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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Nous sommes à Londres, en 1982. Un homme, Charlie, jeune trentenaire, profite de l'héritage laissé par sa mère pour acquérir un androïde, le premier être artificiel convaincant mis sur le marché, prénommé Adam. Cet homme qui est le narrateur demande à sa voisine du dessus de bien vouloir l'aider pour le transporter car celui-ci ne pèse pas moins de 67 kilos. Miranda, elle, a 22 ans, et va devenir la compagne de Charlie.

Adam, dont la personnalité a été définie et programmée à quatre mains par le couple, aide dans les tâches ménagères, fait la conversation, lit Shakespeare, écrit des haïkus, ne supporte pas le mensonge et va tomber fou amoureux de Miranda.

Ce robot, une merveille de technologie mise au point grâce à Alan Turing, toujours en vie en 1982, qui, dans cette uchronie, réécriture de l'histoire à partir d'un passé modifié, ne s'est pas suicidé en 1954 et dont l'homosexualité ne dérange plus personne, devient un vrai personnage. le passé est modifié pour le Royaume-Uni qui a perdu la guerre des Malouines, où les Beatles sont à nouveau réunis et sortent un nouvel album, modifié pour la France aussi, dont le président n'est autre que Georges Marchais. La majorité des voitures sont autonomes et les robots comme Adam sont dotés de sensibilité et sont même capables de se suicider.

Mettre de la science-fiction dans le passé, écrire une uchronie d'anticipation en quelque sorte, il fallait Ian McEwan pour oser !

C'est un roman un peu déstabilisant, il faut le reconnaître et qui amène à se poser de nombreuses questions. Ce personnage d'Adam au départ une prouesse technique, se rapproche de plus en plus de l'humain. N'y a-t-il pas le risque en voulant créer de l'intelligence artificielle à être débordé et ne plus maîtriser la situation, à créer une machine qui nous remplacerait, nous dominerait, qui nous comprendrait plus que nous nous comprenons nous-même ?

Une machine comme moi est un roman riche et audacieux, troublant qui est souvent très amusant mais aussi relativement noir. Il m'a permis de faire la connaissance de ce mathématicien britannique, auteur de travaux qui fondent scientifiquement l'informatique, Alan Turing dont j'ignorais l'existence. Bref, je me suis régalée à sa lecture tout en le trouvant parfois un peu lassant.
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Rappelant énormément un épisode de Black Mirror, Une machine comme moi, est également scénarisé comme un épisode de série télévisée.
Mais les comparaisons s'arrêtent là car Ian Mc Ewan dépasse les attentes en construisant un roman OVNI complètement inclassable et surprenant.

Parce que son écriture est vive et contemporaine et qu'il est toujours dans l'exploration de la zone grise, l'auteur et scénariste nous force à nous interroger sur nos attitudes et sur le monde dans lequel nous vivons.

Cette uchronie-dystopie-roman d'anticipation-fantastique couvre tellement de sujets qui elle donne le tournis.
Tout d'abord parce que l'auteur britannique s'accorde quelques larges libertés avec L Histoire et construit sa petite histoire à lui, fustigeant au passage la société, la politique mais aussi l'utilité que nous faisons aujourd'hui de l'intelligence artificielle.
Il questionne la raison pour laquelle certaines avancées technologiques ont été d'abord imaginées et exploitées et le détournement que nous en faisons de nos jours.

Le premier robot humanoïde a vu le jour en 1950 et n'était capable que de transférer un objet d'un endroit à un autre et servait à la manipulation d'éléments radioactifs.
Le robot de Mc Ewan devient plus humain que les humains, et c'est là que les ennuis commencent.

La vision de Mc Ewan sur les robots humanoïdes ferait hurler d'Isaac Azimov et ses 3 lois de la robotique 

Mêlant le grotesque au sublime, ce récit n'en finit pas de troubler le lecteur par son ironie latente, son humour décapant et les interrogations qu'il suscite.
Si nous intégrons aux robots notre essence et les principes moraux d'usage, pour autant seront-il aptes à comprendre nos perversions, les décisions prises sur le coup de violentes émotions et de nos préjugés ?
Leur intelligence artificielle parfaite et dépourvue de failles serait-elle compatible avec la nôtre ?

