on doit ce petit évènement et le dépoussiérage de Boy's Life, un pavé de 614 pages plus connu sous nos latitudes sous le titre du Mystère du Lac (publié pour la première fois en 1993 par Albin Michel).
Réputé pour ses objets-livres soignés, Monsieur Toussaint Louverture a ici mis les petits plats dans les grands avec une reliure en carton brut sublimement illustrée par Alex Green qui offre au lecteur un écrin à la hauteur de l'oeuvre qu'il s'apprête à dévorer. Traduit par Stéphane Carn et Hélène Charrier, cette nouvelle mouture de Boy's Life nous invite dès son titre français à découvrir le héros véritable du roman : la ville de Zephyr, Alabama.

Il était une fois en Amérique…
Nous sommes en 1964 dans le Sud des États-Unis. Cory Mackenson est un jeune garçon de douze ans à peine qui vit avec son père et sa mère dans une petite ville paisible du nom de Zephyr. Paisible jusqu'au jour où, alors qu'il accompagne son père lors de sa tournée de livraison de lait, Cory devient le témoin d'un tragique « accident » quand une voiture plonge à toute vitesse dans le lac et que son père, malgré tous ses efforts, ne parvient pas à en libérer l'occupant qui sombre avec l'automobile au fin fond des eaux noires.
Un évènement traumatique pour son père, Tom, mais aussi pour lui-même qui n'aura alors de cesse de chercher à comprendre qui se trouve au fond du lac et pourquoi. Ce plongeon mortel constitue l'acte fondateur de Zéphyr, Alabama, l'amorce d'une intrigue qui court sur plus de 600 pages et où le lecteur va découvrir beaucoup (beaucoup) plus qu'une simple enquête autour de la mort d'un mystérieux inconnu dans un lac. On pourrait même dire que cette intrigue deviendra tout à fait secondaire le temps de tirer le portrait de la petite ville de Zephyr et de ses habitants. Robert McCammon installe en réalité un univers entier contenu entre les rues et les maisons de Zephyr, reconstitue l'ambiance des années 60 en Amérique et fait battre le coeur d'un souvenir poignant où la nostalgie se refuse au tableau idyllique du « c'était mieux avant ».
À partir de ce drame qui fera bruisser de rumeurs Zephyr toute entière pendant des semaines, l'américain va patiemment et brillamment restituer au lecteur la vie qui s'écoule dans Zephyr en y reconstituant une certaine idée de la vie en Amérique à l'époque. Nous sommes en 1964 et les Beach Boys viennent semer la zizanie dans le coeur des jeunes et des adolescents du coin alors que certains religieux les condamnent comme des adorateurs de Malin. Loin de ces polémiques, les Noirs et les Blancs vivent séparés, dans deux villages différents, Bruton pour les uns, Zephyr pour les autres. le racisme est là, opérant sous la capuche blanche et sinistre du Ku Klux Klan et quelques croix brûlent même devant le domicile de la Dame, dirigeante spirituelle et aînée respectée de la communauté Noire de Bruton. C'est l'époque de la guerre du Viêtnam et du bouleversement économique qui voit les petits commerces mourir avec l'arrivée des premiers supermarchés. C'est le chant du cygne du verre contre la toute-puissance du plastique mais c'est aussi une époque où tout semble encore possible et réalisable surtout quand on a l'âge de Cory Mackenson.

