Citations sur Illuminations et nuits blanches (16)
Quand je rencontre aujourd’hui mes anciens professeurs, ils ont du mal à croire qu’une élève aussi désinvolte ait pu devenir un auteur à succès. En vérité, je comptais pour rien ce que j’apprenais au collège, alors que l’étude de la musique me passionnait. Mes parents me donnaient raison. Vivre solitaire à ce point m’a certainement privée de quelques avantages sociaux, mais je m’en suis très bien passé.
L'après-midi s'achève. Il est quatre heures et demie. Je tape à la machin, en rêvant et en t'écrivant, depuis deux heures. Je vais rejoindre maman et poursuivre avec elle l'une de nos interminables conversations qui ne tournent qu'autour de toi.
A toi,
Carson
J’ai utilisé à plusieurs reprises le mot « illumination ». C’est un mot sur lequel il faudrait ne pas se méprendre, car j’ai traversé de nombreuses périodes où j’étais complètement « non illuminée », effrayée à l’idée que je n’écrirais plus jamais. Pour un écrivain, c’est la peur la plus angoissante. D’où vient notre travail ? Quel infime incident, quel miraculeux hasard met brusquement en marche les rouages de la création ?
J’ai écrit un jour une nouvelle, Qui a vu le vent ?, mettant en scène un écrivain incapable de travailler. « Comment avez-vous pu l’écrire ? m’a demandé Tennessee Williams. C’est la plus atroce nouvelle que j’ai lue. » C’est vrai qu’en l’écrivant je me sentais comme enlisée, mais j’ai eu un vrai soulagement d’avoir pu la mener à bien.
Je n'ai pris conscience du pouvoir qu'avait Reeves de se perdre qu'au moment où il s'est trouvé à jamais perdu. Il devait revenir pour Noël et j'ai commencé à l'attendre Je n'avais qu'Edwin comme ami. Malade et effrayée, j'écrivais, j'espérais, j'étais en attente de lui. Lorsqu'il est revenu à Noël, au lieu de boire de la bière comme d'habitude, nous avons commencé à boire du Sherry. Parfois même il buvait du whisky. Non, je n'ai réellement découvert ce pouvoir qu'avait Reeves McCullers de se perdre qu'au moment où il était trop tard pour le sauver et me sauver. Il était en parfaite santé et j'étais incapable à l'époque de déceler les symptômes de l'alcoolisme.
Les prochaines générations d’étudiants auront peut-être envie de savoir pourquoi j’ai fait telle et telle chose, et j’ai envie de le savoir, moi aussi. J’ai été reconnue comme un écrivain presque du jour au lendemain. J’étais trop jeune pour comprendre ce qui m’arrivait et les responsabilités qu’entraînait cette reconnaissance. J’en ai éprouvé une sorte d’effroi sacré qui, associé à mes maladies, m’a pratiquement détruite. En me rappelant les conséquences que provoque le succès et en les racontant aux générations à venir, j’aiderai peut-être de futurs artistes à mieux le supporter.
Je t'ai acompagn toute la journée. Mon Reeves, atu connaissance de mon amour ? Je veux qu'à caque instant tu sentes ma tendresse. Je veux que tu la sentes dans chacun de tes muscles, de tes nerfs, de tes os. C'st de cette façon-là que je sens ton amour Avoir placé en toit ma confiance et mon amour ) voilà ce qui me permet d'avancer. nous voulons vivre et travailler en toute tranquillité, avec une certaine dose de sérénité. Il y a tant de choses qui s'offrent à nous. Tant à faire.
Ce rêve de Belgique est un bien triste rêve, chéri. Jamais, tu devrais le savoir, je n'entrerais dans une maison, dont je refermerais la porte, en te laissant dehors sous la pluie dans l'allée des tilleuls. Tu devrais savoir à quel point je t'aime.
A toi, toujours.
Carson
... je rejetais la psychiatrie en elle-même. Ce n'était pas pour moi une science médicale exacte. "Il ne me reste qu'un seul bien, me disais-je. C'est mon esprit. Je ne vais pas permettre à quelqu'un de jouer avec."
Peu importe en définitive que le récit que fait Carson de ses illuminations et de ses nuits blanches soit plus ou moins proche d’une stricte vérité biographique. Ce qui compte, c’est la façon dont elle les évoque, la mémoire qu’elle en a, l’influence qu’elles ont eue sur elle. Son texte est un subtil et complexe mélange de souvenirs, d’autorévision a posteriori, de démystification et de remystification – mélange qui lui permet de se reconnaître elle-même à travers sa propre perception de la vérité.
De tous les écrivains du XXe siècle, Carson McCullers est sans doute celui dont l’univers romanesque emprunte le plus à ses expériences personnelles. Elle a dit : « Tout ce qui arrive dans mes romans m’est arrivé ou finira peut-être par m’arriver. » Elle voulait déchirer ce voile de fiction derrière lequel elle se dissimulait et raconter sa vie avec ses mots à elle, à partir de deux points essentiels : les moments où l’inspiration éclairait brusquement ce qu’elle tentait d’écrire (ce qu’elle appelle ses illuminations) et les cauchemars nocturnes nés de ses attaques, de ses amitiés trahies, de ses morts : sa grand-mère, sa mère, Reeves (ce qu’elle appelle ses nuits blanches).