Réponse dans ces passionnantes 365 pages qui se lisent comme on binge watch les épisodes de sa série préférée.


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Le dernier roman de Ian McEwan, "Une machine comme moi", nous immerge dans un monde uchronique dont l'action se situe à Londres en 1982 et où - notamment - Alan Turing, vieillard fringant à l'intelligence toujours aussi acérée, a poursuivi ses recherches et a offert au monde en open source le résultat de ses travaux en informatique. Il en résulte la création par une entreprise technologique d'avant-garde de la première génération d'androïdes mâles et femelles - des “Adam” et des “Eve” - dotés d'une intelligence et d'une faculté d'apprentissage exceptionnelles mais également de conscience, de valeurs morales, de désirs, d'émotions et d'une plastique qui reproduit à s'y méprendre la physiologie humaine.

Et c'est dans l'achat de l'un de ces androïdes, un Adam (faute d'une Eve disponible), que Charlie - le narrateur - investit sur un coup de tête jusqu'au dernier penny de l'héritage que lui a laissé sa mère. Charlie, c'est un trentenaire un peu oisif, un peu dilettante, qui survit péniblement en boursicotant en amateur et dont la principale préoccupation est de s'interroger sur la réciprocité de l'amour qu'il porte à sa voisine Miranda, une universitaire brillante et introvertie qui semble hantée par le poids d'un secret et d'une faute. Mais en introduisant Adam, l'androïde trop parfait, au sein de son couple, il a bien malgré lui ouvert la porte à des problématiques existentielles inattendues…

"Une machine comme moi" est un roman pétillant d'intelligence, d'ironie et de lucidité qui propose au lecteur une variante inédite sur le thème du triangle amoureux et en profite pour interroger - sans lourdeur - les notions de conscience, de justice et de morale en posant la question de la valeur intrinsèque d'une humanité incline à adapter la vérité - et ses conséquences - en fonction de ses intérêts et dont les émotions, en particulier négatives, transigent volontiers avec l'éthique.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui, au-delà d'une intrigue originale et plaisante à suivre, est également nourri de science, de culture et de philosophie et donne matière à réfléchir. Une lecture agréable et intéressante.

[Challenge Multi-Défis 2020]
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Quand Charlie décide d'acquérir un humanoïde, Adam, grâce à l'héritage que lui a laissé sa mère, il est loin d'imaginer les conséquences de cette acquisition. Et certainement pas que cette belle machine tomberait amoureuse de sa petite amie, Miranda…qui apprécie cet amant parfait. Si Adam ressemble à s'y méprendre à un humain, son cerveau est beaucoup plus rapide et capable d'emmagasiner une foule d'informations en un temps record et il est programmé pour être un compagnon agréable et pacifique. Mais il manque pourtant cruellement des subtilités qui sont le propre de l'humanité. En particulier il ignore le mensonge et est incapable de comprendre que l'on puisse mentir pour une bonne cause… Ni d'accepter la passion de Miranda pour Mark, l'enfant adoptif du couple. Ce qui va entrainer pour ce dernier pas mal de complications…

Nous sommes dans les années 1980 décalées. le mathématicien Alan Turing est toujours en vie et ses travaux sur l'intelligence artificielle ont abouti à la conception de 25 Adam et Eve. La guerre des Malouines est un échec, les Beatles sont toujours au complet, Georges Marchais est le président de la France et le premier ministre anglais, Tony Benn, est assassiné… Une constante, le chômage, les luttes sociales, les manifestations… Distorsion temporelle qui permet d'imaginer que ces humanoïdes ont pu exister et choisir de s'autodétruire dans un monde qui n'était pas fait pour eux…