…Une vie d'enfant qui se termine
Au centre de Zephyr, Alabama, davantage encore que cette petite ville que nous suivrons durant quatre parties et autant de saisons, il y a Cory Mackenson, notre héros-narrateur de douze ans qui va vivre moults aventures, joies, drames et dangers durant cette année-charnière.
Robert McCammon saisit avec un talent consommé ce qui compose l'enfance. L'émerveillement devant les choses banales du quotidien que nous autres, adultes, avons perdu.
Racontée en réalité par un Cory Mackenson devenu adulte et écrivain, double de papier de Robert McCammon lui-même, l'histoire de Zephyr devient aussi (et avant tout), l'histoire de l'enfance de Cory et de son entrée progressive dans l'âge adulte. le lecteur va suivre pas à pas ce qui va forger le jeune Cory et les drames, petits et grands, qu'il va traverser au cours de cette 1964.
Dans une ambiance à la Amblin/Steven Spielberg, le roman égrène tout ce qui fait la beauté de cet âge. Les courses à vélo entre amis, le cinéma où l'on joue à se faire peur, l'école et ses turpitudes, les chiens fidèles qui se baladent à notre côté, les parties de base-ball et les visites de cirques ambulants.
Cependant, l'innocence n'est pas le but de Zephyr, Alabama. Puisque le roman n'a pas envie de reconstruire un moment de béatitude vide de sens mais de montrer la transformation de l'enfant en adulte, en le confrontant au réel du monde extérieur. Progressivement, Cory va s'apercevoir que son univers ne peut se résumer à Zephyr, même s'il le souhaite de toute ses forces.
Cela commence avec le mort au fond du lac et se poursuit dès les instants suivant lorsqu'il se retrouve devant la « maison des plaisirs » en périphérie de Zephyr et dont on évite de parler entre gens respectables. Au gré de ses tribulations, Cory affronte la violence (qui va du harcèlement des brutes locales au véritable horreurs de l'Histoire avec un grand H), le deuil intime et bouleversant, la responsabilité qui va de pair avec l'âge et, surtout, le poids du temps qui passe et que l'on ne retrouve jamais.
Robert McCammon décide de tirer le portrait d'une jeune garçon aussi attachant et courageux que profondément humain. Avec ses doutes et ses questionnements, Cory devient adulte en trébuchant. Et même si son monde se heurte à la médiocrité de certains adultes, c'est avant tout par la magie de l'enfance que l'auteur américain parvient à transcender son récit.

La magie en nous
Ce qui fait la différence ici, c'est le fantastique qui habite le récit de Robert McCammon et, par ricochet, celui de Cory Mackenson. L'américain réenchante le réel et, par le truchement de l'enfance, reconstruit un univers flirtant constamment avec l'élément magique. Zephyr se peuple ainsi dès les premières pages de créatures et d'évènements inexpliqués, forgeant les mythes et légendes de ce lieu sans histoire et lui donnant, de fait, une Histoire. du Vieux Moïse qui rôde dans la rivière au cerf blanc colossal Snowdown qui habite dans la forêt du coin en passant par Midnight Mona, une voiture fantôme dont le conducteur hante toujours les routes qui l'ont vu mourir, l'histoire de Cory se découpe en courts chapitres comme autant de nouvelles fantastiques où chaque élément apporte une nouvelle touche de peinture au tableau expressionniste que crée patiemment Robert McCammon.
C'est à la fois l'expression de l'émerveillement que permet l'enfance, de la façon qu'ont les gamins de découvrir le monde qui les entoure avec des yeux encore capables de percevoir le côté surnaturel des choses, mais c'est aussi une façon de mythifier son récit et de rencontrer ce qui va faire l'essence de l'Amérique : sa capacité à forger des légendes. À un point du récit, les mystères de Zephyr rencontrent ceux du Far West et l'on y découvre un as de la gâchette planqué sous les traits d'un vieil homme usé. C'est la confluence des récits, la confluence des mythes, cette façon de fusionner la magie des légendes américaines et celles de notre enfance, celle de l'Amérique et, de façon plus universelle, celle de tous les êtres humains sur cette planète.
En recourant à la magie et au fantastique, Robert McCammon offre des moments de grâces particulièrement émouvants, de ce voyage en plein ciel d'une bande de garçons ailés et de leurs compagnons à quatre pattes à ce chien-ami qui nous quitte en silence dans la nuit quand on a enfin lâché prise. C'est aussi l'occasion de mieux supporter la cruauté du réel, comme lorsque l'on s'imagine qu'une invasion extra-terrestre risque de changer complètement une personne que l'on aime et que ce n'est que l'alcool qui ravage le visage du paternel. Avec cette boîte à outils, l'américain redessine le réel, l'enchante même quand il n'a plus rien de reluisant, et donne au lecteur cette sensation d'espoir qui persiste jusqu'à la fin, accompagné par le lancinant violon d'un écrivain qui sait que le temps des courses à vélo et des aventures en forêt glisse entre ses doigts.
Ce qui réjouit, et ce qui fait grand bien dans notre époque de plus en plus pessimiste, c'est qu'au fond, entre les nombreux drames et personnages tragiques qui le traverse (Vernon pour n'en citer qu'un magnifique), le roman de Robert McCammon se veut optimiste et que malgré les changements, malgré les pertes et les bouleversements, on se relève et on avance. Il postule que s'il faut se souvenir de son passé, s'il faut l'honorer et le respecter, celui-ci ne doit pas résumer notre vie et qu'un futur nous attend. Évidemment, on pourrait dire que certains éléments de Zephyr, Alabama datent un peu notamment dans son abord des personnages noirs souvent considérés par le prisme du « Magical Negro » mais ce poncif passe beaucoup mieux ici car tout, au yeux de Cory, devient magique et extraordinaire à Zephyr. En 1991 déjà, Robert McCammon écrit un texte vibrant d'humanité qui refuse le racisme et la haine, qui espère que les gentils auront toujours leur mot à dire et qui est capable d'aimer ses personnages jusqu'au bout.

