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Citations sur Solaire (51)

Même si elle se débarrassait des humains, la biosphère se maintiendrait contre vents et marées, et dans dix millions d'années à peine elle grouillerait d'autres créatures, dont peut-être aucune n'aurait une intelligence anthropoïde. Qui regretterait alors que Shakespeare, Bach, Einstein ou la colligation Beard-Einstein soient tombés dans l'oubli ?
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Il appartenait à cette classe d'hommes - peu avenants, souvent chauves, petits et gros, intelligents - que certaines femmes trouvaient inexplicablement séduisants. Du moins le croyait-il, ce qui semblait suffire à en faire une réalité. Que ces femmes le prennent pour un génie ayant besoin qu'on le materne jouait en sa faveur. Mais le Michael Beard de cette période était un homme aux facultés intellectuelles amoindries, un monomaniaque anhédonique et blessé. Alors que son cinquième mariage se désintégrait, il aurait dû savoir que faire, prendre du recul, reconnaître sa part de responsabilité. Les mariages, les siens en tout cas, ne ressemblaient-ils pas aux marées, refluant avant l'arrivée du suivant ? Or celui-ci était différent. Michael Beard ne savait que faire, prendre du recul lui coûtait et, pour une fois, il ne se reconnaissait aucune responsabilité. C'est sa femme qui avait une liaison, au grand jour de surcroît, une liaison punitive et sûrement sans remords. Il se sentait en proie, entre autres émotions, à d'intenses accès de honte et de désir. Patrice voyait un maçon, leur maçon, celui-là même qui avait rejointoyé leurs murs, aménagé leur cuisine, refait le carrelage de la salle de bains. (...) Beard découvrait avec étonnement la difficulté d'être cocu. Le malheur n'avait rien de simple.
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La planète Terre est un monde clos. Vous disposez de toutes les informations; vous avez le choix : les projets de l'humanité doivent être alimentés par une énergie propre et sûre, sinon ils échoueront et l'humanité sombrera. Vous, les forces du marché, pouvez vous montrer à la hauteur en vous enrichissant au passage, sinon vous sombrerez vous aussi.
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Quatre décennies avant de recevoir le prix Nobel de physique, il était arrivé premier au concours du plus beau bébé de Cold Norton & District, dans la catégorie allant de la naissance à six mois. Pendant ces dures années d'après-guerre, l'idéal de la beauté enfantine se trouvait surtout dans la graisse, les multiples mentons à la Churchill, les rêves de fin du rationnement et d'un règne d'abondance. On exhibait et on évaluait les bébés comme des courges à un concours agricole et, en 1947, Michael, quatre mois, potelé et jovial, l'emporta haut la main.
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Un type est dans une forêt sous la pluie, et il meurt de soif. Il a une hache ; il se met à abattre les arbres pour en boire la sève. Une gorgée par arbre. Il se retrouve entouré d'un désert sans vie, et il sait qu'à cause de lui la forêt disparaît à toute vitesse. Alors pourquoi n'ouvre-t-il pas la bouche pour boire la pluie ? Parce qu'il abat très bien les arbres, qu'il a toujours fait ainsi, et qu'il se méfie des gens qui lui conseillent de boire la pluie.
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Beard s'était surpris lui-même en se portant si vite volontaire pour un nouveau voyage en motoneige. La claustrophobie l'avait poussé dehors, ainsi que la lumière fauve baignant le fjord derrière les hublots de la salle à manger, et le fait qu'il était interdit d'aller où que ce soit sans guide armé d'une carabine. Il enfourcha la dernière motoneige et le groupe partit vers l'est en file indienne, s'enfonçant à l'intérieur du fjord. Ç'aurait d^^u être amusant, de dévaler ce large couloir de glace et de neige entre deux chaînes de montagnes aux flancs abrupts. Mais le vent transperçait à nouveau toutes ses épaisseurs de vêtements, ses lunettes s'embuèrent et se couvrirent de givre en quelques minutes, et il ne distingua plus que la masse grisâtre de la motoneige devant lui. Il roulait dans le sillage de six pots d'échappement. Pendant dix kilomètres Jan leur imposa une vitesse démente. Là où la neige avait été balayée par le vent, la surface du fjord ressemblait à de la tôle ondulée sur laquelle les engins rebondissaient avec fracas.
   Vingt minutes plus tard, ils se tenaient dans un silence soudain à cent mètres de l'extrémité du glacier, mur bleu et déchiqueté qui barrait la vallée sur quinze kilomètres. On aurait dit une ville en ruine, crasseuse et dépravée, pleine de décombres, de tours détruites, de brèches géantes. À moins vingt-huit, expliqua Jan, il faisait trop froid ce jour là pour voir des blocs se détacher, signe de la fonte des glaciers. Ils passèrent une heure à prendre des photos et à marcher de long en large. Quelqu'un découvrit une empreinte dans la neige. Ils firent cercle autour d'elle, puis reculèrent pour permettre à leur guide avec sa carabine en bandoulière de prouver ses compétences. Une empreint d'ours blanc, bien sûr, et de fraîche date. La couche de neige étant fine à cet endroit-là, il fut difficile d'en trouver une autre. Jan inspecta l'horizon avec ses jumelles.
   "Ah, dit-il calmement. On va devoir rentrer".
   Il désigna un point au loin, mais ils ne virent rien. Quand le point se mit à bouger, en revanche, les choses furent claires. À un kilomètre et demi environ, un ours se dirigeait lentement vers eux.