Une réflexion pleine d'humour sur l'orgueil de l'homme qui crée une créature qui lui échappe et n'a de désir que de casser son nouveau jouet…mais où se situe la vie ? le corps ? la conscience ? La machine Adam n'est-elle pas, par certains côtés, plus humaine que nous ? L'humanoïde sera-t-il l'avenir de l'homme ? Des questions qui restent d'actualité malgré le fait que cette dernière nous emmène dans d'autres problématiques qui laisseraient nos humanoïdes bien désarmés face à la fureur humaine…
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Plonger dans un livre de Mcewan, c'est aller vers un texte à l'intelligence affirmée mais aussi vers un récit dont le thème, le style, la légèreté sont extrêmement variables. McEwan fait partie de ces auteurs qui se renouvèlent constamment, mais toujours avec une grande finesse et une qualité insoupçonnable. Un peu comme Gainsbourg en musique.
Ici , on se pose dans l'Angleterre de 1982, en pleine guerre de Malouines , où Margaret Thatcher a du mal à imposer sa politique. Mais le 1982 de McEwan n'est pas celui que l'on a connu. On ne sait pas si Harald Schumacher va commettre le plus gros attentat du football depuis la création de ce sport un maudit 8 juillet à Séville, mais par contre on apprend qu'Alan Turing est toujours vivant. Ce qui a permis à la technologie de progresser rapidement. Les téléphones portables existent déjà et même des robots , fondés sur le deep learning (intelligence artificielle qui permet à la machine d'apprendre d'elle même et des connaissances qu'elle peut assimiler).
Dans ce monde, Charlie, féru de nouvelle technologie, va engager tout l'héritage de sa mère dans l'acquisition d'une telle machine. Parallèlement, il se met en couple avec sa voisine Miranda. L'arrivée d'Adam, c'est le nom de la machine, va bouleverser la vie du couple ...dans tous les sens du terme.

Ce livre est à nouveau un coup de maître de l'auteur anglais. L'idée initiale de construire un monde nouveau dans le passé et d'avoir fait survivre Alan Turing au procès qui lui a été fait au début des années 50 (pour homosexualité) est géniale. Page après page , on découvre un nouveau monde qui semble aller plus vite.
L'idée centrale du livre , la coexistence d'une I.A. et des humains , est remarquablement traitée.
En informatique , le produit fini est tributaire de son concepteur. L'algorithme impliqué, les choix de programmations influent sur le résultat final. A ce titre, aujourd'hui le monde informatique se pose des questions quand à son éthique , les concepteurs de programmes , en particulier les fameux GAFA, sont majoritairement des blancs de classe élevée.
Donc ici, on est confronté à un robot qui a été programmé avec des biais incompatibles avec le comportement de l'humain. C'est la question centrale du livre, traité très habillement par l'auteur.
Parallèlement, on est plongé dans la situation de l'Angleterre des années 80, l'IRA, la pool tax, les grèves , la guerre des Malouines et...la sortie de l'union européenne :)!
Mon manque de culture sur ce sujet a engendré quelques longueurs sans doute exacerbées par la période anxiogène.
Il n'empêche que ce McEwan est un bon cru, ne serait que pour avoir prolongé la vie d'un des plus grands du XXème siècle, Alan Turing.

Je ne peux m'empêcher de raconter une anecdote sur Turing. Après son procès où la castration chimique lui était proposée, il s'est suicidé , en croquant dans une pomme empoisonnée. la légende voudrait qu'Apple ait repris cette image pour en faire son logo .

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Ce que j'aime chez un auteur c'est lorsqu'il parvient à nous emmener ailleurs, quel que soit l'endroit où il nous transporte, mais qu'il innove tout en restant crédible, qu'il me porte à réfléchir à ce que nous sommes, avons été ou risquons d'être mais sans ennui, sans ton pontifiant et didactique. Et bien c'est ce que m'a offert Ian Mc Ewan en imaginant dans le Londres de 1982, un trio peu ordinaire : un homme, Charlie, une femme, Miranda et Adam, un androïde.