Écrire pour grandir
On ne pourra bien sûr pas s'empêcher de dire un mot sur l'aspect introspectif et méta du roman. C'est une vision de l'écriture, du rôle de l'écrivain et de celui de la littérature pour la jeunesse. Ce n'est pas un hasard si Cory rêve de devenir écrivain, si Vernon Thaxter s'est cassé les dents lors de l'écriture de son premier roman en vendant son âme aux démons du marché et si le titre même du roman, Boy's Life, fait référence à un illustre magazine américain du même nom publié depuis 1911 et qui a vu passé Asimov, Bradbury, Clarke ou encore Heinlein en ses pages. Zephyr, Alabama raconte l'importance du récit et l'importance de se raconter. Entre les lignes, le lecteur devine beaucoup de l'auteur lui-même et du rôle que la fiction joue dans la construction de l'esprit d'un jeune garçon de douze ans (ce n'est pas pour rien que Cory adore Bradbury d'ailleurs). Rien n'est gratuit dans l'écriture de Robert McCammon, jusqu'à l'amour des lettres de son jeune héros et son affection toute particulière, et si enfantine, pour les histoires que l'on raconte et que l'on se raconte. C'est par l'histoire que l'on se souvient et que l'on grandit. L'histoire qui nous permet de devenir adulte et de conserver, envers et contre tout, la magie de notre enfance au plus près de soi.

Récit de l'enfance qui croque à la fois l'Amérique des années 60 et la magie de l'ordinaire, Zephyr, Alabama frôle le chef d'oeuvre. Robert McCammon accomplit une chose rare et précieuse : mêler à parts égales la dure réalité de l' âge adulte et le regard fantastique de l'enfance sans jamais tomber dans l'idéalisation béate ou le pessimisme forcené. Un tour de force en somme et une très grande histoire aussi émouvante que sincère et ambitieuse.
Lien : https://justaword.fr/zephyr-..
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Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on ne s'ennuie pas à Zephyr en cette année 1964. Derrière ses façades, au fond de sa rivière ou de son lac profond, la bourgade du sud de l'Alabama renferme de sombres mystères ; il y rôde même un assassin. Témoin avec son père d'un crime traumatisant, Cory, jeune collectionneur de trésors et de magazines de monstres, s'efforce d'élucider l'affaire.

En refermant ce livre de 600 pages, on connaît Zephyr comme sa poche : ses églises et ses ragots, son supermarché flambant neuf, ses contrebandiers et ses attaques racistes, le quartier noir de Burton où la conquête des droits civiques s'organise. Cette toile de fond sociale et politique, esquissée par le prisme du quotidien de Cory, donne de l'épaisseur au récit mais sans l'appesantir aucunement. D'abord parce que l'enquête place le roman sous tension. Des indices sont distillés sous la forme d'indices à première vue anodins mais qui finissent par prendre tout leur sens. Au quotidien, Cory observe, déduit, recoupe des éléments stupéfiants, faisant la rencontre d'une reine noire de cent six ans, d'un as de la gâchette, d'un monstre de rivière et même d'un tricératops.

