Noirs tatouages

Ces dernières années, elle en était arriver à se croire seule au monde, une simple particule glissant entre les constellations de la vie des autres. Depuis la mort de sa mère jamais elle n'avait eu l'impression de posséder un foyer réel.

Tenille savait tout sur les choix.

Elle savait que, même si les profs se plaisaient à débiter un tas de boniments à la con sur les éventuelles carrières de leurs élèves,
au fond d'eux-mêmes, ils pensaient que, pour les individus de son espèce,
c'était joué d'avance.

Ce qui n'était pas le cas pour leur propre marmaille bourgeoise.

En leur for intérieur, ils pensaient que les gamines comme Tenille
étaient irrémédiablement prisonnières de la vie qu'elles avaient déjà.

Malgré toutes leurs belles paroles, leur attitude tenait un autre langage.

Elle disait :
"Tu va prendre de la drogue, voler dans les magasins,
tomber enceinte à quinze ans et avoir une vie de merde
dans une saloperie de cité jusqu'à ce que le tabac, l'alcool, la drogue
ou les privations t'emportent prématurément.
Alors pourquoi me fatiguer à t'apprendre quelque chose ?"

Mais ils se trompaient.

Tous les paysages possèdent leurs secrets. Couche par couche le passé gît sous la surface. Rarement irrécupérable, il se cache attendant qu'un être humain ou qu'un accident météorologique redonne vie aux squelettes et les ramène dans le présent. De même que les pauvres, le passé est toujours parmi nous.
(Paragraphe d'ouverture)

Une demi-heure plus tard, il se tenait à l'orée d'un paysage étrange. Sur un long plateau couvert de lande, des mains humaines s'étaient jointes aux intempéries pour donner aux tourbières des formes curieuses, les touffes d'herbe faisant penser à des îles dans un marécage noirâtre. Des flaques d'eau brunes semblaient suinter du sol, et une légère odeur de pourriture flottait dans l'air. C'était une lieu plutôt sinistre pour rendre l'âme, se dit-il.

Je ne crois pas qu'il y ait la moindre dignité dans la mort,
quelle que soit la manière dont elle survient.

Tout au plus peut-on essayer de vivre avec dignité.

Je ne crois pas qu'il y ait la moindre dignité dans la mort,
quelle que soit la manière dont elle survient.

Ces dernières années, elle en était arriver à se croire seule au monde, une simple particule glissant entre les constellations de la vie des autres.

//----Dédicace : ----//

À Kelly, ma fleur de neige


//---- Titre original : The Grave Tatoo ----//


//---- Citation d'ouverture ----//


Si ton esprit était doté
Des bienfaits de la réflexion,
Mon cher lecteur, tu trouverais
En toute chose un conte.

William Wordsworth, Simon Lee

- (...) le temps d'arriver sur le billard, ce qu'il y a d'humain en nous s'est envolé depuis longtemps, dit-il d'un ton dégagé.
Une fois morts, on n'est que des sacs de sang et de tripes.
Je n'ai jamais compris pourquoi ça débectait tellement les gens
que leurs proches soient autopsiés.

- Chez certains, il s'agit d'un principe religieux,
fit remarquer River en tâtant le crâne de la vieille dame pour y déceler d'éventuelles contusions ou écorchures.

- Ce qui est encore plus incohérent quand on y pense.
Que certaines personnes croient à la résurrection du corps physique,
je veux bien.
Mais si votre dieu est tout-puissant, il doit être capable de recoller les morceaux, non ?
En fait, ce sont les croyants que ça devrait ennuyer le moins
puisqu'ils sont persuadés que leur dieu peut tout faire.
C'est ça, le problème avec la religion.
Dès que vous mettez un dieu dans la danse, toute logique fiche le camp.

- C'est la vie. Les filles se mettent à faire leurs trucs de filles,
et les garçons font semblant de nous détester.
Jusqu'au moment où on se met à s'intéresser à l'autre sexe.

- Ce qui n'a rien à voir avec une relation non plus.
Juste la danse d'un rite de passage, dit Jimmy.
Des boutons et une grande insécurité sexuelle, voilà tout ce que j'ai retenu de ces années de collège.