   "Il a faim, précisa Jan avec indulgence. Il est temps de remonter sur les motoneiges."
   Même avec la perspective d'être dévorés vivants, ils gardèrent leur dignité et coururent mollement vers leur machine. En atteignant la sienne, Beard savait ce qui l'attendait. Tout dans ce voyage conspirait contre lui. Pourquoi la chance tournerait-elle en sa faveur ?Il appuya sur le démarreur. Rien. Très bien. Que ses sinus soient brûlés jusqu'à l'os. Il réessaya, encore et encore. Autour de lui des nuages de fumée bleue et des vrombissements stridents, enfin l'expression adéquate d'une terreur panique. Une moitié du groupe fonçait déjà vers le bateau. Chacun pour soi. Beard ne gaspilla pas ses forces çà jurer. Il tira sur le starter tout en se le reprochant car le moteur était encore chaud. De nouveau il réessaya. De nouveau, rien. Une odeur d'essence. Il avait noyé le moteur ; il méritait de mourir. Tous les autres étaient partis, et le guide avec eux, faute professionnelle qu'il se promit de signaler à Pickett, ou au roi de Norvège. Sous l'effet de son énervement, ses lunettes s'embuaient et, comme d'habitude, se couvraient  de givre. Inutile de regarder en arrière, donc, mais il le fit quand même, et ne vit que de la buée gelée autour d'une parcelle de fjord pris par les glaces. Selon toute vraisemblance, l'ours se rapprochait, mais Beard avait apparemment sous-estimé la vitesse de la bête sur la terre ferme, car au même instant il reçut un violent coup dans l'épaule.
   Plutôt que se retourner pour se faire arracher le visage, il se recroquevilla sur lui-même, s'attendant au pire. Sa dernière pensée - pour le testament qu'il avait oublié de modifier et dans lequel il léguait tout ses biens à Patrice, c'est à dire à Tarpin - l'aurait déprimé, mais il entendit la voix du guide.
   " Laissez-moi faire."
  Le prix Nobel avait appuyé par erreur sur la commande des phares. La motoneige démarra au quart de tour.
   "Allez-y, dit jan. Je vous suis."
   Malgré le danger, Beard regarda une nouvelle fois en arrière, espérant apercevoir l'animal, qu'il était sur le point de prendre de vitesse. Dans l'étroit périmètre de semi-clarté entourant la couche de givre sur ses lunettes, il y eut un mouvement, mais ce pouvait être la main du guide ou sa propre cagoule. Dans le récit qu'il ferait jusqu'à la fin de ses jours, celui qui lui tiendrait lieu de souvenir, il raconterait qu'à vingt mètres de lui un ours blanc à la gueule béante chargeait quand sa motoneige s'élança - non par goût du mensonge, ou pas seulement, mais parce qu'il ne fallait jamais se priver d'une bonne histoire.
   Retraversant l'étendue glacée dans un bruit de tôle, il laissa échapper un cri de joie, perdu dans l'ouragan glacé qui lui cinglait le visage. Quelle libération de découvrir qu'à nôtre époque moderne, lui, le citadin vivant entre son clavier et son écran d'ordinateur, il pouvait être chassé, dépecé et servir de repas, de source de nourriture à d'autres créatures
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La porte de sa cellule était restée ouverte pendant des mois, des années, et il aurait pu sortir libre. Trop tard. Dès qu'il avait eu le dos tourné, un de ses spermatozoïdes, aussi courageux et rusé qu'Ulysse, avait entrepris ce périple, ouvert une brèche dans les murs de la ville pour rejoindre l'ovule de Melissa et y enfouir son identité.
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Parmi toutes les raisons invoquées pour justifier l'existence de Dieu, l'argument de la perfection du monde s'écroulait avec l'Homo sapiens. Aucun dieu digne de ce nom n'aurait pu être si maladroit devant son établi.
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... ces boutiques à peine rentables attiraient également un noyau dur de minuscules rêveuses qui ne vieillissaient pas, fidèle corps de ballet qui se reconstituait de génération en génération : des fillettes poursuivies par l'envie démodée de porter des tutus, des collants, des leggings et des chaussons, de faire des pirouettes à la barre, devant un miroir, sous l'oeil sévère d'une ancienne danseuse étoile squelettique au coeur d'or. Ce rêve d'un dur labeur sur un parquet éraflé, de la première représentation, du premier saut sur scène devant un auditoire retenant son souffle, avait survécu à l'ère électronique, aux groupes de rock féminins et aux feuilletons télévisés à l'eau de rose... les mères de ces fillettes se rappelaient leurs propres rêves, et dépensaient parfois sans compter pour les réaliser par procuration.
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Une invitation pour le pôle Nord arriva – du moins la décrivit-il ainsi aux autres et à lui-même. En réalité sa destination se trouvait bien en-dessous du 80e parallèle et, promettait la brochure, il séjournerait à bord d’un « confortable vaisseau bien chauffé, aux couloirs lambrissés, aux moquettes profondes et à l’éclairage tamisé », un navire trônant placidement au milieu des glaces d’un fjord reculé, accessible au terme d’un long trajet en motoneige au nord de Longyearbyen sur l’île du Spitzberg. Les trois difficultés seraient la taille de sa cabine, l’accès limité à sa messagerie électronique et une carte des vins réduite à un « vin de pays » nord-africain.
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