Son regard enfantin donne au roman une fraîcheur irrésistible. Quelque chose du charme des aventures de Tom Sawyer, mais avec en plus le rythme scandaleux des tubes des Beatles et des Beach Boys. Et un soupçon de magie. Cory et ses copains savent lire les rêves, la forme des nuages et les grains de sable. On ne sait pas toujours si le narrateur en rajoute un peu (il a l'étoffe d'un écrivain, voyez-vous), si l'imagination de sa bande la dépasse un peu ou s'il y a vraiment un solide coeur de magie à Zephyr.

Tout cela semble un peu foisonnant, mais tout finit par s'imbriquer parfaitement en un tout cohérent qui m'a beaucoup émue.

Ce livre est un univers à lui tout seul, un roman à remonter le temps porté par une plume vive qui trace son sillon propre à la lisière de la tranche de vie, de l'enquête policière, du thriller et du réalisme magique. Encore une excellente pioche pour Monsieur Toussaint Louverture qui conforte son rôle de passeur de littératures de premier plan !
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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La vie d'un jeune garçon en 1964, dans une petite ville de L'Alabama, le temps d'une année. Une petite ville où les noirs vivent dans un quartier à part, où ils n'ont pas le droit de nager dans la même eau que les blancs, une petite ville où le progrès, ou ce qu'on a appelé ainsi, du moins disons la modernité fait son apparition, une petite ville dans laquelle coule une rivière habitée par un monstre surnommé Moïse, entourée de bois où se balade un tricératops, à moins que ce ne soit qu'un rhinocéros maquillé.

Un livre ajouté dans ma PAL suite aux nombreuses critiques que j'en avais lues, le résumé sur Babelio ne m'aurait pas persuadée. Je n'aurais pas cru être si touchée par les aventures de ce petit garçon courageux et attachant, Cory, confronté dès les premières lignes du roman à un évènement horrible : Alors qu'il fait avec son père sa tournée de laitier, un véhicule plonge dans le lac, Et son père voulant sauver le conducteur y voit un cadavre, menotté au volant, atrocement défiguré, et étranglé par une corde de piano. La recherche du meurtrier sera un des éléments importants de cette année, racontée par Cory.

Mais réduire ce livre à la résolution d'une énigme policière ne serait pas lui rendre justice. Il est beaucoup plus que cela, et d'abord et ce qui m'a le plus marquée, un hommage à l'âme des enfants, leurs qualités qu'il est parfois si dur de conserver lorsqu'on prend de l'age, à leurs capacités d'émerveillement, à leur aptitude à accueillir l'inconnu, à vivre sans barrière.

A coté de cela, il y est question de racisme, de magie, d'amitié, de famille, d'écriture, de la folie. Il y est surtout question de la vie d'une petite ville, où le meilleur existe, mais où le pire a fait son apparition, par ce meurtre sauvage. Une petite ville où le père de Cory se croyait à l'abri de la cruauté du monde, mais où il sera rattrapée par elle, par ses cauchemars qui vont envahir ses nuits après la vision horrible de ce cadavre.

Une année ponctuée par des évènements joyeux ou tristes qui feront grandir Cory, une année que j'ai parcourue à son côté sans voir passer le temps. Et je ne pense pas l'avoir perdu ;-)
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critiques presse (1)
Elbakin.net
17 avril 2023
Le jeune Cory, notre narrateur, n’est ni trop enfantin, ni trop mature pour son âge, ce qui en fait un personnage crédible et auquel il est facile de s’identifier, au fil de ses joies comme de ses peines.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (147) Voir plus Ajouter une citation
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Je ne pouvais pas me représenter le paradis. Comment un endroit peut-il être "merveilleux" si on ne peut rien y faire de ce qu'on aime ? Pas de BD, pas de films de monstres, pas de vélos ni de routes de campagne pour s'y balader. Pas de piscine, pas de glaces, pas d'été, pas de barbecue du 4 juillet, pas d'orages, pas de vérandas où s'asseoir en les regardant arriver... Le paradis m'avait l'air d'une sorte de bibliothèque où on devrait passer des éternités d'éternités à lire toujours le même livre. Qu'est-ce que c'était, un Ciel sans boîte magique, sans papier machine ?
C'était un véritable enfer - voilà.
...