L'auteur installe ce trio dans le Londres politico-économique de l'époque mais en y apportant sa propre touche, traversant la guerre des Malouines, les attentats de l'IRA, les prises de position de Margaret Tatcher etc... en les incluant dans son histoire, les modifiant parfois (nous nous retrouvons en France avec Georges Marchais comme Président, les Beatles se sont reformés, Alan Turing n'est pas mort). Et dans ce monde, Charlie 32 ans, végète, boursicote avec plus ou moins de bonheur et grâce à un héritage achète un des androïdes (Adam ou Eve) mis sur le marché et fait la connaissance de sa voisine Miranda de dix ans sa cadette, dont il tombe immédiatement amoureux.

Mais le personnage le plus intéressant, le plus troublant est Adam car celui-ci est doté d'une intelligence artificielle de haut niveau, qui se veut parfaite surtout en matière d'éthique..... L'homme parfait ! Et c'est là que tout se corse car les deux amoureux ont chacun une part d'ombre, pour des motifs précis et qui ne correspond pas à la morale programmée d'Adam.

Comme le couple, je me suis attachée à cette machine presque humaine, poète à ses heures, tombant lui aussi sour le charme de Miranda. L'auteur lui attribue finalement l'âme de ce roman où chacun, humains et machine, se débat avec sa propre conscience face aux événements, à ses faiblesses et à ses actes. J'ai retrouvé la fluidité de l'écriture teintée d'ironie de Ian Mc Ewan, qui s'amuse à imaginer un Royaume-Uni dans lequel Alan Turing n'aurait pas été contraint au suicide pour éviter la castration chimique et qui devient grâce à ses travaux le "père" des ces humanoïdes modernes. 

Un monde parfait allez-vous me dire ?...... Loin de là, faites confiance à l'auteur pour être lucide malgré tout vis-à-vis des humains et y mettre les grains de sable nécessaires car les humains ne sont pas des machines....

A aucun moment le récit se relâche grâce à l'introduction d'événements qu'ils soient politique, financier, judiciaire, familial jusqu'à l'éventualité de l'arrivée d'un enfant au sein du foyer (mais pas une naissance ....cela serait trop simple). C'est un roman à tiroirs multiples qui retient notre intérêt grâce à l'ingéniosité et l'imagination de son auteur. Un récit à la fois utopique, humoristique et peut-être visionnaire.

Ce n'est pas un coup de coeur mais en cette période troublée que nous vivons, où nous nous posons beaucoup de questions sur nos comportements, sur notre façon d'agir dans le futur, j'ai aimé me plonger dans cet autre monde des années 80, dans un passé qui pourrait être notre présent ou notre futur. 

Ian Mc Ewan s'est amusé à refaire le monde, à sa manière, en imaginant (comme Paul Auster le fait souvent) : Et si....... Si Alan Turing n'était pas mort, si internet et les ordinateurs régissaient déjà le monde dans les années 80, un monde dans lequel il était déjà question que l'Angleterre sorte de l'Union Européenne..... 

