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Critique de mariecesttout


Pour Henry Perowne, personnage central de ce roman, c'est un samedi ordinaire qui se prépare. Samedi ordinaire dans la vie d'un homme ordinaire ? Ou plutôt samedi privilégié dans la vie d'un homme privilégié? Marié et toujours amoureux, deux enfants aimés et brillants, un métier qui lui plait. Il est neurochirurgien. Il répare les cerveaux et s'efforce de respecter chez les autres ce qui lui semble le plus important, la conscience. Et pour cela, il faut que tout soit bien rangé, à la bonne place. le cerveau n'aime pas le désordre.... Mais ce n'est pas quelqu'un de borné, Henry Perowne, pas du tout. Simplement, il y a des choses qui lui sont moins accessibles , qui le déroutent. Par exemple, la littérature, il ne voit pas bien ce que cela apporte. Il ne veut pas non plus changer le monde, ce qu'il veut, c'est qu'on lui explique. Tout a une explication, en neurologie, une logique, et cela convient très bien à cet adepte du rationnel.

Sauf que..... et bien sauf que dès le départ, cette journée ne va pas suivre le cours prévu par son acteur. La vision très matinale d'un moteur d'avion dans le ciel londonien ( terrorisme, accident?) , les rues bloquées par les manifestants contre la guerre en Irak ( à quoi va aboutir cette guerre?), l'altercation avec un autre automobiliste ( présentant des signes visibles à l'oeil d'un spécialiste d'une grave anomalie neurologique, s'en servir ou non? ), et finalement, l'intrusion de la violence , la vraie, au sein même de sa vie familiale. Perowne débute sa journée dans la certitude d'une vie établie, il l'achève avec la seule certitude possible, la constatation de "la vitesse à laquelle les conséquences d'une action vous échappent et engendrent de nouveaux évènements."

Réflexion banale..... et oui..., mais en fait ( je laisse de côté les aspects narratifs et descriptifs du roman, très bien faits, presque cinématographiques), le thème de réflexion est là. A quoi sert à ce neurochirurgien de comprendre, comprendre ce qu'était le problème de l'avion matinal avec ce " besoin compulsif de communier avec nos semblables dans une anxiété généralisée", comprendre la pathologie exacte de son agresseur, vérifiée plus tard sur l'iconographie? A quoi, concrètement? Est-ce qu'on peut tout comprendre, tout prévoir? Est-ce qu'il ne faut pas savoir revenir au "peut être que...", au doute? Est ce que pour pénétrer l'esprit humain, les mots ne sont pas plus efficaces que le bistouri? Est-ce que les métiers choisis par ses enfants doivent vraiment n'être considérés qu'avec indulgence? Sa fille écrit des poèmes, et, ironiquement, c'est la lecture d'un poème qui le sauvera, lui et les siens. Son fils est musicien , et finalement, le point fort de cette journée a été de l'entendre:

" C'est alors qu'ils - les musiciens- nous offrent un aperçu de ce que nous pourrions être, de ce que nous avons de meilleur, de ce monde impossible où l'on donne tout aux autres sans rien perdre de soi-même . Dans le monde réel, il existe des programmes détaillés, des projets visionnaires de sociétés paisibles, sans conflit, promettant le bonheur à tous et pour toujours- des mirages au nom desquels les gens sont prêts à tuer et se faire tuer. le royaume du Christ sur terre, le paradis des travailleurs, l'état islamique idéal. Mais seule la musique, en de rares occasions, laisse vraiment entrevoir cette communauté de rêve, séduisante illusion qui s'évanouit avec les dernières notes ."

Ian Mc Ewan pose des questions sur l'époque dans laquelle nous vivons, dont il n'a évidemment pas les réponses, car il n'y a pas de réponse à tout, mais l'intérêt de la littérature est bien de savoir poser les questions....
" L'avenir est plus difficile à déchiffrer, l'horizon rendu indistinct par la multiplicité des possibles. Cent ans plus tôt, peut-être un médecin dans un peignoir de soie méditait-il sur le siècle qui venait de naître. On peut envier à ce gentleman édouardien tout ce qu'il ignorait encore.S'il avait de jeunes fils, il risquait de les perdre douze ans plus tard sur le front de la Somme".....
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