(P 474-475 Éditions Albin Michel de 2007)
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Je n'ai jamais eu peur d'eux, ils étaient à mes ordres. Je dormais parmi eux dans le noir, et ils ne dépassaient jamais les limites de leur royaume. Ce n'étaient pas eux qui avaient demandé à venir au monde avec ces boulons derrière leur tête, ces ailes couvertes d'écailles, ces veines assoiffées de sang frais ou ces figures difformes qui faisaient reculer les belles d'effroi. Mes monstres n'étaient pas habités par le mal - ils s'efforçaient simplement de survivre dans un univers impitoyable. Ils me ressemblaient, à moi et aux copains : minables, maladroits, vaincus - mais soumis, jamais ! C'étaient simplement des solitaires en quête de refuge, dans la maelström des torches, des amulettes des crucifix dressés, des balles d'argent, des bombes atomiques, des lance-flammes et des avions de combat lancés à leurs trousses. Ils n'étaient pas parfaits, certes, mais dans leur malheur, c'étaient des vrais héros.
...


(P184-185 Editions Albin Michel de 2007)
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Il y a pire que les monstres des films. Il y a des horreurs qui s'échappent des écrans et des pages pour envahir votre vie, pour s'immiscer derrière le sourire de ceux que vous aimez.


(P58 Editions Albin Michel de 2007)
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Ce soir là, alors que j'allais sombrer dans le sommeil, attendant déjà le réveil fatidique à cinq heures du matin, il ouvrit ma porte et lança dans le noir d'une voix inquiétante de calme : "Cory ? Fais attention cette nuit, si tu vas faire pipi. Ce matin, mamie a trouvé une mue de serpent toute fraîche sous ton lit avec une sonnette grosse comme ça, en plus. Allez, dors bien". Et il referma la porte. Le lendemain à cinq heures, je ne dormais toujours pas.
Longtemps après, je compris que grand-père Jaybird m'aiguisait comme on aiguise une lame sur une pierre à affûter. Je ne crois pas qu'il le faisait exprès, mais le résultat est là. Prenez l'histoire des serpents. Pendant toute cette nuit où j'étais resté tapi dans le noir, la vessie prête à éclater, mon imagination n'avait pas chômé. J'avais vu ce serpent à sonnettes lové quelque part dans ma chambre, à l'affût du moindre craquement de plancher lui indiquant la présence d'un pied nu, j'avais vu ses écailles couleur de forêt, son horrible tête plate flottant au-dessus du sol, ses crochets légèrement humides. J'avais vu les muscles de ses flancs frissonner lentement, tandis qu'il se délectait de mon odeur. J'avais vu son grand sourire s'épanouir dans le noir. "Je te tiens , fiston ! ", avait-il semblé dire.
S'il y avait eu une école pour l'imagination, Jaybird en aurait été le directeur. Cette nuit-là, j'avais assimilé une leçon que je n'aurais pu apprendre dans aucune université : "Comment l'esprit sécrète sa propre vérité".
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Elle était couverte d'écailles en forme de diamants, de la couleur des feuilles d'automne : brun clair, violet brillant, vieil or et fauve. Toutes les nuances de la rivière y étaient, des tourbillons ocre de la boue au rose clair des reflets de la lune sur l'eau. Une forêt de moules et quelques hameçons rouillés s'étaient accrochés à ses flancs que ravinaient les canyons gris d'anciennes blessures. Un corps aussi épais qu'un chêne centenaire tourna sans se presser dans l'eau autour de nous, comme s'il avait tout son temps. Les gémissements terrifiés de Gavin ne diminuaient en rien ma fascination. Je l'avais reconnu. Mon cœur pouvait battre la chamade et mon souffle s'étrangler dans ma gorge, je le trouvais plus beau que tout.
Puis je me souviens du croc dentelé, planté comme une lame dans le morceau de bois de Monsieur Sculley. Beau ou pas, le vieux Moïse venait d'avaler la moitié d'un chien. Et il avait encore faim.
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Robert McCammon - 2006-09-19 - Hernando County, FL, School Board address
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