Une lecture originale à la fois une page d'histoire revue et corrigée, une dystopie mêlée de science-fiction, une histoire d'amour qui n'est pas une romance et avec laquelle vous ne savez plus finalement ce qui est vrai ou faux..... Mais qu'importe puisque l'important c'est d'imaginer, de voyager et de réfléchir.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Grâce à l'argent hérité de sa mère, Charlie fait l'acquisition d'un androïde, prénommé Adam. Celui-ci ressemble beaucoup à un humain et possède une grande intelligence. Mais il va tomber amoureux de Miranda, la petite amie de Charlie. Car contrairement à ce que l'on aurait pu penser, Adam ressent des émotions. Par contre, il ne connait pas le mensonge et ne comprend rien aux enfants. L'auteur a situé l'histoire en 1982, modifiant quelque peu la réalité, de façon à rendre possible l'existence d'androïdes à cette époque. Pour cela, dans son livre, Alan Turing ne meurt pas dans les années 50 et poursuit ses travaux pour aboutir à la création d'êtres artificiels. Cet arrangement avec l'histoire n'est pas le seul. D'autres modifications de la réalité sont présentes dans le livre.
A travers ce triangle amoureux, l'auteur nous conduit à nous interroger sur notre capacité à adapter la vérité et à tromper la justice par vengeance (bien que le comportement de Miranda semble légitime). Par contre, il est clair qu'Adam n'est pas capable de comprendre que l'on puisse mentir même si c'est pour la bonne cause et il fera tout pour que la vérité soit rétablie. Au point que Charlie sera conduit à commettre l'irrémédiable...
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Ian McEwan fait partie des auteurs qui me fascinent pour son analyse du couple, du rapport à l'enfant. Toujours dans un contexte particulièrement bien travaillé, l'auteur excelle à détailler les sentiments de ses personnages.

Avec Dans une coque de noix, Ian McEwan se plaçait dans la tête d'un foetus. Aujourd'hui, Une machine comme moi explore les sentiments d'un androïde face aux arrangements de la nature humaine.

Charlie, passionné d'anthropologie et de technologie, vivote en boursicotant sur Internet. Il a investi tout l'héritage de sa mère dans l'achat d'un androïde nommé Adam. Alan Turing, toujours vivant en cette année 1982, a mis son génie au service du transhumanisme en travaillant sur l'intelligence artificielle. Douze Adam et treize Eve, première version d'humanoïdes sous différentes ethnies viennent d'être mis sur le marché.

Charlie est fier d'avoir pu acheter un exemplaire. Il propose à Miranda, la voisine du dessus dont il est amoureux, de l'aider à personnaliser son Adam en définissant la moitié des préférences de sa personnalité. Un peu comme leur enfant qui aurait la moitié des gènes de chacun de ses parents. En appliquant le caractère de ce qu'elle considère comme l'homme idéal, Miranda voue Adam à un amour aveugle pour elle-même. Cet amour, s'il pose quelques problèmes au couple, est le seul rempart contre l'autodestruction des humanoïdes de première version.

« On crée une machine possédant l'intelligence et la conscience de soi, et on la précipite dans notre monde imparfait. Un tel esprit conçu selon des principes généralement rationnels, bienveillants envers autrui, se trouve vite aux prises avec un ouragan de contradictions. »

Le passé de Miranda montre comment l'être humain doit composer avec le chagrin, la douleur. le mensonge, la manipulation, la vengeance sont des leviers, des réactions humaines habituelles. Adam ne peut comprendre comment les émotions peuvent pervertir les actes.

Ian McEwan place cette problématique dans un monde où il bouscule l'Histoire. Margaret Thatcher est en mauvaise position suite à sa défaite dans la guerre des Malouines. Tony Benn, du parti travailliste enclin au désengagement de la course aux armements nucléaires et de l'Union Européenne, lui succèdera. On ne rate pas une petite tacle au Brexit.

« Seuls le IIIe Reich et d'autres tyrannies recouraient au plébiscite pour adopter une politique, et il n'en sortait généralement rien de bon. L'Europe n'était pas simplement une union qui bénéficiait surtout aux grandes entreprises. L'histoire des Etats membres du continent était fort différente de la nôtre. »

On l'a vu, Turing est en vie, les Beatles sont toujours un groupe et Georges Marchais est Président de la France. L'Angleterre croule sous le chômage et les manifestations. Extrapolation et fond de vérité.

« On parla de la chance, de son rôle dans la vie d'un enfant- la famille au sein de laquelle il naît, l'amour qui lui est prodigué ou non, et avec quel discernement. »

Bien évidemment, Ian McEwan ne peut s'empêcher de défendre L'intérêt de l'enfant en invitant dans son récit le petit Mark, enfant malmené par sa famille. Seul l'enfant peut ramener le couple vers l'essentiel.

