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Citations sur Le Chant du coyote (36)

J'imagine mon père dans les années trente, s'agitant en tous sens, plongeant la tête sous le voile noir de l'appareil photographique puis la ressortant aussitôt telle une hirondelle. Il le transportait partout sur les routes sombres, construites quatre-vingts ans auparavant, par les hommes affamés vivant dans les asiles de nuit. C'étaient des routes étroites où se déposait des lambeaux d'écume marine et qui montaient en lacets irréguliers de la falaise vers les collines. Et des hommes ivres les empruntaient, quelquefois par rangs serrés, comme des algues mouvantes traversant la décade de la Grande Dépression. La pluie détrempait le sol, ravinait la terre, jetait des arcs-en-ciel par-dessus la baie. Des tempêtes balayaient la mer par bourrasques, quelquefois si violentes qu'elles emportaient des ardoises, des poutres et même de temps en temps des toitures entières.
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Si tu veux être heureux une heure, enivre-toi ; si tu veux être heureux une journée, tue un cochon ; si tu veux être heureux une semaine, marie-toi ; si tu veux être heureux tout une vie, va pêcher.
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Ils observèrent les nuages qui s'amoncelaient dans le ciel, gonflés comme autant de poitrines dilatées. Des bourrasques de vent soufflaient, annonciatrices d'averses, de cataractes et de déluges. Quand la pluie arriva enfin ce fut la pluie la plus forte, la plus pure, la plus grise et la plus belle à laquelle aucun d'entre eux ait jamais assisté de sa vie. De violentes trombes d'eau cinglèrent la région tout entière qui s'avançait déjà vers l'automne; les incendies furent pour un temps en sommeil, des ruisseaux se formèrent et la pluie s'abattit sur les fruits rouges, dégoulina des arbres, fit éclore les semences, fondre les blocs de sel, obscurcit le ciel et transforma en boue le sol aride.
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Au cours de l'été 1918, une femme à la chevelure rousse qui n'avait qu'une manche à sa robe donna naissance à mon père sur l'aplomb d'une falaise dominant l'Atlantique.
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Les gares routières sont parmi les endroits les plus tristes d'Amérique. Tout le monde cherche une sortie, on passe furtivement, on recherche des enfants perdus dans la foule, on reste les yeux rivés dans le vague, on attend de la vie un changement.
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C'était là quelque chose que le vieux faisait souvent - si une photographie révélait un moment de vie, il le maintenait ainsi à jamais dans sa mémoire. On aurait dit qu'en prenant une photo, il pouvait, à tout instant, réincarner une vie antérieure - une vie où un corps ne se voûtait pas, où les cheveux ne tombaient pas, où une existence future n'avait pas de raison d'être. Il suspendait le temps dans le creux de sa main fermée. Quelquefois, il le froissait, quelquefois il le laissait s'envoler. On aurait dit qu'il croyait que quelque chose qui fut a le pouvoir d'être ce qui est. C'était là sa façon à lui d'organiser l'univers, une ligne de mire qui se déplaçait du passé vers le présent, aussi facilement qu'une feuille de papier que l'on trempe dans un bain réactif. Un jour Manley avait eu seize ans et, à cause de cela, Manley avait éternellement seize ans.
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Des années plus tard, en Amérique, on me raconta que les indiens Navajo croyaient que les coyotes, par leur chant, pénétraient les arcanes de l’univers, côtoyaient les frontières du néant, vivaient au-delà de toute temporalité, pointaient leur museau vers le ciel et, dans un cri, faisaient naître le monde à leurs pieds. Les Indiens les appelaient les « chiens chantants ». Par leurs hurlements ils donnaient forme à l’univers, chaque son se mêlant à un son, origine même de tous les autres chants. Il y a longtemps, quand Mam et Dad me racontaient toute leur vie au Mexique, je croyais ce qu’ils me disaient. Et je suppose que c’est encore le cas aujourd’hui. C’était mon chant du coyote à moi : ma mère près du fil à linge, mon père luttant contre le courant. Ils essayèrent de toutes leurs forces de me dire à quel point la vie avait été belle, que les coyotes existaient vraiment et qu’ils avaient fait partie de leur univers en chantant pour eux le jour de leur mariage. Et cela avait peut-être été le cas. Peut-être qu’un gigantesque hurlement avait traversé tout le désert pour parvenir jusqu’à eux. Mais le passé est un domaine rempli d’énergie et d’imagination. Le souvenir nous permet d’épurer la mémoire. Nous réussissons à aménager notre univers à l’intérieur du quark originel qui marque l’instant de la grande explosion.
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On dit que la mémoire c'est pour les trois quarts de l'imagination et que tout le reste n'est que mensonge.
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Au plus chaud de la journée, il se reposait et fabriquait de l'eau. Il creusait un petit trou dans le sol, pissait dedans, posait une boîte de conserve dans le trou, et le recouvrait d'un morceau de plastique. Il mettait une petite pierre au milieu du plastique pour faire poids, et attendait que le soleil évapore l'humidité qui convergeait puis retombait, lentement, goutte à goutte, dans la boîte de conserve.
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Je me suis assis sur mon sac à dos, derrière la haie, à l’endroit où le vieux ne pouvait pas me voir ; j’ai observé le lent débit de la rivière et je l’ai observé, lui.

Même la rivière ne savait plus qu’elle était une rivière. Large et brune, quelques sacs plastique pris dans les roseaux, elle ne faisait plus le moindre bruit aux détours de son lit. Un morceau de cellophane s’était enroulé autour d’un des piliers du pont piétonnier. De l’huile flottait paresseusement à la surface, irisant l’eau dans le soleil de l’après-midi.

Et pourtant le vieux continuait à pêcher. La ligne s’est déroulée, accrochant la lumière, et la mouche s’est déposée doucement. Par de légers coups secs du poignet, il lui a imprimé quelques instants un mouvement tournant, il a baissé brusquement la tête après avoir lancé, il a retendu la ligne avec le moulinet et s’est frotté l’avant-bras.
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