« Les humains étaient éthiquement défaillants : inconsistants, émotifs, sujets à la mauvaise foi, à des erreurs cognitives, souvent pour servir leurs propres intérêts. »

Au coeur de ce rêve de vertu robotique rédemptrice, j'ai peiné à saisir une unité au roman. le regard sur la société en crise est pertinent mais se mêle assez mal avec les phases plus romanesques du passé de Miranda et du présent de Mark. Certains passages plus politiques ou techniques m'ont semblé rébarbatifs et ont cassé mon rythme de lecture. J'en oubliais presque l'essentiel du roman ( enfin ce qui me captivait le plus). Quelque soit le degré d'intelligence d'un humanoïde, jamais il ne pourra intégrer la complexité de la nature humaine. Une complexité parfois bien néfaste quand elle permet de s'accommoder de certaines situations tragiques.

Un roman pertinent, intelligent mais qui m'a un peu tenue à distance de l'essentiel ( enfin de ce que je considérais comme essentiel).
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Une machine comme moi est une uchronie aux accents rétro-futuristes : l'action se déroule dans l'Angleterre tatchérienne de 1982 dans un monde où le mathématicien Alan Turing est encore en vie et a rendu possible la réalisation d'avancées technologiques qui nous sont encore inconnues.

Le charme du livre réside dans le postulat iconoclaste de McEwan qui nous dépeint une Angleterre des années 80 à la fois surannée et futuriste. La perte de la guerre des Malouines, la sortie d'un nouvel album des Beatles boursouflé de bons sentiments et une interminable grève des ramasseurs d'ordures se mêlent dans une cité londonienne éruptive aux incroyables progrès techniques de l'époque, internet évidemment, la multiplication des robots et le chômage de masse qui en résulte mais surtout le développement de l'intelligence artificielle qui vient de permettre la conception des tout premiers androïdes « intelligents » c'est à dire en perpétuel processus d'apprentissage.

Charlie, boursicoteur solitaire, sorte d'anti-héros désabusé que ne renierait pas P.G. Wodehouse fait ainsi l'acquisition d'un « Adam », qui fait partie d'un premier lot de 25 androïdes masculins et féminins mis sur le marché. La ressemblance physique entre Adam et un être humain est stupéfiante, même si Adam est dépourvu de défauts et si les subtilités relatives au regard humain ne sont pas encore totalement au point. L'androïde devient rapidement l'objet de toutes les attentions de Charlie ainsi que de sa voisine et amante Miranda qui sont tantôt fascinés, tantôt effrayés par les déroutantes aptitudes d'Adam qui parcourt pendant ses six heures de recharge journalière les recoins de la littérature anglaise, et poursuit instant après instant son processus d'auto-apprentissage. Une sorte de trio amoureux improbable se dessine le soir où Adam fait l'amour à Miranda au grand dam de Charlie écoeuré par la performance de l'androïde, scène drolatique qui révèle l'ambition du roman, une plongée dans la psyché tourmentée d'Adam. Après que Charlie lui a interdit, avec l'accord de Miranda, de réitérer ses prouesses, ce dernier découvre les souffrances de l'amour inassouvi et apprend à sublimer son désir en multipliant à l'infini l'écriture de haïkus à la perfection un peu mécanique.

L'intrigue se complexifie lorsque se mêlent dans un tourbillon narratif très maitrisé, l'apparition d'un gamin de sept ans abandonné par ses parents et recueilli par le couple officiel que forment désormais Charlie et Miranda, et le passé trouble de Miranda qu'un Adam devenu quasi omniscient révèle à Charlie. Mais les véritables enjeux du roman sont ailleurs, dans la critique aussi acerbe qu'actuelle des dérives d'une société ultra-libérale au bord de l'implosion et dans l'exploration insolite des tourments existentiels des androïdes.

Malgré l'humour anglais décalé et toute la subtilité de McEwan le roman échoue sur l'écueil fondateur des romans d'Asimov, cet anthropomorphisme en forme d'impasse qui donne une « âme » aux machines et nous conduit à appréhender Adam comme un être doté de sentiments, d'émotions qu'il a d'autant plus de mal à gérer qu'il est incapable de faire montre de duplicité. Cette incapacité à mentir constitue d'ailleurs au fond la différence ontologique entre Adam et les hommes qui l'entourent et s'impose comme la question quasi métaphysique du livre, à savoir la possibilité d'une cohabitation entre des androïdes trop parfaits et des humains trop souvent retors, sur fond des mutations inquiétantes d'une Angleterre à la dérive, où la « dame de fer » perd la main au profit d'une forme d'utopie progressiste.

L'hypothèse anthropomorphe du roman est ainsi sa limite tant l'exercice qui constitue à prêter une pensée, des désirs à une machine peut paraître vain, et venir combler le rêve de démiurge aussi sentimental qu'absurde d'Alan Turing qui perçoit les androïdes comme des êtres vivants. L'idéal de transparence d'un monde peuplé d'androïdes à l'intégrité morale absolue fait froid dans le dos, même s'il dessine en creux une critique au vitriol de notre hypocrisie et de notre inquiétante capacité à nous mentir à nous même.
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Un nouveau roman de Ian McEwan, c'est irrésistible en soi pour qui a déjà eu l'occasion d'en lire un, quel qu'il soit; non pas que TOUS les romans de Ian McEwan soient parfaits, ça n'existe pas et même, on peut ne pas apprécier plus que ça certains de ses romans. Ce qu'on ne peut prétendre, en revanche, c'est qu'on s'y ennuie ou qu'ils soient bêtes. Tous ne nous touchent pas de la même façon mais tous sont pétris d'intelligence et disent quelque chose de leur époque et de leurs contemporains.

« Il tenait à Miranda de la même façon qu'un lave-vaisselle tient à ses assiettes. »
Pour aborder le thème de l'intelligence artificielle, Ian McEwan développe un vrai roman de Science-Fiction, plaçant d'entrée de jeu une uchronie : nous sommes au début des années 80 et ni Alan Turing ni les Beatles n'ont raccroché les gants. Récemment mis sur le marché, mais encore très onéreux, deux modèles d'intelligence artificielle sont en test, douze Adam et treize Ève.

« On trouve un certain répit dans la sensualité d'un lit rien qu'à soi, pendant quelques temps du moins, jusqu'à ce que le fait de dormir seul acquière sa propre tristesse muette. »
Charlie aurait aimé acquérir une Ève mais c'est un Adam qu'il ramène à la maison, qu'il entreprend de configurer avec sa voisine du dessus, Miranda, qui deviendra bien vite son amoureuse. Ensemble, ils vont faire l'expérience de cette parentalité d'un nouveau genre…

« Je m'approchai, comme avant moi des millions de gens s'étaient approchés d'une personnalité dans un lieu public, avec cette humilité apparente qui masque le sentiment de légitimité conféré par une admiration sincère. »
C'est un roman que j'ai trouvé étrange car il m'a semblé à plusieurs endroits renoncer à une bifurcation un temps envisagée, ou c'est peut-être moi qui me suis sentie désarçonnée par des formulations un peu absconses. Charlie est un poil ennuyeux, mou, je ne l'ai pas toujours très bien suivi dans ses considérations politiques, d'ailleurs je me suis un peu perdue dans les modifications sociétales par rapport à la réalité, et surtout ce n'était pas ce que je souhaitais lire. Beaucoup de péripéties annexes au thème central, celui qui m'intéressait le plus, qui n'en demeure pas moins bien traité. Et puis évidemment ces petites perles disséminées un peu partout, des pensées comme ça qui font mouche. On ne sait toujours pas si les robots rêvent de moutons électriques mais leur tristesse en revanche nous devient palpable, et on referme ce livre avec des dizaines de sujets à approfondir.

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